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Le rôle moteur de la collectivité pour intégrer les enjeux environnementaux dans

1. Le développement urbain intégré : une approche pertinente pour adapter Paris au

1.1. Le rôle moteur de la collectivité pour intégrer les enjeux environnementaux dans

Malgré les contraintes posées par son patrimoine architectural, la Ville de Paris doit impulser une nouvelle vision urbanistique pour intégrer l’enjeu climatique dans l’aménagement de la capitale.

1.1.1. Le cadre bâti contraignant du patrimoine haussmannien

Au début du XIXème siècle, la capitale n’a pas encore opéré sa mue, comme cela a été le cas à Londres qui s’est modernisée après le grand incendie de 1666. Paris au XIXème siècle a gardé son ossature médiévale. Les immeubles en torchis et en bois n’excédant pas trois étages sont séparés par d’étroites ruelles et concentrent une densité de population phénoménale. Après la Révolution, il est recensé plus de 1 000 habitants à l’hectare dans le quartier des Lombards (IVème arrondissement). Lorsque Napoléon III arrive au pouvoir, il incombe la tâche au baron Haussmann de moderniser Paris. Entre 1852 et 1870, sous l’impulsion de la puissance impériale, la capitale va se métamorphoser. De nombreuses maisons vont être rasées dans des périmètres d’expropriations larges qui permettent de percer de grandes artères et d’offrir de nouveaux terrains aux investisseurs privés. La construction de nouveaux immeubles est encadrée par les règles d’urbanisme qui créent l’uniformité architecturale. La pierre de taille est imposée en façade, la hauteur maximale est élevée à 20 mètres aux abords des artères de la même largeur et les étages doivent être alignés sur les bâtiments mitoyens. Les grandes avenues aèrent le paysage et créent des espaces publics de qualité. Paris s’élargit en dépassant le mur des fermiers généraux (détruit en 1860) et compte à la fin du siècle vingt arrondissements. Les immeubles de rapport31 construits à cette époque exploitent au maximum les règles

d’urbanisme applicables aux parcelles et densifient le tissu bâti en créant des cours

30 Une Zone d’Aménagement Concerté est un périmètre destiné à une opération d’aménagement décidé par

une collectivité.

31 L’immeuble de rapport est un type architectural qui apparaît au XVIIIème siècle et se développe surtout au

XIXème. C’est un investissement financier, il est conçu pour rapporter des loyers à son propriétaire qui exploite au maximum les règles d’urbanisme applicables à la parcelle. Constitué de cinq à sept étages, il prévoit des commerces en rez-de-chaussée, au premier étage un appartement avec balcon et de grandes hauteurs sous plafond, puis deux appartements identiques et au dernier étage des chambres de bonne sous les combles.

63 intérieures. A cette époque, le courant hygiéniste considère important de réserver des espaces de respiration en coeur d’îlot pour ventiler et permettre à la lumière d’accéder aux logements. En 1902, un règlement encadre les dimensions des cours intérieures au même titre que les hauteurs des immeubles selon la largeur des voiries.

L’unité architecturale de Paris contribue fortement à son attractivité touristique et de nombreux bâtiments sont protégés pour leur valeur patrimoniale par la loi de 1913 sur les monuments historiques. Seulement, aujourd’hui la forte minéralité de ces choix architecturaux et l’imperméabilisation systématique des sols apparaissent peu adaptées au contexte climatique à venir. Se pose alors la question de la transformation de ce cadre bâti existant protégé par de fortes contraintes patrimoniales. Lors de notre entretien, Yann Françoise, le directeur de la division Energie-Climat de l’AEU de la Ville de Paris a soulevé cette difficulté qui nécessite d’interroger de nouveau la fonction des bâtiments.

“ Il faut rappeler à tout le monde qu’un bâtiment ça a une fonction, ça doit abriter soit des services, soit des gens [...] Et donc si les gens ne peuvent plus y vivre, il faut se poser des questions sur l’avenir du bâtiment, son rôle. Et nous on se pose des questions sur l’avenir esthétique du bâtiment, son rôle dans l’histoire de la Ville. A force de classer tous les bâtiments du XXème siècle, on va plus pouvoir toucher à rien. Même les bars années 70 sont en train de se faire classer comme témoins de l’âge de béton des années 70. Super... ! Donc on ne peut même plus isoler par l’extérieur. Les briques rouges on peut plus y toucher… Les briques rouges c’est une catastrophe sociale pour les gens qui sont dedans…. Donc voilà, il faut qu’on se pose des questions. Si ce bâtiment n’a plus d’usages ou rend les choses pénibles…”

La question se pose notamment pour les toits en zinc très dangereux lors des épisodes de fortes chaleurs. Un conflit émerge entre leur valeur patrimoniale et le risque sanitaire qu’ils représentent pour les habitants qui vivent sous ces toits.

