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CHAPITRE 3 : LES DEUX FACES – OBJECTIVE ET SUBJECTIVE – DE LA

3.1 Une représentation quantitative des bifurcations scolaires

3.1.1 La radicalité

La dimension de la radicalité se retrouve dans toutes les définitions des bifurcations qui ont été proposées et correspond à la coupure que le changement marque dans le parcours de vie de l’individu. Dans le cas d’une bifurcation professionnelle, un changement de métier ou de carrière peut être considéré comme radical lorsque les acteurs, « dans l'exercice de leur nouveau métier, activent de nouvelles compétences professionnelles et évoluent dans un domaine professionnel sans lien évident avec le précédent » (Denave, 2010, p.168). Si cette dimension est adaptée à l’étude des bifurcations scolaires, un changement pourrait être considéré comme radical si le programme d’études vers lequel se réoriente l’individu appartient à un domaine éloigné de celui dans lequel se classe le programme de départ, et n’a donc que très peu de points en commun avec celui-ci.

Cette dimension marque une différence importante entre les bifurcations et les réorientations scolaires. Alors que ces dernières peuvent se faire entre des domaines d’études connexes, comme l’a montré le travail de Tremblay et de ses collaborateurs (Tremblay et al., 2013), le changement d’orientation doit être radical pour pouvoir être qualifié de bifurcation. Ainsi, le changement ne doit pas être une simple spécialisation et il ne doit pas avoir de lien entre les programmes d’études desquels et vers lesquels se dirigent les étudiants.

Dans l’EJET, les données concernant les programmes de formation sont codées et catégorisées d’après une classification particulière, la Classification des Programmes d’Enseignement (CPE)2. Cette classification comprend des regroupements de programmes de

formation, appelés « Structure d’agrégation spéciale », dans lesquels les programmes d’études connexes sont réunis en catégories. Douze de ces treize groupements principaux sont repris dans l’EJET3, mais le petit nombre de répondants se retrouvant dans certaines catégories de

2 Pour plus de détails concernant cette classification, voir l’Annexe 1.

3 Ces catégories de programmes de formation sont « Perfectionnement et initiation aux loisirs », « Éducation », « Arts visuels et d’interprétation, et technologies des communications », « Sciences humaines », « Sciences sociales et de comportements, et droit », « Commerce, gestion et administration publique », « Sciences physiques et de la vie, et technologies », « Mathématiques, informatique et sciences de l’information », « Architecture, génie et services connexes », « Agriculture, ressources naturelles et conservation », « Santé, parcs, récréation et conditionnement physique », « Services personnels, de protection et de transport » et « Autres ».

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programmes m’a obligée à en regrouper certaines. L’analyse est donc faîte à partir de dix catégories de programmes de formation.

Au premier domaine de formation déclaré, la catégorie regroupant le plus d’étudiants est « Commerce et gestion », avec 19,4 % des étudiants. C’est également celle qui attire le plus grand nombre d’étudiants ayant vécu une réorientation au cours de leur parcours puisque c’est cette catégorie qui gagne le plus de points de pourcentage (3,3 %) entre le premier et le dernier domaine déclaré. Les deux autres catégories regroupant le plus d’étudiants sont « Sciences sociales » (16,2 % des étudiants au premier domaine déclaré), et « Architecture et génie » (15,2 % des étudiants au premier domaine déclaré). Les catégories regroupant le plus petit nombre d’étudiants sont « Services » (3 % des étudiants) et « Éducation » (3,6 % des étudiants). Il est à noter que cette dernière catégorie est, après « Commerce et gestion » celle qui gagne le plus de points de pourcentage entre le premier et le dernier domaine de formation déclaré. Avec une augmentation de 2,7 %, elle double presque d’importance.

Les trois catégories de domaines de formation au sein desquelles semble s’opérer le moins de réorientation sont « Architecture et génie », « Arts visuels et communication » et « Services ». En effet, l’importance de ces catégories varie de moins d’un point de pourcentage entre le premier et le dernier domaine de formation déclaré par les répondants. Les trois catégories qui perdent le plus d’importance entre le premier et le dernier domaine d’étude déclaré sont « Sciences humaines », « Sciences physiques » et « Sciences sociales ». Il est intéressant de remarquer que ce sont également les trois domaines de formations les plus généraux. Le tableau 1 présenté à la page suivante présente ces résultats.

En utilisant cette nomenclature agrégée des programmes d’enseignement, nous faisons ainsi l’hypothèse que les changements d’orientation ayant lieu d’une catégorie de domaine de formation à une autre sont assez radicaux pour pouvoir être considérés comme des bifurcations. Au contraire, les programmes contenus à l’intérieur de ces catégories auraient trop de points en commun pour qu’une réorientation de l’un à l’autre marque une véritable coupure dans le parcours scolaire d’un individu.

46 Tableau I

Répartition des répondants selon le premier et le dernier domaine d’étude déclaré

Premier domainedéclaré Dernier domainedéclaré Moyenne Commerce et gestion 19,4 % 22,7 % 21,0 % Sciences sociales 16,2 % 14,8 % 15,5 % Architecture et génie 15,2 % 15,5 % 15,4 % Santé et loisirs 11,0 % 12,9 % 12,0 % Sciences humaines 9,3 % 6,1 % 7,7 % Math et informatique 7,8 % 6,8 % 7,3 % Sciences physiques 8,2 % 5,7 % 7,0 % Arts et communication 6,2 % 5,4 % 5,8 % Éducation 3,6 % 6,3 % 4,9 % Services 3,0 % 3,8 % 3,4 %

Cependant, cette dimension ne permet pas de savoir si le changement d’orientation radical qui a lieu est durable dans le temps ou s’il n’est que temporaire. En effet, même s’il est très radical, un changement de programme n’aura pas les mêmes conséquences sur le parcours d’un étudiant si celui-ci reste dans sa nouvelle orientation jusqu’à la fin de sa scolarité ou s’il se réoriente quelques mois plus tard. Pour étudier cet aspect, il est nécessaire de croiser la radicalité avec une autre dimension, soit celle de l’irréversibilité.