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Le rôle physiopathologique d’ENPP2

4. ENPP2 : UN GÈNE INFLAMMATOIRE

4.2. Le rôle physiopathologique d’ENPP2

a) Au cours du développement embryonnaire et à l’âge adulte

ENPP2 est nécessaire à un développement embryonnaire normal. Les souris

invalidées pour le gène ENPP2 ne sont pas viables et meurent au stade embryonnaire en raison d’une incapacité à former leurs vaisseaux sanguins [293]. À l’âge adulte, une grande diversité de cellules et tissus expriment ENPP2. Par exemple, de hauts niveaux d’expression d’ENPP2 sont rapportés dans les tissus adipeux, le cerveau, ainsi que les testicules et les ovaires en conditions physiologiques [301–304].

b) Durant l’inflammation

ENPP2 joue un rôle important dans l’inflammation et notamment dans la migration des

lymphocytes au site d’infection. En 2008, deux études rapportent qu’ENPP2 est exprimée et sécrétée par les cellules endothéliales des veinules à endothélium élevées, également appelées high endothélial venule (HEV) [303, 305]. ENPP2 favorise le passage des lymphocytes du sang dans les organes lymphoïdes secondaires par ces veinules à endothélium élevées. Finalement, les lymphocytes migrent à travers les couches de l’endothélium pour atteindre le site d’infection [303, 305–307]. De plus, la production LPA peut stimuler la différenciation des monocytes en macrophages [303].

c) Une perturbation de la signalisation ENPP2/LPA dans les pathologies humaines L’expression d’ENPP2 est dérégulée dans de nombreuses situations d’inflammations chroniques [308]. Outre son rôle physiologique, une production inappropriée et non contrôlée de LPA est associée à une perturbation de plusieurs évènements cellulaires et joue un rôle dans l’étiologie des cancers, des maladies auto-immunes et des pathologies cardiovasculaires.

Les cancers

ENPP2 a initialement été caractérisé comme un facteur de motilité cellulaire dans le

milieu de cultures de cellules métastatiques humaines [309]. Depuis l’axe ENPP2/LPA a été associé à l’initiation et la progression d’une grande variété de cancers. Dans les tissus tumoraux, l’expression d’ENPP2 est fréquemment augmentée, entrainant ainsi de hauts niveaux de production de LPA. À titre d’exemple, le LPA est détecté dans les biopsies de

tumeurs du côlon, et les ascites de patients atteints de cancers ovariens et pancréatiques à des concentrations entre 1 à 80µM [310–312]. Ces hauts niveaux d’expression d’ENPP2 sont corrélés avec le potentiel invasif et métastatique de plusieurs cancers incluant les mélanomes, le cancer du sein, des ovaires, de la thyroïde et les gliomes multiformes [313, 314]. Outre l’expression d’ENPP2, toute la signalisation du LPA semble perturbée. Les cellules cancéreuses surexpriment les récepteurs au LPA et sous-expriment les protéines LPPs [286, 315]. Les mécanismes moléculaires sous-jacents restent à préciser. Les facteurs de transcription Stat3 [316], NF-κB [317], NFATc1 [318] et Sox11 [319] pourraient être impliqués dans la régulation d’ENPP2, au même titre que la signalisation Wnt [320, 321].

D’un point de vue fonctionnel, un grand nombre d’études rapportent qu’ENPP2 favorise l’autonomie de croissance des cellules cancéreuses et exacerbe la réponse inflammatoire environnante. Par exemple, en diminuant l’expression et la translocation nucléaire de p53, un gène suppresseur de tumeur, le LPA produit par ENPP2 favorise la survie et la division cellulaire [322, 323]. D’autres études in vitro ont rapporté que l’expression aberrante d’ENPP2 stimule l’angiogenèse, un processus nécessaire à la progression des tumeurs. L’utilisation d’un matrigel ensemencé avec des cellules endothéliales HUVEC a révélé qu’ENPP2 stimule la formation de structures proche des capillaires (appelés tubes) [324]. Aussi, la forte production de LPA augmente la synthèse de facteur pro-angiogénique comme le VEGF [325]. Plusieurs études font état d’un environnement inflammatoire persistant pouvant contribuer au développement de cancers. Or, en conditions inflammatoires chroniques, ENPP2 régule l’infiltration de lymphocytes [303, 326], et stimule la production de cytokines inflammatoires [307].

