• Aucun résultat trouvé

Rôles des différentes fractions de la matière organique dans les processus de sorption des COH

Minéraux argileux

2.1.2.3.2. Rôles des différentes fractions de la matière organique dans les processus de sorption des COH

Le comportement de sorption, la mobilité, l’extractabilité et la (bio)disponibilité des COH dans les sols et dans les sédiments ont été traités dans plusieurs excellentes revues de la littérature (Pignatello et Xing, 1996 ; Luthy et al., 1997 ; Northcott et Jones, 2001 ; Weber et al., 2001 ; Luthy et al., 2003 ; Cornelissen et al., 2005a et b ; Pan et al., 2008 ; Cui et al., 2013).

Les substances humiques (HS) représentent la plus grande fraction de la MO des sols et des sédiments. De fait, les propriétés chimiques et physiques des HS contrôlent la sorption des COH dans les sols et les sédiments dès lors que la teneur en MO est supérieure à 0,1% (valeur retenue majoritairement dans la littérature). La connaissance approfondie de la phase solide, et de la fraction dissoute est primordiale pour comprendre les phénomènes de sorption, de (bio)disponibilité et de séquestration des xénobiotiques pour ces deux matrices.

Plusieurs modèles linéaires ont été proposés pour prédire le KCO (coefficient de partage entre la matière organique et l’eau interstitielle), en lien direct avec les propriétés du sorbant, comme « l’indice de connectivité moléculaire » (Bahnick et Doucette, 1988), la solubilité et le caractère hydrophobe (Chiou et al., 1979 ; Karickhoff et al., 1979), ou plusieurs combinaisons de propriétés telles que la polarité, la polarisabilité, la basicité et les liaisons hydrogène (Nguyen et al., 2005). Initialement, ces travaux de recherche ont pu montrer que le comportement des COH pouvait plus ou moins être facilement prédit en tenant compte des propriétés physico-chimiques des contaminants et de la teneur en carbone organique dans les sols et dans les sédiments.

Cependant, de grandes variations de KCO ont été rapportées (Arp et al., 2009 ; Hawthorne et al., 2009) et le comportement non idéal des COH, comme la sorption non linéaire, la compétitivité entre sorbés, les hystérésis observées, ont permis de contester le modèle linéaire établi. Le modèle bi-modal (Accardi-Dey et Gschwend, 2002) et le modèle de réactivité multi-domaines (Cornelissen et al., 2006 ; Koelmans et al., 2009) ont par la suite été proposés pour expliquer les comportements de sorption non

43 idéaux, souvent ou parfois observés pour les COH. Ces modèles conçoivent la MO des sédiments et des sols comme un ensemble de sites de sorption aux propriétés différentes, qui interagissent simultanément avec les composés, ce qui conduit à des isothermes de sorption globaux non linéaires. Les sites de sorption non linéaire ont été attribués à la fraction dure, compacte, condensée (domaine vitreux). Bien que plusieurs études présentent le BC comme responsable de ces isothermes non linéaires (Accardi-Dey et Gschwend, 2003), d’autres études, en parallèle, ont montré la présence de non-linéarité pour des échantillons ne présentant pas de BC (Pignatello et Xing, 1996 ; Lu et Pignatello, 2004a ; Xing et al., 2005 ; Jeong et al., 2008 ; Sun et al., 2008). De plus, les géosorbants tels que le charbon et le kérogène présentent de fortes capacités de sorption non linéaire avec les COH (Allen-King et al., 2002 ; Cornelissen et al., 2005b ; Ran et al., 2007). Ainsi, la MO apparaît beaucoup plus complexe aujourd’hui qu’il y a une trentaine d’années. Le comportement à court et à long terme des COH pour des matrices de sédiments ou de sols est donc fortement lié aux propriétés des différents constituants de la MO (Kottler et Alexander, 2001 ; Weber et al., 2001).

