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Aux racines des clivages urbains : de Porta Pia à la chute du fascisme (1871-1943)

de la conflictualité sociopolitique à Rome : Les facteurs de division de l’après-guerre

I. Aux racines des clivages urbains : de Porta Pia à la chute du fascisme (1871-1943)

Demeurée à l’écart du processus d’unification du pays (le « Risorgimento »19), Rome n’était entrée dans le jeune Royaume d’Italie qu’en 1870 et uniquement à travers une annexion militaire, d’ailleurs reconnue par le Vatican seulement en 192920. En outre, depuis le XVIIIe siècle la ville éternelle était une bourgade décadente entourant le siège papal et paralysée par des siècles d’immobilisme socioéconomique - semblait inadéquate à soutenir le rôle de centre directionnel de la nation21. En l’espace d’une année, l’euphorie des nationalistes – qui avaient longuement réclamé la « conquête de Rome » comme un jalon fondamental de la renaissance italienne22 - avait cédé le pas au désenchantement quant aux possibilités réelles de faire de cette ville une capitale

19 Voir : Pierangelo Schiera (dir.), Fine di un’epoca? L’Unità d’Italia nel concerto europeo delle

nazioni, “Giornale di storia costituzionale”, n. 22, 2011 ; Roberto Vivarelli, Italia 1861, Bologna, Il Mulino, 2013.

20 Voir : Giovanni Battista Calogero, Le operazioni militari per l’occupazione dello Stato pontificio

e la presa di Roma: luglio – 20 settembre 1870, “Studi romani”, 1970, pp. 340-355; Arrigo Petacco, O Roma o morte 1861-1870: la tormentata conquista dell’unità d’Italia, Milano, Mondadori, 2011. Sur la

politique vaticane dans le cadre de la “question romaine”, voir : Cesare Marongiu Buonaiuti, Non

expedit : storia di una politica (1866-1919), Milano, Giuffré, 1971. Pour une vision globale de

l’unification italienne, voir : Gilles Pécout, Naissance de l’Italie contemporaine (1770-1922), Paris,

Nathan, 1997.

21 L’écrivain américain N. Hawthorne après avoir séjourné pendant deux ans en Italie (1857-1859),

donne une idée précise de la décadence de Rome à l’époque du « Risorgimento » : “It is a question of

speculative interest, whether the ancient Romans were as unclean a people as we everywhere find those who have succeeded them. There appears to be a kind of malignant spell in the spots that have been inhabited by these masters of the world, or made famous in their history; an inherited and inalienable curse, impelling their successors to fling dirt and defilement upon whatever temple, column, mined palace, or triumphal arch may be nearest at hand, and on every monument that the old Romans built. It is most probably a classic trait, regularly transmitted downward, and perhaps a little modified by the better civilization of Christianity; so that Caesar may have trod narrower and filthier ways in his path to the Capitol, than even those of modern Rome”, in Nathaniel Hawthorne, The Marble Faun, Boston,

Ticknor and Fields, 1860, p. 296. Voir : Antonio Papa, Roma 1870: “città assai troppo antica per i

moderni bisogni”, “Rassegna degli archivi di Stato”, XXX, n. 2, mai-août 1970, pp. 378-390. Sur la

situation de Rome entre XVIIIe et XIXe siècles, voir : Cesare Mazzoni, Roma: dati statistici, Forlì,

Bordandini,1861; Renzo De Felice, Aspetti e momenti della vita economica di Roma e del Lazio nei

secoli XVIII e XIX, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1965; Nicola La Marca, Roma e lo Stato pontificio nel Settecento, in Graziella Ciccarelli et al. (dir.), Problemi e Momenti di storia economica,

Roma, Bulzoni, 1973, pp. 349-398; Giorgio Fiocca, Struttura urbana e controllo sociale e Roma nel

'700 e nel primo '800: mobilità sociale, paesaggio urbano ed enti di sorveglianza pontifici, in Ercole

Sori (dir.), Città e controllo sociale in Italia tra XVIII e XIX secolo, Milano, FrancoAngeli, 1982, pp.

381-399; Fiorella Bartoccini et Donatella Strangio (dir.), Lo stato del Lazio 1860-1870, Roma, Istituto

Nazionale di Studi Romani, 1988.