Les maladies cardiovasculaires

ENPP2 est impliqué dans plusieurs pathologies cardiovasculaires, dont l’athérosclérose, la maladie coronarienne et la sténose aortique [327]. L’athérosclérose est une maladie inflammatoire caractérisée par la formation de plaque athéromateuse dans l’intima des vaisseaux. De manière intéressante, plusieurs études font état d’une accumulation de LPA dans le corps lipidique des lésions athéroscléreuses humaines et murines [328–330]. L’oxydation des lipoprotéines de faible densité (LDL) [330] et la sécrétion d’ENPP2 par les cellules endothéliales [331], musculaires lisses [332] et des macrophages [333] participent à la production de LPA. Ce LPA contribue grandement au processus inflammatoire associé à l’athérosclérose par divers mécanismes. 1) En stimulant l’expression des molécules d’adhérence [334] et des chemokines [335] à la surface des cellules endothéliales, le LPA

favorise le recrutement de monocytes à la paroi vasculaire. Ces monocytes-macrophages pénètrent ensuite dans l’espace sous endothéliale où ils internalisent les LDL oxydées et se différencient en cellules spumeuses. 2) Le LPA stimule également la prolifération, la différenciation et la migration des cellules musculaires lisses de la média vers l’intima des vaisseaux et forment ainsi la chape fibreuse [336]. 3) Enfin, le LPA va jouer un rôle important dans l’instabilité de la plaque en favorisant l’expression de métallo-protéases capables de dégrader la matrice extracellulaire [337].

Le syndrome coronarien est une complication de l’athérosclérose. Des analyses pangénomiques de types GWAS ont révélé une association significative (odds ratio 1.17; p- value=3.81 X 10−19) entre un polymorphisme localisé dans le gène PPAP2B (impliqué dans la dégradation du LPA) et le risque de maladies coronariennes [338]. Des analyses expression

Quantitative Trait Loci (eQTL) révèlent une diminution de l’expression de PPAP2B chez les

porteurs de l’allèle de risque [339].

La sténose aortique est une altération de la valve aortique caractérisée par un dépôt progressif de calcium associé à de la fibrose [340]. Le processus de minéralisation débute au niveau de la fibrosa et s’intensifie avec le temps entrainant une réduction de la mobilité des feuillets et le développement d’un rétrécissement de la surface d’ouverture de la valve [341, 342]. L’activité circulante d’ENPP2 chez les patients atteints de sténose aortique est associée positivement au risque de développement de la sténose aortique (Odds Ratio: 1.57) [343]. Des évidences expérimentales démontrent qu’ENPP2 serait transporté dans la valve aortique par l’intermédiaire des lipoprotéines [344]. Dans des valves aortiques minéralisées explantées chirurgicalement, une augmentation de l’expression d’ENPP2 d’environ 60% a été rapportée ainsi qu’une production 7 fois plus importante de LPA comparé aux valves de sujets sains [344]. Ces hauts niveaux d’expression d’ENPP2 sont associés à un fort score de remodelage, ainsi qu’à l’activation de l’inflammation. En effet, le LPC induit la minéralisation des cellules interstitielles de valves (VICs) en culture via une signalisation NF-κB/IL-6/BMP2. À noter que ces effets sont inhibés par un knockdown d’ENPP2, suggérant que le LPC induit la reprogrammation ostéogénique et l’inflammation des cellules VICs via un mécanisme dépendant d’ENPP2. Enfin, l’administration de LPA à des souris transgéniques LDLR-/- /ApoB100/100/IGF2, caractérisées comme un modèle pertinent de la sténose aortique, augmente la minéralisation de la valve aortique et la progression de la maladie[344].

Obésité diabète

Le tissu adipeux est une source importante de production de LPA plasmatique. Des souris invalidées dans le tissu adipeux spécifiquement, montrent des niveaux circulants d’ENPP2 réduit de 38% ainsi qu’une augmentation de la tolérance au glucose [301]. De manière intéressante, l’expression d’ENPP2 est augmentée dans le tissu adipeux de souris db/db, génétiquement obèses et diabétiques [345, 346], ainsi que dans le tissu adipeux de patients obèses [347]. Chez l’homme, comme chez la souris l’expression d’ENPP2 dans le tissu adipeux semble dépendante de l’état de résistance à l’insuline des adipocytes [345, 346, 348] et du statut inflammatoire. L’exposition des adipocytes en culture à des facteurs pro- inflammatoires entraine une diminution de l’expression d’ENPP2 [345, 348]. À l’opposé, un traitement au TNF-α augmente l’expression d’ENPP2 [346]. Notons que le LPA est sécrété dans le milieu extracellulaire des adipocytes en culture [349, 350]. En parallèle de sa synthèse, le LPA stimule la prolifération des préadipocytes [350, 351] et inhibe l’adipogenèse (c’est-à- dire la différenciation des préadipoctes en adipocyte) [352]. L’effet anti-adipogénique du LPA dépend du LPAR1 [352].

Maladies auto-immunes

Une perturbation de l’axe ENPP2/LPA a également été rapportée dans certaines maladies auto-immunes. Par exemple, ENPP2 est surexprimée dans les liquides cérébraux spinaux de patients souffrants de sclérose [353] et dans les synoviocytes de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde [354]. L’implication d’ENPP2 et du LPA dans ces pathologies est également supportée par des modèles in vivo. Une délétion conditionnelle d’ENPP2 dans des modèles animaux ralentit la progression de la polyarthrite rhumatoïde [355, 356].

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