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Identification et quantification du BC

2.1.4. Paramètres influençant la sorption

2.1.4.8. L’alternance des régimes hydriques (séchage/humectation)

Dans des conditions de séchage, la déshydratation peut altérer la structure tridimensionnelle (3D) des sols et des sédiments. Ainsi les sols ou les sédiments séchés peuvent se comporter différemment des sols et des sédiments initiaux. Par exemple, des sols sont devenus imperméables (ou hydrophobique) à la suite d’un séchage, et en particulier à la suite d’un incendie (Doerr et al., 2000). Les effets de la teneur en eau sur la sorption des composés hydrophobes sur des sols ont été largement étudiés (Yaron et Saltzman, 1972 ; Chiou et Kile, 1994 ; Borisover et Graber, 2002). La sorption des COH sur des minéraux est fortement diminuée par la présence de l'eau, par le fait que les molécules d’eau se fixent (hydratation) sur les surfaces des minéraux chargés, diminuant d’autant les sites de sorption pour les COH. En revanche, l'effet de la suppression de l'eau sur la sorption des COH est beaucoup plus faible lorsque les sols sont caractérisés par une forte teneur en matière organique (cf. § 2.1.2.1) (Rutherford et Chiou, 1992; Chiou et Kile, 1994).

Liu et al. (2006) ont comparé la sorption de la lysine et de quelques composés hydrophobes : l'aniline, le naphtalène, et la tyrosine, entre des sédiments humides et secs. Les différences de sorption de ces composés entre des sédiments humides et secs indiquent clairement que les sédiments sont devenus plus hydrophobes après séchage. Plusieurs auteurs ont montré que des cycles de séchage/humectage des sols diminuent l’extractabilité par des solvants doux et la disponibilité pour les microorganismes pour quelques HAP (White et al., 1997 ; White et al., 1998 ; Kottler et al., 2001). Lennartz et al (2007) ont montré que chaque nouveau cycle de séchage/humectage diminuait la quantité désorbée de pesticides. Ces auteurs supposent que les cycles de séchages et d’humectages tendent à réduire les pores internes et à encapsuler les contaminants initialement sorbés. Kottler et al (2001) ont émis l'hypothèse que la contraction et l'expansion de la matière organique induites par le séchage et l’humectation peuvent faciliter la mobilité des HAP dans des zones « retranchées », initialement inaccessibles, ce qui tendrait au final, à augmenter la séquestration de ces composés.

La sorption des composés hydrophobes implique généralement des forces non spécifiques de type van Der Waals et les effets hydrophobes, tandis que la sorption des composés hydrophiles est principalement régie par des interactions électrostatiques et des liaisons de type hydrogène. Les composés hydrophobes s’adsorbent principalement sur la matière organique plutôt que sur des surfaces minérales (Chiou, 2002). Liu et al. (2006) ont émis l’hypothèse que si le séchage réduisait les sites de sorption, la différence de sorption après séchage devrait être identique, quelle que soit la polarité des composés. Leurs résultats indiquent de fait qu’il a une baisse des sites de sorption, mais également que la polarité des sédiments tend à diminuer. En effet ces mêmes auteurs ont montré une

65 diminution de la capacité d’échange cationique de 50 % lorsque les sédiments ont été séchés puis réhumidifiés. De plus, la mesure du temps de pénétration d’une goutte d’eau dans le sédiment a mis en évidence que des sédiments séchés sont plus hydrofuges que des sédiments brûlés, indiquant que le séchage de la matière organique augmente le caractère hydrophobe des sédiments. D’un point de vue microscopique, les sédiments humides ont une apparence gélatineuse, tandis que les particules de sédiments secs et réhumidifiés apparaissent cristallines et angulaires. En outre, le volume de sédiments humides peut être environ deux fois celui de sédiments secs réhumidifiés (à poids sec équivalent) (Liu

et al., 2006). Ceci suggère que les sédiments frais perdent la moitié de leur capacité de rétention d'eau

quand ils sont séchés et que ce phénomène est irréversible.

Lorsque la matière organique est séchée, la perte d'eau oblige les parties polaires des molécules organiques à interagir par le biais de forces telles que les liaisons hydrogènes, et à se plier ou se tordre de telle manière que les groupements non polaires soient exposés vers l'extérieur (Mashum et Farmer, 1985; Doerr et al., 2000). Ainsi, le processus de séchage non seulement rétrécit ou réduit les réseaux organiques tridimensionnels, mais peut également augmenter le caractère hydrophobe de la matière organique, ce qui modifie les propriétés de sorption du sédiment. La réhumidification des sédiments secs pourrait dégager des composés organiques nouvellement solubilisés, par exemple, à partir de la biomasse, ce qui peut interagir avec le sorbant ou affecter la polarité des sédiments. Par ailleurs, la matière organique d’un sol séché est plus facilement dégradée que dans les sols non déshydratés (Marumoto et al., 1977). Ainsi il a été observé une augmentation de l’émission du carbone organique dissout (COD) après séchage du matériel sédimentaire (Schaummann et al., 2000 ; Lors et al., 2004 ; Achard, 2013). Ces auteurs relient cette augmentation avec la décomposition d’organismes morts et l’oxydation de la matière organique.