22 Sous le slogan : “Ou Rome ou la mort !”. Voir : Giuseppe Neri, O Roma o morte : narrazione

storica della campagna garibaldina del 1867 nello Stato pontificio, Rocca San Casciano, Cappelli, 1890

; Piero Treves, L’idea di Roma e la cultura italiana del secolo XIX, Milano, Ricciardi, 1962; Leopoldo

Sandri (dir.), Roma capitale nei verbali del Consiglio dei Ministri del Regno d’Italia (1861-1870), Roma,

Istituto Nazionale di Studi Romani, 1973; Marco De Nicolò, Il 20 settembre: la definitiva sconfitta

dell’eterno-temporale contro il moderno-nazionale, in Id., Le relazioni tra Stati Uniti e Italia nel periodo di Roma capitale, Roma, Gangemi, 2008, pp. 43-63.

moderne et fonctionnelle23. Déjà, peu après l’annexion, sur le quotidien turinois « Gazzetta Piemontese » - porte-parole majeur de ce malaise anti-romain – on pouvait lire :

Les Italiens s'inclinent devant Rome, en raison de la grandeur inégalée de son histoire : Rome est la ville dont la primauté est universellement reconnue […] et qui de ce fait ne peut que devenir la capitale d'Italie […]. Une fois pourtant reconnue à Rome la primauté de l'honneur, toute autre révérence serait illogique […]. L'Italie ne veut pas, en effet, une influence prépondérante de la capitale sur le reste du pays, d'autant plus que Rome est assurément la ville la moins adaptée à exercer cette fonction de guide national. Et pour cause : d'abord la présence en ville d'une élite procléricale et farouchement hostile à l'unification ; ensuite le manque de culture politique parmi les couches populaires et enfin l’exiguïté numérique des classes moyennes qui sont aujourd'hui la base sociale incontournable de tout gouvernement représentatif24.

Dès lors, une dialectique épineuse s’institutionnalise entre l’État italien et la société romaine, pour que la ville remplisse son rôle de capitale25. Sous la pression d’un interventionnisme technocratique relativement incohérent, mené par les premiers gouvernements du pays, Rome se transforme, de fait, en un laboratoire urbain26 : la structure et les coutumes de la ville sont bousculées afin de préparer le terrain à une nouvelle élite de dirigeants et de fonctionnaires publics27. D’ailleurs, cette jeune capitale aux caractéristiques précapitalistes semble offrir d’énormes possibilités d’investissement financier et de travail : la ville nécessite en effet un grand nombre de bâtiments et d’infrastructures, capables de contenir les hommes et les institutions chargés de diriger le pays finalement unifié. En définitive, l’arrivée des grands

23 Voir : Paolo Bardi, Roma piemontese (1870-1876), Roma, Bardi, 1970.

24La capitale d’Italia, “Gazzetta Piemontese”, 1er juin 1873.

25 Voir : Marco De Nicolò, Città multipla, città dimezzata: la capitale tra Stato e amministrazione

locale (1870-1944), “Roma moderna e contemporanea”, 7, n. 1-2, 1999, pp. 57-82; Andrea Ciampani,

Municipio capitolino e governo nazionale da Pio IX a Umberto I, in Vittorio Vidotto (dir.), Roma capitale, Roma-Bari, Laterza, 2002, pp. 37-72; Bruno Tobia, Roma da città a metropoli: Gli ardui percorsi di una capitale inventata, “Studi storici”, 44, n. 1, janvier-mars 2003, pp. 273-294.

26 Voir : Italo Insolera, La trasformazione urbanistica di Roma capitale, “Veltro”, XIV, n. 4-6, 1970,

pp. 519-528 ; Carlo Aymonino, Roma Capitale 1870-1911: una città di pagina in pagina, Venezia,

Marsilio, 1984.