2.1.2.3.2.1. Cas de la matière organique amorphe (MOA)

 Fractionnement opérationnel des HS

La MOA peut être séparée en fonction de la solubilité selon différents pH en trois classes ; acides humiques (HA), acides fulviques (FA) et humine (HM) (Weber et al., 1991 ; Stevenson et al., 1994 ; Duchefour, 2001). Ce fractionnement opérationnel a été également utilisé pour réaliser des essais de sorption/désorption sur les différentes fractions isolées. Selon Pan et al. (2006) l’HM présente une non-linéarité des isothermes plus importante que les HA et semble dominer la sorption du phénanthrène et du pyrène pour des sols. De même, l’HM semble avoir une capacité de sorption pour le benzo[a]pyrène plus important que les HA (Zhang, et al., 2009). Pan et al. (2006) et Xing (2001) ont montré que les hystérésis de sorption/désorption augmentaient selon l’ordre suivant FA<HA<HM. Des fractionnements plus poussés de l’humine ont montré que la fraction insoluble présentait la plus grande non-linéarité de sorption (Doick et al., 2005 ; Wen et al., 2007). Enfin, la fraction humique dans les sols et dans les sédiments est souvent responsable des liaisons irréversibles (Nam et Kim, 2002 ; Macleod et Semple, 2003). Cette méthode a également été utilisée pour déterminer la distribution des COH pour les différentes fractions (Doick et al., 2005 ; Pan et al., 2006 ; Wen et al., 2007 ; Zhang et al., 2009 ; Orecchio et Mannino, 2010).

44 Afin de mieux comprendre l’interaction entre les COH et les fractions de la MOA dans les sédiments, un coefficient d’affinité relative (RA) a été défini (Orecchio et Mannino, 2010). L’affinité relative est définie par la quantité de contaminants sur une fraction de la MOA (FA, HA ou humine) divisée par la quantité de contaminants normalisée par la teneur en carbone organique total. Selon Kohl et Rice (1998), l’affinité des HAP peut être classée comme suit : HA>HM>FA. Pour (Orecchio et Mannino, 2010), cette tendance n’a pas été vérifiée pour 7/8iéme des sédiments caractérisés. Dans le même ordre d’idée Pan et al. (2006) ont montré une très forte séquestration des HAP dans le pool non labile (Humine et géosorbant). Plusieurs études ont reporté que plus de 93% des contaminants (HAP des sols) sont principalement sorbés sur la fraction résiduelle (non labile) des sols (Nam et Kim, 2001 ; Macleod et Semple, 2003). Les différences obtenues par les auteurs peuvent être expliquées par le fait que le fractionnement effectué de la MOA, en HA, FA et HM, est un fractionnement chimique qui ne prend pas en considération les différentes propriétés de sorption des constituants des sols et des sédiments (Wang et Xing 2005). Ainsi ce fractionnement opérationnel ne permet pas de prédire les interactions entre la MOA et les COH, mais apparaît fortement intéressant en terme de spéciation opérationnelle. En effet, ce fractionnement permet de déterminer la distribution des contaminants selon les fractions dites labiles et immobiles (insolubles dans l’eau).

 Propriétés chimiques de la MOA

La composition élémentaire ou l’identification des groupes fonctionnels des matériaux ont été utilisées afin de corréler les caractéristiques de sorption de la MOA vis-à-vis des COH. Ainsi, d’un point de vue général, la non-linéarité croît avec le degré d’aromaticité de la MOA, cette aromaticité augmentant avec la maturité diagénétique et la nature condensée de certains constituants de la MOA (Gauthier et

al., 1986 ;. Chin et al., 1997 ; Perminova et al., 1999 ; Xing, 2001; Ding et al., 2002;.Wang et Xing,

2005 ; Golding et al., 2005 ; Gunasekara et al., 2003).