La déshydratation des sédiments peut conduire à l’oxydation de certains minéraux. En effet, la diffusion de l'oxygène est favorisée par une faible teneur en eau du sol et des sédiments. Les premiers oxyhydroxydes formés dans les sédiments déposés à terre sont amorphes tels que la ferrihydrite, qui peuvent évoluer en goethite, en lepidocrocite ou hématite, ceci étant favorisé par des périodes de temps plus longues (Schwertmann et al., 1985). Bien que, la sorption des COH dans les sols et les sédiments soit dominée par la matière organique (avec carbone organique > 0,1%) (Luthy et al., 1997 ; Northcott et Jones, 2001 ; Scharwenbach et al., 2003 ; Tunega et al., 2009) au cours de la maturation, une oxydation du sédiment pourrait encapsuler et créer de nouveaux sites de sorption pour les COH, en particulier pour les molécules planaires (Tunega et al., 2009). Les HAP peuvent être absorbées à la surface de la goethite. La plus forte affinité pour la surface de la goethite a été observée pour l'anthracène en comparaison avec le naphtalène, le phénanthrène et le pyrène (Tunega et al., 2009). La différence a été expliquée par la configuration spécifique des groupes hydroxyles de surface de la

66 goethite et par la taille et la forme (linéaire ou non linéaire) des composés étudiés. Plusieurs modèles sont proposés pour décrire les forces motrices de sorption des COH par des surfaces minérales (Drost-Hansen, 1969 ; Schlautman et Morgan, 1994 ; Schwarzenbach et al., 2003). L'importance relative des différents mécanismes dépend des propriétés physiques et chimiques du système sorbat-sorbant, et en particulier de la nature des cations échangeables (Zhu et al., 2004).

A titre de conclusion partielle, toutes les études montrent une diminution de la disponibilité des COH après des cycles de séchage/humectage dans les sols et dans les sédiments. Ainsi on peut raisonnablement s’attendre à une baisse de l’émission des COH lorsque les sédiments dragués sont déposés au sol, aérés et soumis aux cycles naturels saisonniers de séchage et d’humectage.

2.2. Processus de dégradation des composés étudiés

2.2.1. Généralités

La dégradation des composés xénobiotiques organiques est principalement liée à l’activité des microorganismes. Par microorganismes, on entend bactéries, protistes et champignons. Ils sont présents de façon ubiquiste dans l’environnement, et également présents dans des conditions extrêmes (température, pression, pH, salinité, anoxie, faible teneur en eau).

Cependant, bien qu’ils soient très présents, une fraction seulement des microorganismes sont métaboliquement actifs pour des environnements spécifiques, en fonction des conditions du milieu. Les processus de biodégradation dépendent de nombreux facteurs : le pH, la température, la concentration en nitrates et phosphates (nutriments), la présence d’oxygène dissous, la présence d’autres composés organiques (Bertrand et al., 2012). La quantité d’O2, de nutriments et de composés toxiques (traces de métaux par exemple tels que As, Cd, Hg, Pb…) affecte directement la présence de certaines espèces et leurs activités. Parmi les facteurs environnementaux, la présence ou l’absence d’oxygène a des conséquences sur la capacité de dégradation des microorganismes. Par exemple, le naphtalène est très rapidement dégradé en présence d’O2 et devient un composé très persistant en son absence (Schwarzenbach et al., 2003). Par opposition, le tétrachlorure de carbone est dégradé principalement en milieu réducteur (déhalogénation réductive en absence d’O2) et devient persistant en milieu oxydant (Fogel et al., 1986). Un aspect également important lorsque l’on parle de

67 transformation biochimique est de considérer les différentes associations possibles entre les microorganismes. L’association des microorganismes appellée « consortium », permet par une succession de transformations effectuées par différentes souches de dégrader des molécules considérées comme très récalcitrantes. Par exemple, le 3-chlorobenzoate est dégradé par un consortium de bactéries (Dolfing et Tiedje, 1986). Chaque espèce bactérienne va jouer un rôle dans la dégradation selon un ordre bien défini. Le 3-chlorobenzoate est tout d’abord dégradé en benzoate, puis par l’action d’une autre espèce bactérienne, le benzoate est dégradé en acétate puis en méthane par une troisième espèce. Chaque espèce bactérienne va exhiber ses capacités enzymatiques, la dégradation du composé n’étant pas possible par l’action d’une seule bactérie.

Les microorganismes peuvent également interagir via un échange de matériel génétique entre espèces et ainsi obtenir les capacités enzymatiques plus performantes (Schwarzenbach et al., 2003). Cependant, les produits ou métabolites issus de l’action des espèces bactériennes peuvent être toxiques pour d’autres espèces et ainsi réduire ou inhiber l’activité microbienne du milieu (Guha et al., 1999).

L’équilibre entre les contaminants organiques sorbés et l’eau est principalement atteint dans les micropores (>1 µm) des agrégats des sols et des particules de sédiments. Il est admis qu’une molécule doit être solubilisée pour être métabolisée (Bosma et al., 1997). Cependant, les contaminants organiques sorbés peuvent également être dégradés par des microorganismes directement sur le substrat (Tang et Alexander, 1999). Pour de nombreux auteurs, les microorganismes ne dégradent pas les composés sorbés sur le substrat, mais jouent plutôt un rôle dans leur désorption pour leur métabolisation. Les microorganismes facilitent la désorption des composés organiques en utilisant des biosurfactants ou par altération des conditions redox de subsurface (Luthy et al., 2003). Si les microorganismes dégradent seulement les solutés dans des phases aqueuses dites « mobiles », le taux de biodégradation des contaminants pourrait être réduit par la présence de géosorbant. Des essais en laboratoire mettent en évidence l’importance des coefficients de partage (Kd), de la porosité et la présence de matière organique dans la diffusion et la dégradation des composés organiques (Bosma et

al., 1997).