27 Voir : Fiorella Bartoccini, Roma nell’Ottocento: il tramonto della città santa, nascita di una

capitale, Bologna, Cappelli, 1988; Claudio Pavone, Gli inizi di Roma capitale, Torino, Bollati

Boringhieri, 2011; Cecilia Dau Novelli, La città nazionale : Roma capitale di una nuova élite

appareils étatiques italiens dans un contexte qui était resté, jusqu’alors, à l’écart de l’évolution occidentale, stimule une véritable ruée vers la ville28 : commence alors l’explosion démographique qui mènera Rome au décuplement de sa population, peu avant son premier centenaire en tant que capitale29. Cette réorganisation urbaine par le haut finit par accentuer la polarisation de la population romaine, en concentrant davantage la richesse entre les mains des couches dominantes et en massifiant les poches de misère urbaine. La portée de cette dichotomie sociale est telle que même les classes moyennes sont déchirées par deux tendances antithétiques : la haute bourgeoisie attire le fonctionnariat public, tandis que les artisans et les petits commerçants se rapprochent du prolétariat30. La nature spéculative du développement urbain de Rome inscrit cette tension socioéconomique dans la réalité territoriale31 : de ce fait, la ville prend de plus en plus une physionomie composite, déréglée et conflictuelle qui déterminera, pour les décennies suivantes, sa réputation d’exception problématique32.

En l’espace de quelques années, la valeur des sols destinés à héberger les nouveaux palais du pouvoir – mais aussi les bâtiments pour la classe ouvrière et les résidences pour la classe moyenne – atteint des sommets tels que la simple possession de terrains constructibles devient une affaire très rentable. La totalité du marché immobilier passe sous le contrôle d’une oligarchie appartenant à diverses sociétés et banques, nées de la confluence de capitaux bourgeois (notamment de provenance septentrionale) et d’immenses propriétés des aristocrates locaux et du Vatican33. Extrêmement puissantes

28 Voir : Assessorato per gli interventi sul centro storico del Comune di Roma (dir.), Roma

1871-1911. Architettura e urbanistica : uso e trasformazione della città storica, Venezia, Marsilio, 1984 ;

Voir aussi : La libertà e la capitale, “Gazzetta Piemontese”, 27 juin 1876.

29 La population romaine passe de 244 484 hab. en 1871 à 462 783 en 1901 ; en 1931 les habitants

sont arrivés à 1 008 083. Le seuil des deux millions est franchi en 1961 (2 188 160), tandis qu’en 1981 la population sera de 2 840 259. Source : base de données de l’Institut national de statistique (ISTAT), disponible sur : http://seriestoriche.istat.it/fileadmin/allegati/Popolazione/Tavola_2.20.xls.

30 Voir : Fiorella Bartoccini, La trasformazione della società romana, “Veltro”, XIV, n. 4-6, 1970,

pp. 457-470 ; Nicola La Marca, La nobiltà romana e i suoi strumenti di perpetuazione del potere, Roma,

Bulzoni, 2000 ; Mario Sanfilippo, Il generone romano tra fine Settecento e primo Novecento, Roma,

Edilazio, 2005.

31 Le politicien d’origine aristocrate Emanuele Ruspoli affirmait publiquement, avec mépris,

qu’après l’annexion de 1870 et la conséquente explosion démographique, “les riches ont été forcés à se

déplacer dans les quartiers prolétaires, tandis que la classe ouvrière avait finilà où aucun homme n’avait jamais osé mettre les pieds”. Pour ce qui est de ces dynamiques socio-urbaines, voir :

Anne-Marie Seronde Babonaux, Rome, croissance d’une capitale, cit., pp. 37-108. Voir aussi : Giuliano Friz,

La popolazione a Roma dal 1770 al 1900, Roma, Edindustria editoriale, 1974.

32 Voir : Massimo Birindelli, Roma italiana: come fare una capitale e disfare una città, Roma,

Savelli, 1978. Voir aussi : Francesco Rosso, Città eterna, corrotta e incorruttibile, simbolo dell’Italia

nel bene e nel male, “La Stampa”, 3 mai 1981.

33 Parmi les sociétés majeures, la Società Generale Immobiliare, la Compagnia Fondiaria Italiana,

en termes de politique communale34 – et finalement favorisées par une « loi spéciale pour Rome » (1881)35 qui accordait facilités et subventions – ces sociétés donnèrent lieu à une authentique « fièvre de la construction »36. La structure de la ville, à la fois bucolique et dégradée, en sort complètement transformée : bétonnage des espaces verts, abatages des anciennes villas qui dominaient le centre urbain, construction hâtive et non conforme de quartiers entiers, explosion cyclique de bulles immobilières, deviennent les marques distinctives de la capitale au tournant du XXe siècle37.

Banco di Santo Spirito, le Banco di Roma, la Banca Romana, le Credito Romano, la Banca Nazionale.

