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II- Organisation et fonctions du cytosquelette dans les neurones

2. Rôle et organisation de l’actine dans le neurone

Dans les neurones, l’actine est impliquée dans la polarisation neuronale, l’élongation des neurites et la stabilisation et le remodelage de la structure des épines dendritiques. L’actine filamenteuse peut exister sous forme de filaments individuels mais, la plupart du temps, les filaments d’actine sont organisés en réseau, facilitant les changements rapides de forme de la cellule ou la résistance à des contraintes mécaniques.

a) Rôle de l’actine dans le cône de croissance

Dans le cône de croissance, le réseau d’actine est sous forme d’un réseau dense en maillage dans le lamellipode et sous forme de faisceaux d’actine au sein des filopodes. Dans ces deux structures, les filaments d’actine sont majoritairement orientés avec leur extrémité barbée vers la membrane et leur extrémité pointue vers le centre du cône de croissance (Lewis et Bridgeman, 1992). L’actine se trouve principalement dans les zones P et T du cône de croissance mais peut également adopter une structure contractile en arc au niveau de la zone T, perpendiculaire aux filopodes (Figure 23).

Le remodelage de l’actine dans le cône de croissance se fait en fonction des signaux chimiques se trouvant dans l’environnement de l’axone. Il a été montré que la polymérisation de l’actine induit la protrusion des filopodes et des lamellipodes nécessaire à l’avancée du cône de croissance. Lorsque les neurones sont exposés à de la cytochalasine B, agent dépolymérisant les filaments d’actine, il y a rétraction des filopodes et arrêt de la croissance axonale (Yamada et al., 1970). Cependant, des études ultérieures ont montré que la dépolymérisation des filaments d’actine n’inhibait pas totalement l’extension de l’axone mais avait surtout des conséquences sur son orientation (Lafont et al., 1993 ; Dent et Kalil, 2001). L’actine est donc essentielle pour maintenir la forme du cône de croissance et pour sa croissance orientée.

Il existe plus de vingt protéines qui s’associent à l’actine-G ou à l’actine-F dans le cône de croissance et qui pourraient donc potentiellement réguler les propriétés structurales et dynamiques de l’actine. Parmi elles, on trouve le complexe ADF/cofiline, fortement présent dans les zones T et C, avec un rôle dans la fragmentation et le recyclage des filaments d’actine. On trouve également l’α-actinine et la fascine, réparties dans la totalité du cône avec un rôle dans la formation des faisceaux ; le complexe Arp2/3 dans les zones T et C, impliqué dans la nucléation des filaments d’actine ; le complexe Ena/VASP concentré à l’extrémité des filopodes et qui inhibe l’action des protéines de coiffe ; la filamine qui est présente dans tout le cône de croissance et permet de stabiliser les filaments d’actine ; et la vinculine, présente de façon ponctuelle et permettant l’ancrage de l’actine à la membrane. Il existe d’autres ABPs observées dans le cône de croissance mais dont les fonctions sur l’actine ne sont pas encore claires (pour revue : Dent et Gertler, 2003 ; Pak et al., 2008).

b) Rôle de l’actine dans la synapse

Les filaments d’actine sont très abondants dans les synapses. Au niveau pré-synaptique, les filaments d’actine sont impliqués dans le maintien et la régulation des vésicules synaptiques contenant les neurotransmetteurs, et dans l’exocytose. Il existe trois ensembles de vésicules différents : les vésicules de réserve, les vésicules qui vont fusionner avec la membrane pré-synaptique au niveau de la zone active de la synapse, et les vésicules à recycler. Les filaments d’actine permettent de bien positionner ces trois catégories de vésicules. C’est en effet la dynamique des filaments d’actine qui va déterminer la place des vésicules, en les faisant circuler ou en les maintenant immobiles (Dillon et Goda, 2005) (Figure 24). L’actine peut s’associer directement à des protéines synaptiques, comme la

synapsine, qui sont fixées à la surface des vésicules de réserve et permettent leur maintien dans le compartiment pré-synaptique (Greengard et al., 1994). L’induction de l’activité neuronale entraîne la phosphorylation de la synapsine, ce qui déstabilise son interaction avec l’actine et libère les vésicules de réserve qui peuvent alors cheminer vers la zone active (Chi et al., 2001).

Dans l’épine dendritique, l’actine se présente sous la forme de faisceaux (ou câbles) d’actine au niveau du cou de l’épine et sous forme de réseau branché dans la tête de l’épine (Landis et Reese, 1983). L’actine est particulièrement enrichie à proximité de la densité post-synaptique où elle joue un rôle important dans l’ancrage des récepteurs à la membrane. Elle interagit en effet avec de nombreuses protéines d’échafaudage, comme PSD-95 (Post-Synaptic Density-95) (Kuriu et al., 2006). L’actine est également impliquée dans la formation, la stabilisation et la motilité des épines dendritiques (Fischer et al., 1998 ; Schubert et al., 2006 ; Sekino et al., 2007).  

