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III- Tau, un acteur de l’organisation des microtubules et de l’actine

7. Autres partenaires et autres fonctions de tau

La protéine tau n’est pas retrouvée uniquement dans le cytoplasme mais aussi dans le noyau des cellules neuronales (Loomis et al., 1990) et non neuronales (Sjöberg et al., 2006). En effet, tau serait présente au sein du nucléole, sous-compartiment du noyau où se déroule la transcription des ARN ribosomiques, et plus précisément au niveau de l’hétérochromatine constitutive (Sjöberg et al., 2006). Ces observations suggèrent que tau jouerait un rôle dans l’organisation nucléolaire et dans l’hétérochromatinisation des gènes codants pour les ARN ribosomiques. Par ailleurs, des études in vitro ont démontré que tau était capable de se lier directement à l’ADN (Qu et al., 2004), et que cette interaction était réversible en cas de présence d’histones (Hua et al., 2003). Les motifs répétés du domaine de liaison aux microtubules et le PRD de tau seraient impliqués dans cette interaction (Wei et al., 2008 ; Qi et al., 2015). De plus, des travaux récents dans des cultures primaires de neurones indiquent que tau est capable, en condition de stress thermique ou oxydatif, de se relocaliser dans le noyau et d’établir une liaison avec l’ADN. Cette interaction permettrait à tau de protéger l’ADN des lésions induites par le stress (Sultan et al., 2011). Ces hypothèses ont été vérifiées dans des souris KO-tau pour lesquelles l’induction d’un choc thermique entraîne des dommages plus importants de leur ADN comparé à celui de souris sauvages (Violet et al., 2014).

Par ailleurs, le domaine riche en prolines de tau est capable d’interagir, via les motifs PXXP, avec certaines protéines possédant un domaine SH3 (Src Homology 3). Les kinases de la famille Src font partie de ces protéines et certaines peuvent interagir avec tau au niveau de

la membrane plasmique (Lee et al., 1998). Parmi elles, tau peut s’associer avec les kinases c-Src et Fyn (Lee et al., 1998 ; Reynolds et al., 2008). Fyn et c-c-Src sont impliquées dans la phosphorylation du récepteur neuronal NMDA, récepteur post-synaptique essentiel à la signalisation moléculaire pour la mémoire et la plasticité synaptique (Blum et Konnerth, 2005). Tau servirait de médiateur entre Fyn et le récepteur NMDA puisqu’en l’absence de tau, Fyn ne se déplace plus vers les compartiments post-synaptiques des dendrites et la fonction synaptique est altérée (Ittner et al., 2010 ; Mondragon-Rodriguez et al., 2012). Tau est capable d’interagir avec d’autres protéines possédant un domaine SH3 tels que PLCγ (Phospholipase Cγ) et PI3K (phosphoinositide 3-kinase), confirmant son rôle potentiel dans les voies de transduction du signal (Reynolds et al., 2008).

Figure 36. Localisations et partenaires de tau dans la cellule. Tau interagit avec les microtubules et probablement avec l’actine via son MTBD, avec des kinases ou des protéines adaptatrices possédant un domaine SH3 via son PRD, et avec l’ADN.

Tau peut aussi agir comme un inhibiteur direct d’activités enzymatiques. Par exemple, elle peut s’associer et inhiber l’histone deacétylase-6 (Perez et al., 2009), enzyme qui deacétyle la tubuline et régule donc la stabilité des microtubules. Tau pourrait donc affecter la dynamique des microtubules par un mécanisme indépendant de sa liaison directe à ces polymères.

Des études récentes montrent que tau peut être sécrétée dans le milieu extracellulaire lorsque les neurones sont activés, permettant un transfert de tau de neurone à neurone (Pooler et al., 2013 ; Dujardin et al., 2014). On ne connaît pas encore le rôle de cette localisation de tau dans les vésicules sécrétrices. Tau a également été retrouvée dans des fractions membranaires enrichies en appareil de Golgi provenant de cerveaux de rats, suggérant que tau pourrait interagir avec les membranes golgiennes et établirait un lien entre les microtubules et l’appareil de Golgi. Cette hypothèse a été confirmée in vitro à partir de constituants purifiés (Farah et al 2006). On ne sait cependant pas quels domaines de tau sont impliqués dans cette interaction. La figure 37 récapitule les interactions cellulaires de tau et le tableau de la figure 37 donne une liste non-exhaustive des différents partenaires de tau.

Partenaires directs

de tau Fonctions du partenaire Références

ApoE3 Transporteur de lipides Fleming et al., 1996 Strittmatter et al., 1994 Tubuline Cytosquelette Kar et al., 2003

C-Src Kinase de la famille Src Lee et al., 1998Reynolds et al., 2008

Actine Cytosquelette He et al., 2009

Fgr Kinase de la famille Src Reynolds et al., 2008

Fyn Kinase de la famille Src Lee et al., 1998

Reynolds et al., 2008 Grb2

Protéine adaptatrice impliquée dans la signalisation des

facteurs de croissance

Reynolds et al., 2008

Lck Kinase de la famille Src Lee et al., 1998

p85α Sous-unité régulatrice de PI3K Reynolds et al., 2008 Phosphatidylinositol Lipide de signalisation Surridge et Burns, 1994 Phosphatidylinositol

bisphosphate Lipide de signalisation Flanagan et al., 1997 PLCγ

Clive les phospholipides pour produire des molécules de

signalisation

Hwang et al., 1996 Jenkins et Johnson, 1998 Reynolds et al., 2008

Figure 37. Tau et certains de ses partenaires. Parmi eux : des éléments du cytosquelette, des molécules de signalisation, des enzymes et des lipides (d’après Morris et al., 2011).

Tau est donc une protéine à plusieurs facettes, capable de se localiser à plusieurs endroits de la cellule (sur les microtubules, sur l’actine, dans le noyau, au niveau de la membrane plasmique et de la membrane de l’appareil de Golgi) et d’avoir potentiellement de multiples fonctions. Les mécanismes qui régissent ces localisations subcellulaires différentielles ne sont pas élucidés. On peut penser qu’il existe un pool de protéine cytoplasmique qui peut être rapidement relocalisé suivant les besoins de la cellule et via des modifications post-traductionnelles de tau, ou bien qu’il existe plusieurs pools de tau spécifiques d’une localisation. L’existence de diverses fonctions de tau suggère que la perte ou l’altération d’une ou plusieurs de ses fonctions dans les neurones peuvent contribuer à des processus physiopathologiques.