Voir : Marco Bocci, Banche e edilizia a Roma tra Otto e Novecento, “Roma moderna e contemporanea”,

7, n. 1-2, 1999, pp. 125-146 ; Simone Masi, Il credito fondiario della Banca Nazionale nel Regno d’Italia

ed il finanziamento dell’edilizia romana (1885-1893), “Roma moderna e contemporanea”, 8, n. 3, 2000, pp. 487-502.

34 Voir à ce propos les observations d’une touriste d’exception : “Il y a des gens qui affirment que la

silhouette de la capitale penche vers les banques de crédit et il ne serait pas surprenant que des influences montantes ou descendantes passent quelquefois dans la zone de la colline où préside Marc-Aurèle”, in Clémentine Hugo, Rome en 1886 : les choses et les gens, Rome, Reggiani, 1886, p. 506.

Voir : Celso De Stefanis, Sulle vicende municipali di Roma dopo Porta Pia, “Veltro”, XIV, n. 4-6, 1970,

pp. 543-584 ; Paolo Allegrezza, L’amministrazione assente. Uffici e burocrazia municipali a Roma da

Pio IX alla febbre edilizia (1847-1882), Roma, Istituto Nazionale di Studi Romani, 2000 ; Marco De

Nicolò, Sindaci e quasi sindaci di una moderna capitale senza progetto: Roma 1870-1889, in Elisabetta

Colombo (dir.), I sindaci del re 1859-1889, Bologna, Il Mulino, 2010, pp. 259-278.

35 Loi n. 209 du 14 mai 1881. Voir : Maria Teresa Bonadonna Russo, Il primo decennio di Roma

italiana e la legge speciale del 1881, “Archivio della società romana di storia patria”, XCIII, vol. 24,

1970, pp. 247-275 ; Fiorella Bartoccini, Capitale e paese: la prima “legge speciale” per Roma nella

discussione parlamentare del 1881, in Carlo Carini et Piero Melograni (dir.), Studi in onore di Paolo Alatri, Napoli, Edizioni Scientifiche, 1991, pp. 78-96. Pour une vision générale sur les lois spéciales

pour Rome, voir : Alfredo Lucente (dir.), La legislazione sul comune di Roma dal 1870 al 1955, 1955 ;

Marco De Nicolò, L’amministrazione comunale di Roma : legislazione, fonti archivistiche e

documentarie, storiografia, Bologna, Il Mulino, 1997.

36 Voir : Alberto Caracciolo, Roma capitale: dal Risorgimento alla crisi dello Stato liberale, Roma,

Editori Riuniti, 1993, pp. 169-205. Voir aussi : Anne-Marie Seronde Babonaux, Rome, croissance d’une

capitale, cit., pp. 90-112.

37 Voir : Italo Insolera, Roma moderna: cit., pp. 38-62; Lidia Piccioni, Roma e il suo territorio, in

Vittorio Vidotto (dir.), Roma capitale, cit., pp. 172-202; Maristella Casciato, Lo sviluppo urbano e il

disegno della città, in Ibidem, pp. 125-172; Paola Puzzuoli, La politica delle aree della Società generale immobiliare (1880-1920), “Dimensioni e problemi della ricerca storica”, n. 1, 2005, pp. 141-149;

Daniela Felisini, Forme e tendenze dell’investimento immobiliare nella Roma dell’Ottocento, “Città e

ROME EN 1870(EN ROUGE)

ROME EN 1925.

Juste avant le commencement des interventions du régime fasciste:l’énorme croissance urbaine par rapport à 1870 est évidente. Les anciennes périphéries (Prati, Stazione Termini, San Giovanni) ont désormais été intégrées dans la ville consolidée.

Élaboration graphique de l’auteur à partir des cartes et des données fournies par Italo Insolera, Roma moderna, cit. et Touring Club d’Italie, Roma-Guida Rossa, 1925.