Figure 24. Organisation du cytosquelette d’actine dans la synapse. L’épine dendritique forme, avec le bouton axonal, une synapse. Dans le bouton pré-synaptique, les vésicules synaptiques sont associées à l’actine. Les filaments d’actine entourent le pool de réserve des vésicules (PR) et agissent comme une cage pour le maintenir à sa position. L’actine est également présente dans la zone active qui contient les vésicules destinées à être libérées, appartenant au pool de vésicules exocytées (PE). L’épine dendritique se compose d’un cou et d’une tête. Au sein du cou de l’épine, le réseau d’actine est très condensé sous forme de câbles. Au niveau de la tête de l’épine, les filaments d’actine sont plus dispersés et sont en contact avec la densité post-synaptique, une région riche en protéines importantes pour le fonctionnement de la synapse, comme les récepteurs aux neurotransmetteurs, les canaux ioniques, et des protéines de signalisation (d’après Dillon et Goda, 2005).

Il a été montré qu’une stimulation du neurone à long terme provoque une augmentation de la taille de la tête de l’épine, alors qu’une dépression à long terme va induire un rétrécissement de l’épine (Okamoto et al., 2004). Plus la tête de l’épine est grande, plus l’efficacité synaptique est importante (Matus et al., 2005 ; Kopec et al., 2006 ; Cingolani et Goda, 2008). Ces changements morphologiques sont à l’origine de la plasticité synaptique des neurones, qui permet un renforcement durable ou une perte de la capacité d’une synapse à répondre à un signal donné. On sait maintenant que la structure des épines dendritiques est déterminée par l’organisation du réseau d’actine et que les changements de morphologie et de motilité des épines dendritiques sont associés au cycle de polymérisation et de dépolymérisation du réseau d’actine (Matus, 2000 ; Cingolani et Goda, 2008). Ainsi, l’addition de cytochalasine D, agent de dépolymérisation de l’actine, bloque les mouvements des épines et empêche leurs modifications morphologiques (Fischer et al., 1998). Le phénomène d’élargissement de l’épine lors d’une activation du neurone est donc dû à une augmentation de la polymérisation de l’actine, qui est le plus souvent sous le contrôle des protéines GTPases (Rho, Rac ou Cdc42) (Cingolani et Goda, 2008).

c) Organisation et rôle de l’actine dans l’axone

Une étude récente a montré, grâce à une technique de microscopie à haute résolution (3D-STORM, pour 3 Dimensional-Stochastic Optical Reconstruction Microscopy), que l’actine pouvait adopter une organisation particulière au niveau du corps de l’axone. En effet, elle formerait des anneaux isolés épousant la circonférence de l’axone, espacés de façon régulière tout le long de l’axone (Xu et al., 2013). Cette structure périodique, présente à la fois dans les neurones en développement et matures, n’a pas été observée dans les dendrites. La périodicité de ces anneaux serait d’environ 190 nm. L’étude a également montré que les anneaux d’actine seraient reliés entre eux par la spectrine, une protéine tétramérique fibreuse tapissant la membrane plasmique. De plus, les anneaux d’actine co-localisent avec l’adducine, une protéine de coiffe se liant à l’extrémité barbée des filaments d’actine et facilitant la liaison de l’actine avec la spectrine. Le marquage de l’adducine suit celui des anneaux d’actine sur toute leur circonférence (Figure 25). Il semblerait donc que les anneaux soient formés de petits filaments mis bout à bout et non d’un filament unique. L’axone contiendrait également de longs filaments d’actine s’étendant sur toute la longueur de l’axone mais avec une structure moins régulière que celle des anneaux et moins reproductible entre les neurones. Ces longs filaments seraient en effet trouvés dans des axones particulièrement épais. Les auteurs de cette étude proposent un rôle des anneaux d’actine dans le maintien de la structure longue et fine de

l’axone, en servant, avec la spectrine, de support mécanique à la membrane de l’axone. Ces anneaux pourraient également réguler la périodicité de certaines protéines membranaires, comme par exemple les canaux sodiques, importants pour la génération des potentiels d’action.

Figure 25. Organisation du réseau d’actine dans l’axone. (A) Immunomarquages de l’actine (en vert), la spectrine (en violet ou vert) et l’adducine (en violet) dans l’axone d’un neurone hippocampal de rat. (B) Modèle de l’organisation de l’actine dans l’axone. De petits filaments d’actine (en vert), coiffés par l’adducine (en bleu) à une de leurs extrémités, s’organisent en anneaux qui suivent la circonférence de l’axone. La spectrine (en violet) connecte les anneaux adjacents d’actine/adducine le long de l’axone avec une périodicité d’environ 190 nm (d’après Xu et al., 2013).