De plus, plusieurs auteurs ont montré que la fraction aliphatique de la MOA se retrouve principalement dans l’humine (Kang et Xing 2005 ; Xing et al., 2005). Par ce constat, et par le fait que l’humine présente une grande capacité de sorption vis-à-vis des COH, la fraction aliphatique de la MOA semblerait dominer la sorption des COH dans les sols et dans les sédiments (Mao et al., 2002 ; Salloum et al., 2002 ; Simpson et al., 2003 ; Chefetz et al., 2006 ; Sun et al., 2008). Par conséquent, une conclusion plus réaliste pourrait être que les fractions carbonées aromatiques et aliphatiques jouent un rôle majeur dans l’adsorption globale des COH, ce qui conduit à dire que la polarité pourrait être un paramètre pertinent pour décrire les mécanismes de sorption (King et Xing, 2005). Plusieurs études ont montré qu’il est possible de faire le lien entre la polarité de la MO et les interactions COH-MO (Xing et al., 1994 ; Xing, 200 ; Chen et Xing, 2005). La prise en compte du poids moléculaire a

45 également permis de réaliser des corrélations positives avec les coefficients de partage entre le carbone organique total (COT) et l’eau interstitielle (KCOT) (Chin et al., 1994, 1997 ; Hur et Schlautman, 2004). Malgré les différentes corrélations, aucun consensus n'a abouti pour relier les propriétés de la MOA au phénomène de sorption des COH. Récemment, Arp et al. (2009) ont utilisé le pp-LFER (polyparameter – linear free energy relationship) pour prédire le KCOT des PCB et HAP pour des sédiments. Les résultats ont été très concluants. Ce modèle, basé sur les propriétés structurales thermodynamiques des composés chimiques sera détaillé dans le Chapitre V. Il est cependant très difficile de prédire les interactions entre les constituants des sols et des sédiments et les COH, car la MOA est un matériel en constante évolution et d’une très grande hétérogénéité.

 Conformation physique de la MOA et caractéristique de sorption

La conformation physique des états vitreux et caoutchouteux de la MO a été initialement utilisée en science des polymères. La rigidité d'un polymère est décrite en utilisant la température de transition vitreuse-caoutchouteuse (Tg). Généralement, la Tg augmente avec l'augmentation de la réticulation et la force d'attraction entre les molécules du polymère (Weber et al., 1999 ; Zhang et al., 2007).

La théorie des polymères a été utilisée pour expliquer les comportements non linéaires de la MOA (Xing et al., 1996 ; Xing et Pignatello, 1997). La MO macromoléculaire des sols et des sédiments est caractérisée comme étant amorphe (Lu et al., 2004) et pouvant se présenter à la fois sous un état « caoutchouteux » (chaines carbonées souples) ou « vitreux » (chaines carbonées rigides). Ceci dépend également de la nature de la concentration de cette matière organique (sorbant ou géosorbant), de sa structure et de la température du milieu. Récemment, des mesures thermomécaniques sur des acides humiques ont montré une évolution de l’état mécanique, allant du domaine vitreux au domaine caoutchouteux lorsqu’on augmente la température de 25 à 70°C (LeBoeuf et Weber, 1997, 2000 ; Young et LeBoeuf, 2000 ; DeLapp et al., 2004). L'état vitreux est représenté comme ayant des domaines de sorption double: un domaine de sorption malléable qui pourrait créer des cavités et un domaine de sorption qui est rigide, et qui se présente sous la forme de nanopores rigides. La présence de cavités traduit un état de non-équilibre persistant du solide. La sorption sur des solides vitreux est généralement approchée par des modèles dits « dual mode » (DMM). Ainsi, la sorption dans le domaine souple de la MOA est principalement représentée par un isotherme linéaire et le domaine rigide, présenté par les nanopores, est représenté par un isotherme non linéaire (Lu et Pignatello, 2004a). De telles structures pourraient expliquer les phénomènes d’hystérésis observés par des essais de sorption/désorption (Fleming et Koros, 1990 ; Hong et al., 1996 ; Vrentas et Vrentas, 1996 ; Wang

et al., 1998 ; Sander et Pignatello, 2005). Le domaine vitreux contient des pores non relâchés (ou