Outre qu'elle tend à favoriser une expansion sauvage de la ville, cette prééminence de la rente foncière au sein de la nouvelle réalité romaine influence aussi la typologie du développement urbain, en décourageant fortement les investissements industriels (qui nécessitent au contraire de grandes parcelles de terrain à bas prix), comme le signale déjà une « Commission parlementaire d’enquête » en 188638. D’ailleurs, les hautes sphères du système politique de l’époque préconisaient encore une vision positiviste de l’organisation urbaine qui ne concevait pas la moindre interférence entre fonction administrative et fonction productive de la ville. Dans cette optique39, le rôle de centre directionnel de l’État assigné à Rome conduisait à s’opposer à une industrialisation massive de la capitale. Une agglomération ouvrière imposante était en fait considérée par la classe dirigeante libérale comme un facteur de déstabilisation politique, de régression morale et de dégradation esthétique qu’il fallait tenir éloignée des sièges du pouvoir national. En ce sens, les effets collatéraux des processus d’industrialisation – à savoir la virulence des revendications ouvrières, l’aliénation propre aux activités mécaniques et répétitives, ainsi que la pollution produite par les grandes manufactures – paraissaient incompatibles avec la figure monumentale et bureaucratique qu’on voulait maintenir à Rome40. Les gouvernements et les administrations communales encouragèrent, en revanche, le développement d’un réseau de petites entreprises destinées à intégrer davantage la place romaine dans le système productif national, tout en évitant de concentrer excessivement les établissements et la main-d’œuvre41. Cette politique dissuasive vis-à-vis de l’industrie s’accompagne de l’élargissement du secteur public, contraignant l’économie de Rome à une dimension tertiaire et improductive où même les milieux artisans et

38Voir : Commissione d’inchiesta per la revisione della tariffa industriale, Atti della Commissione

d’inchiesta per la revisione della tariffa industriale, vol. IV, 1886, p. 19. Voir aussi : Alberto Caracciolo,

Roma capitale, cit., pp. 54-59.

39 Pour ce qui est du positivisme en Italie, voir : Girolamo De Liguori, Materialismo inquieto: vicende

dello scientismo in Italia nell’età del positivismo 1868-1911, Roma-Bari, Laterza, 1988; Nadia Urbinati,

Le civili libertà: positivismo e liberalismo nell’Italia unita, Venezia, Marsilio, 1990; Antonello La

Vergata, Il Lamarckismo tra riduzionismo biologico e meliorismo sociale, Reggio Calabria, La Città del

Sole, 1995; Maria Donzelli, Origini e declino del positivismo : saggio su Auguste Comte in Italia, Napoli,

Quaderni del Dipartimenti di filosofia politica “L’Orientale”, 1999.

40 Voir : Rendiconti del Parlamento Italiano - Discussioni della Camera dei Deputati, XI Legislatura,

vol. VII, 1873, pp. 6235-6251 ; Quintino Sella, Discorsi parlamentari raccolti e pubblicati per

deliberazione della Camera dei Deputati, vol. II, 1887, pp. 278-279.

41Voir : Anne-Marie Seronde Babonaux, Rome, croissance d’une capitale, cit., pp. 218-224. Voir

aussi : Anna Laura Palazzo, Pianificazione e politica delle aree fabbricabili ai primi del Novecento,

commerciaux sont de plus en plus dépendants de commandes étatiques et des flux touristiques42.

Pendant la période libérale (1871-1921), Rome est donc soumise à une intense réorganisation urbaine qui n’arrivera jamais toutefois à faire sortir complètement la ville de sa singularité43. La capitale est remodelée et agrandie selon les préceptes d’Haussmann – éventrements urbains, réalisation de larges boulevards, ouverture d’espaces verts, développement « hors les murs », modernisation des services publics, concentration des palais du pouvoir44 –, mais, en pratique, les plans d’aménagement du territoire sont constamment contrariés par la spéculation et la culture des privilèges45. De plus, l’intervention rationnelle sur la ville est compliquée par une véritable bataille de souveraineté territoriale qui oppose farouchement les institutions étatiques, la Commune et les potentats économiques locaux46. La nouvelle physionomie de la capitale finit par intégrer toutes ces tensions : le centre historique commence à subir un processus de gentrification47 à la suite des éventrements urbains – voués à créer une convergence des axes routiers vers « Piazza Venezia » - de l’installation du pouvoir étatique, notamment avec l’ouverture des deux avenues des ministères (« Via Nazionale » et « Via XX Settembre »)48 et de la création de la

42 Voir : Anne-Marie Seronde Babonaux, Ibid., pp. 229-233. Voir aussi : Roberta Morelli, Alla

ricerca di un’identità: operai e sviluppo economico nella capitale (1870-1910), in Alberto Caracciolo

(dir.), Storia d’Italia. Le regioni dall’Unità a oggi: Il Lazio, Torino, Einaudi, 1991, pp. 43-79.