“ L’autre chose c’est de protéger les gens. Et on a tous nos toits… Tous nos toits en zinc qui appartiennent au patrimoine de Paris mais qui peuvent être des surfaces tueuses pendant les canicules. Tout le temps qu’on n’arrive pas à résoudre l’avenir de ces toits en zinc en terme d’isolation, en terme de production de renouvelable ; parce qu’on est à peu près sûr qu’on mettra pas de vert dessus. Donc ça c’est un vrai enjeu, qui est inscrit dans le Plan Climat ; d’avoir une réflexion partagée avec toute la communauté des acteurs qui pensent ça, dont les ABF évidemment, pour la production et pour la protection des populations. Parce qu’on

64 pourra faire tout ce qu’on veut pour ouvrir la ville, rafraîchir la ville etc..., tout le temps qu’on aura des gens qui vivent sous des toits qui sont des fours l’été et des frigos l’hiver, on aura pas résolu le problème. Et là, en revanche ça va pas se faire en 5 ans. C’est culturel, il y aura toute une démarche d’adaptation du bâti pour pouvoir le faire. Mais y a un potentiel là énorme…”

Avec l’impératif d’adaptation, de nombreuses questions relatives à la protection du patrimoine se posent. En effet, si l’on veut éviter que Paris devienne une ville-musée mais continue d’être un espace de vie, d’accueillir des habitants, des réflexions s’imposent sur les usages réservés aux bâtiments et à leur évolution.

1.1.2. Les outils réglementaires pour diffuser les principes d’un urbanisme qui intègre les enjeux environnementaux

Comme à l’époque du baron Haussmann, c’est à la puissance publique d’impulser les grands changements urbanistiques. Grâce aux outils réglementaires et à sa compétence en la matière, la Ville de Paris peut influencer la fabrique de la ville.

Pour augmenter les surfaces végétalisées, la Ville a intégré dans son Plan Local d’Urbanisme (PLU) un coefficient de biotope. Ainsi toute nouvelle construction ou réhabilitation doit prévoir une surface minimum en pleine terre ou à défaut sur dalle, en toiture ou en façade. Ce coefficient est proportionnel à l’emprise au sol et il est calculé selon la qualité des espaces (les règles incitent à créer des espaces végétalisés en pleine terre) et le taux de végétalisation de chaque quartier. Ainsi, les nouvelles constructions ou réhabilitation doivent comporter plus d’espaces végétalisés dans les arrondissements les plus déficitaires, dans l’ordre, le 2ème, 9ème, 11ème, 10ème, 3ème, 4ème, 17ème et 18ème.

De même, le Plan Paris Pluie (2018) vise à transformer la gestion des eaux pluviales et rompre avec la logique du “tout à l’égout”. Ce zonage pluvial réglementaire divise la capitale en cinq zone32 qui déterminent des montants d’abattement volumique (absorption de pluies

de 4 à 16 millimètres) à respecter pour tous les nouveaux projets immobiliers mais aussi pour les rénovations de commerces, de bureaux ou encore lors du réaménagement d’un lieu public (terrasse, jardin, rue, quartier). Les acteurs publics et privés de l’aménagement sont invités à récupérer l’eau de pluie et favoriser son infiltration dans les sols pour réduire le risque de saturation des réseaux d’assainissement ainsi que les rejets d’eaux polluées

65 dans la Seine. Porté à la fois par Célia Blauel et Mao Péninou, adjoint chargé de l'assainissement, le Plan Pluie est un exemple de l’approche intégrée des enjeux urbains. Abordée sous cet angle, la thématique de l’eau permet de désectorialiser les domaines d’action publique et de faire converger les moyens vers le succès de plusieurs objectifs. Ainsi, agir pour limiter la saturation des réseaux d’assainissement permet de lutter contre l’ICU en développant les pavés enherbés, des noues végétalisées, des chaussées perméables, la multiplication des toitures et façades végétalisées.

Contrainte par son patrimoine architectural, la collectivité doit saisir toutes les occasions qui visent à adapter le cadre existant et orienter les pratiques d'aménagement vers une approche systémique vertueuse pour l’environnement. A côté de ce gisement considérable que représentent les constructions existantes, il subsiste quelques parcelles où il est possible de concevoir des projets urbains ex nihilo. Ces nouveaux projets représentent des opportunités rares pour mettre en application un urbanisme post-COP 21 qui participe à l’atteinte des objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.