46 processus n'est pas figé, de nouvelles cavités peuvent être créées et se déformer par gonflement, indiquant une plus grande irréversibilité (une plus grande non-linéarité) (Lu et Pignatello, 2002). La formation et la déformation des nouvelles cavités s’effectueraient sur des temps élevés et cette MO pourrait mémoriser la déformation occasionnée par les composés sorbés. Ce phénomène est appelé l’effet de conditionnement (« conditionning effect ») (Xia et Pignatello, 2001 ; Lu et Pignatello, 2002, 2004a ; Sander et al., 2006 ; Wang et Xing, 2007). Si la concentration en COH est suffisamment élevée, les domaines vitreux pourraient « fondre ». Ainsi, l'absorption globale présenterait des isothermes plus linéaires. Cette concentration de sorbant (point de transition) est noté Sg (isotherme de concentration de transition vitreuse)(« isothermal glass transition concentration ») (Xia et Pignatello, 2001).

En termes de comportement à long terme, Lu et al (2004) ont montré que la MOA au contact de COH, va créer des cavités, enfermant les contaminants et les rendant ainsi moins disponibles (augmentation de la non-linéarité avec le temps - effet de conditionnement). Selon les mêmes auteurs, la MOA n’est pas un sorbant passif, mais répond au final de façon spécifique à la présence des COH, fonction de leurs structures et leurs concentrations.La caractérisation du domaine vitreux semble être très utile pour décrire les caractéristiques de sorption de la MOA. Les composés aromatiques forment des régions condensées, avec une structure globalement rigide alors que les composés aliphatiques ont une structure globalement flexible (Xing et Chen, 1999 ; Chien et Bleam 1998). La conformation (état physique) de la MOA est soumise à l'évolution des conditions environnementales (température) sans pour autant changer de composition chimique. Ainsi, la rigidité globale de la MOA peut donner des informations importantes pour la sorption des COH. D'une manière générale, la réticulation, la présence de liaisons insaturées, et le poids moléculaire élevé peuvent diminuer la flexibilité moléculaire de la MOA et, ainsi, favoriser un état vitreux (Lu et Pignatello 2004a). Bien que des méthodes indirectes aient été utilisées pour décrire la rigidité de la MO, telles que l'oxydation chimique (Ju et Young, 2004) et la Tg (Lu et Pignatello, 2004a), il n’existe pas à ce jour, de méthodes permettant de déterminer et de mesurer quantitativement les domaines vitreux de la MO.

Par ailleurs, puisque la formation de pores et leur déformation peuvent modifier le caractère linéaire de la sorption, la porosité et le degré d’hystérésis peuvent être des descripteurs plus pertinents et directs pour évaluer la sorption des COH sur la MO. La mesure classique de la porosité est principalement basée sur la sorption d'azote. Cependant, les températures ambiantes des essais en laboratoire sont trop faibles pour que l’azote pénètre profondément dans les pores internes de taille nanométrique de la MO (Pignatello, 1998). La mesure de la porosité par la sorption du dioxyde de carbone semble être plus appropriée pour établir un lien entre les interactions de la MO et des COH (Pignatello, 1998 ; Mikutta et Mikutta, 2006).

47 La Figure 1-6 résume l’importance de la formation de nouvelles cavités et la déformation de celles-ci liée à l’effet du conditionnement sur la sorption et la désorption. De plus, comme cité précédemment, la matière organique condensée, regroupée sous le nom de BC, jouerait un rôle prépondérant sur l’obtention d’isothermes de sorption non linéaire pour les COH.

Figure 1-6 : Influence des trous (« hole ») sur la sorption et la désorption des COH. La présence d’une matière organique gonflante (vitreuse) est potentiellement responsable des hystérésis observées. Schéma inspiré et redessiné d’après Pan et al. (2008).

2.1.2.3.2.2. Le Black Carbon