43 Voir : Massimo Scattareggia, Roma capitale: arretratezza e modernizzazione 1870-1915, “Storia

urbana”, n. 42, 1988, pp. 37-84; Denis Bocquet, La ville entre modernisation et patrimoine

archéologique: quel paysage urbain pour Rome capitale? (1870-1922), “Cahiers de la Méditerranée”, n. 59, 1999, pp. 147-161.

44 Sur le travail du Baron Haussmann, voir : Rosemarie Gerken, Transformation und Embellissement

von Paris in der Karikatur: Zur Umwandlung der französischen Hauptstadt im Zweiten Kaiserreich durch den Baron Haussmann, Hildesheim, Georg Olms Verlag, 1997.

45 Voir : Italo Insolera, Storia del primo piano regolatore di Roma : 1870-1874, “Urbanistica”, n. 27,

1959, pp. 74-94 ; Gianfranco Spagnesi, Edilizia romana nella seconda meta del 19mo secolo

(1848-1905), Roma, Dapco, 1974; Italo Insolera, Urbanistica e architettura nell’età di Nathan, “Storia urbana”,

n. 82-83, 1998, pp. 49-54; Denis Bocquet, Technique, espace et société, cit., pp. 107-123.

46 Voir : Agostino Attanasio, Burocrazia e strutture amministrative del Comune di Roma

(1900-1915), in Cesare Mozzarelli et Ermanno Ferrari (dir.), Il governo della città nell’Italia giolittiana. Proposte di storia dell’amministrazione locale, Trento, Reverdito, 1992, pp. 353-434 ; Denis Bocquet,

Moderniser la ville éternelle. Luttes politiques, rivalités institutionnelles et contrôle du territoire : Rome 1870-1900, “Histoire Urbaine”, n. 9, avril 2004, pp. 97-109. Pour une vision globale, voir : Manlio

Venditelli, Roma Capitale-Roma Comune : sviluppo economico e crescita urbana della città moderna,

Roma, Gangemi, 1985 ; Giuseppe Parisella (dir.), La capitale e lo Stato : governo centrale e poteri locali

a Roma, 1870-1990, Roma, Kairos, 1992.

47 Phénomène urbain par lequel des arrivants plus aisés s'approprient d’un espace initialement occupé

par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil économique et social du quartier

au profit exclusif d'une couche sociale supérieure. Sur ce concept, voir : Alain Bourdin, Gentrification :

un « concept » à déconstruire, “Espaces et sociétés”, 132, n. 1-2, 2008, pp. 23-37.

48 C’est justement à « Piazza Venezia » que le pouvoir royal fait ériger en 1911 le symbole de sa

prééminence politique sur la nation, le « Vittoriano ». Voir : Catherine Brice, Le Vittoriano :

socio-surintendance archéologique49. Les campagnes plus proches sont colonisées par les classes moyennes à travers des plans d’urbanisation résidentielle - une série de quartiers organisés radialement autour de la ville historique – et par des opérations spéculatives vouées à remplir les grands espaces libres de la périphérie orientale50. Enfin, deux zones éloignées mais bien contrôlables, concentrent la classe ouvrière et les activités productives : le quadrant sud-occidental réunissant à cheval sur le Tibre le « Rione Testaccio » et la 1ère zone industrielle « Ostiense »51, et le quadrant oriental (au-delà de la gare Centrale) composé par le quartier « San Lorenzo » et la 2ème zone industrielle « Tiburtina »52.

_________________________________________________________________ L’INTERVENTION SUR LA VILLE HISTORIQUE

Les éventrements urbains et l’aménagement du Tibre.

source : Massimo Birindelli, Roma italiana, 1978 et Carlo Aymonino (dir.), Roma Capitale, cit.

urbanistique du centre historique, voir : Emma Perodi, Roma italiana : 1870-1895, Roma, Bontempelli,

1896 ; Tod A. Marder, The destruction of the Porto di Ripetta in Rome, “Storia della città”, n. 9, 1978,

pp. 62-70 ; Franco Rebecchini, Roma Capitale. 1870-1911. I Ministeri di Roma capitale. L’insediamento

degli uffici e la costruzione delle nuove sedi, Venezia, Marsilio, 1985 ; Alberto Maria Racheli, Corso