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Rôle des COVs dans la défense des plantes

IV. Quelle est la fonction défensive des composés organiques volatils (COVs) ?

IV.2. Rôle des COVs dans la défense des plantes

Lors d’une attaque d’un tissu par un herbivore ou un pathogène, la composition du mélange de COVs émis change qualitativement et quantitativement (Pare & Tumlinson 1999). Cette émission peut conférer une résistance directe ou indirecte à la plante.

Défense directe – De nombreuses études phytochimiques ont montré que les huiles

essentielles de plante (c'est-à-dire les composés volatils extrait par hydrodistillation) présentaient souvent des activités toxiques pour les cellules animales (Bakkali et al. 2008), insecticides (Stammati et al. 1999), antimicrobiennes (Hammer et al. 1999) ou antifongiques (Hammer et al. 2003). Ces travaux tendent à montrer que les composés volatils pourraient avoir un effet de défense directe contre les herbivores et les pathogènes. La conclusion n’est pas si simple car les concentrations et les quantités de composé utilisés dans ces études in

vitro sont généralement très élevées et ne correspondent pas aux concentrations rencontrées in vivo. Néanmoins, d’autres études, menées dans des conditions plus proche des conditions

naturelles ont montré que les COVs pouvaient effectivement agir comme défense directe en ayant un effet toxique ou répulsif sur les herbivores. Des études réalisées sur le tabac (Nicotiana tabacum, Solanaceae) ont montré que certains composés émis uniquement la nuit ont pour effet de repousser les femelles d’une espèce de mite qui pond durant la nuit et dont les larves sont des herbivores importants du tabac (De Moraes et al. 2001). De même, les herbivores naturels du haricot de Lima (Phaseolus lunatus, Fabaceae) sont repoussés par les composés volatils émis par cette plante (Heil 2004a).

Défense indirecte –La spécificité des COVs par rapport aux autres composés de défense est

de ne pas être limité aux tissus mais de pouvoir diffuser dans l’atmosphère environnante. Ceci permet d’envisager le fait que ces composés puissent être utilisés par d’autres organismes comme vecteurs d’information. Dans les années 1990, il a ainsi été proposé que les différences d’émission induites par la présence d’un herbivore pourraient être utilisées par les prédateurs (Dicke et al. 1990) ou les parasitoïdes (Turlings et al. 1990) de l’herbivore pour les localiser, conférant ainsi à la plante une défense indirecte. Les principaux modèles pour étudier cet aspect ont d’abord été les espèces du genre Brassica de la famille des

Poaceae (Turlings et al. 1998). De nouveaux modèles tels que l’armoise commune Artemisia

vulgaris de la famille des Asteraceae (Karban 2007), le tabac Nicotiana tabacum de la famille

des Solanaceae (De Moraes et al. 1998; Kessler & Baldwin 2001), les haricots de Lima

Phaseolus lunatus de la famille des Fabaceae (Heil 2004b), le coton Gossypium hirsutum de

la famille des Malvaceae (Rose & Tumlinson 2005) ou certaines espèces de conifères du genre Pinus (Mumm & Hilker 2006) ont ensuite été utilisés. Ces études ont permis de montrer que les prédateurs et parasitoides des herbivores peuvent être attirés sélectivement par le mélange de composé émis par la plante-hôte de l’herbivore et que l’attraction de ces organismes permet de limiter l’impact des herbivores pour la plante.

Figure 12 : Une femelle de l’espèce parasitoide Cotesia marginiventris (Hymenoptère, Braconidae) est attirée par l’odeur émise par une feuille de mais qui a été attaquée par une larve de l’espèce Spodoptera

exigua (Lepidoptera, Noctuidae ; Turlings & Wackers 2004)

Depuis les années 1990, ces travaux ont mis en évidence l’émission des COVs induits par l’herbivorie dans de nombreux taxa (Heil 2008; Heil et al. 2008; Turlings & Wackers 2004). Les ennemis naturels des herbivores qui utilisent les COVs issus des plantes pour localiser leur cible doivent déterminer quelles odeurs sont associées à la présence de leurs proies. Un des points importants est donc l’étude des mécanismes d’induction de ces COVs et de la détection par la plante de l’attaque d’un herbivore. Il semble qu’un ensemble de facteurs

participent à l’émission des composés en présence d’herbivores. En premier lieu, les dommages mécaniques (la déchirure des tissus foliaires par exemple) représentent un des stimuli pour la libération des COVs (Banchio et al. 2005; Mithofer et al. 2005), les COVs pouvant être stockés dans des cellules sécrétrices et libérés lors de la déchirure des tissus (Pare & Tumlinson 1999). Il semble également que d’autres molécules puissent être synthétisées de novo à la suite d’un attaque d’herbivores. Dans le cotton (Gossypium

hirsutum, Malvaceae) il a ainsi été montré par marquage chimique que parmi les composés

émis à la suite d’un dommage, certains étaient émis directement tandis que d’autres étaient synthétisés de novo et n’étaient pas stockés dans la plante (Pare & Tumlinson 1997a, b).

Un autre point est de déterminer s’il existe une spécificité de la réponse de la plante en fonction de l’herbivore présent. Dans certains systèmes, il a été montré que le mélange de composés volatils émis peut varier qualitativement ou quantitativement en fonction du type de dommage (Connor et al. 2007) ou de l’espèce d’herbivore impliquée (Turlings et al. 1998). A l’heure actuelle, deux types d’éliciteurs contenus dans la salive de certains herbivores de l’odre des Lépidoptères ont été découverts. Il s’agit de la β-glucosidase, isolée de la larve de la piéride du choux Pieris brassicae de la famille des Pieridae (Mattiacci et al. 1995) et de la N-(17-hydroxylinolenoyl)-L-glutanamine ou volicitine, provenant de la larve de Spodoptera

exigua de la famille des Noctuidae (Alborn et al. 1997). La β-glucosidase a les mêmes effets

d’induction que la salive de chenille et ces effets ne s’observent que s’il y a eu au préalable dommage physique par rupture des tissus (Mattiacci et al. 1995).

La majorité des études sur ces sujets de défense indirecte a été, pour des raisons évidentes de contrôle des paramètres expérimentaux, réalisée en laboratoire. Un des points critiques est de savoir si les parasitoïdes sont capables de distinguer un signal potentiellement intéressant malgré le « bruit de fond » de molécules ambiantes. Lors d’une étude réalisée sur le haricot de Lima infesté par des mites (Dicke et al. 2003), il a été montré que le bruit de fond induit par des plants de choux infectés par des chenilles ne perturbait pas le comportement des prédateurs de mites. Parallèlement, se pose la question de l’ubiquité de ces mécanismes, à la fois pour l’émission de COVs par les différentes espèces de plantes et de l’intensité des interactions dans des milieux complexes.

Les données utilisées au cours de cette thèse font partie de deux projets qui ont regroupé plusieurs partenaires avec des objectifs plus larges que les seuls objectifs présentés dans ce manuscrit. Dans un premier temps, je présenterai rapidement ces projets et dans un second temps, je décrirai plus précisément les techniques d’échantillonnage, d’analyses chimiques et d’analyses statistiques qui ont été utilisées.

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