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CHAPITRE 2 CADRE CONCEPTUEL

2.1. LE PROCESSUS D’ÉCRITURE

2.1.4. Les concepts clés autour du processus rédactionnel

2.1.4.3. La révision

La littérature sur la révision foisonne. Heurley (2006) en arrive à affirmer que la révision de texte est devenue un domaine de recherche à part entière depuis la publication de Hayes et Flower (1980). Autant le modèle de Hayes et Flower (1980) a donné lieu à un sous-modèle de la révision (Hayes et al. (1987), autant le modèle de Hayes (1996) a réservé un chapitre pour détailler un sous-modèle de la révision qu’il a remplacé par interprétation de texte. C’est le reflet de l’importance de la révision dans la production écrite.

Cependant, même si la révision a fait l’objet de nombre d’investigations, le concept en lui- même est paradoxalement problématique. La question « que signifie réviser un texte ? » n’est toujours pas réglée (Heurley, 2006). En effet, les auteurs n’en donnent pas la même définition et n’y réservent pas le même traitement dans leurs travaux : il y a, d’une part, ceux qui conçoivent la révision comme un sous-processus du processus d’écriture au même titre que la planification et la mise en texte ; il y a, d’autre part, des travaux plus récents qui postulent que la révision est une composante du contrôle du processus d’écriture.

13 Le concept de génération de texte ici diffère de celui repris par Hayes (1996) pour désigner l’ensemble du processus de textualisation.

Dans le modèle de Hayes et Flower (1980), la révision est identifiée comme l’un des trois sous-processus de base du processus rédactionnel. Ce modèle stipulait que le scripteur mettait en œuvre deux sous-processus dans la révision : d’une par, la relecture (reading) où le scripteur relit le texte produit dans le but de détecter des erreurs, et, d’autre part, la correction (editing) où le scripteur opère les corrections conséquentes dans le texte (Favart et Olive, 2005). Cette définition de départ est quelque peu restrictive. Elle se limite au texte déjà produit et n’envisage pas une évaluation du contenu avant la mise en texte, ni une évaluation du texte globale (Favart et Olive, op. cit.). Des auteurs avaient d’ailleurs, à la suite de Hayes et Flower (1980), élargi le concept en parlant plutôt d’une comparaison entre la représentation du projet communicatif planifié et celle du texte déjà écrit (Nold, 1981 ; Scardamalia et Bereiter, 1983), même si Scardamalia et Bereiter (op. cit.) préfèrent toujours réserver le terme « révision à quelque chose qui se produit sur un texte (Heurley, 2006). Ce développement du concept en une évaluation globale est corroboré par Hayes et al. (1987) qui, pour peaufiner leur modèle du sous-processus d’écriture, ont étayé ce qu’on peut appeler leur modèle de révision. Dans ce modèle (figure 3 ci-dessous), ils présentent la révision comme un processus qui se réalise à travers deux sous-processus14 : la définition de la tâche qui permet de préciser ce sur quoi le scripteur va se focaliser lors de la révision, ainsi que les stratégies. Les résultats de ce sous- processus sont envoyés dans la mémoire à long terme. Le deuxième sous-processus qui est assujetti à la définition de la tâche est l’évaluation où le scripteur, à partir de la tâche qu’il a définie, met en œuvre un processus de lecture-compréhension pour détecter des problèmes. Si un problème est détecté, le scripteur se représente alors le problème et le processus d’évaluation débouche sur un troisième processus, la sélection d’une stratégie, comparable à un processus de résolution de problème, où plusieurs options sont possibles :

- soit ignorer ou différer le problème, rechercher des informations supplémentaires, définir un nouveau but, ce qui revient à ne pas modifier le texte pour l’instant ;

- soit réécrire (rewrite) en préservant la signification mais en initiant un nouveau processus de mise en texte ou réviser (revising) en résolvant le problème tout en préservant le maximum de texte initial.

Le moins que l’on puisse dire est que Hayes et al. (1987) mettent en exergue le caractère complexe du processus de révision.

Figure 3. Modèle du processus de révision de Hayes et al. (1987).

Kellogg (1996), dans son modèle de processus d’écriture qui sera présenté pour illustrer le concept de mémoire de travail (cf. ci-dessous sous 1-1-4-5), a une autre conception tout aussi originale du processus de révision. À la suite de Heurley (2006), nous faisons remarquer que le mot révision n’apparait ni comme activité, ni comme sous-processus chez Kellogg (1996) qui postule plutôt un sous-processus de contrôle décomposable en lecture et édition. Dans la conception de ce modèle de Kellogg (1996), la révision en elle-même ne permet pas d'apporter des modifications au texte (Favart et Olive, 2005). Après un diagnostic du type de problème, le processus d'édition – selon sa terminologie de ce modèle – envoie un signal de correction aux processus à l'origine de l'erreur. Ainsi, la correction des problèmes conceptuels revient à la

planification ; et celle des erreurs relevant du code linguistique revient aux processus de mise en texte et d'exécution qui les ont générées (Favart et Olive, 2005).

Dans le modèle de Hayes (1996), l’une des innovations majeures par rapport au modèle de Hayes et Flower (1980) a été sans doute sa nouvelle conceptualisation de la révision. Dans ce nouveau modèle, la révision, remplacée par l’interprétation de texte, est bien étayée. Roussey et Piolat nous livrent une synthèse de ce nouveau modèle de Hayes (1996) en ce qui concerne la révision en ces termes :

[…] la révision suppose l’intervention de trois processus fondamentaux : lecture critique, résolution de problème et production de texte. Ces interventions sont contrôlées par un schéma de tâche de révision qui est intégré dans une structure de contrôle et stocké en mémoire à long terme. Ce schéma est récupéré dès que des indices assurant son utilité sont perçus. Il regroupe la totalité ou une partie des éléments suivants : un ensemble de connaissances acquises par la pratique et nécessaires à sa réalisation, un but (modifier le texte) et des sous-buts précisant l’objet ou le niveau de texte sur lequel doit porter l’attention, des modèles et des critères de qualité (style, etc.) ainsi que des stratégies pour corriger des classes spécifiques de problèmes textuels. (Roussey et Piolat, 2005)

Dans ce nouveau modèle, la révision est conçue non plus comme un des trois sous-processus du processus d’écriture mais comme une composante du contrôle de la production et comprend trois processus : lecture critique, résolution de problème et production de texte. L’auteur préfère donc le terme «lecture-critique» pour signifier qu’il s’agit d’une lecture qui va au-delà de la compréhension.

Pour finir, sans véritablement proposer un nouveau modèle, Roussey et Piolat (2005), à partir des derniers développements en psychologie cognitive, en arrivent à donner une nouvelle conceptualisation de la révision en ces termes :

« la révision est, avec la planification, une des composantes du contrôle de la production écrite. Elle peut, suivant les formes prises par l’interaction des deux processus, remplir différents rôles (vérification ou programmation) et porter sur différents niveaux (révision réactive du texte produit ou proactive de la mise en œuvre des processus)… » (p. 358).

Pour ces auteurs, la révision autant que la planification ne sont plus des sous-processus mais des composantes du contrôle de la production écrite. La révision en tant qu’instance de contrôle assurerait alors selon ces auteurs, la vérification et l’amélioration du produit fini, la supervision des autres processus et la suppléance de certains processus défaillants.

Plus récemment, Hayes (2004), sans choisir ou proposer un modèle théorique particulier, s’interroge sur ce qui déclenche la révision en faisant une revue de la littérature. L’auteur récapitule les principaux modèles de la révision et relève le fait que la révision a longtemps et seulement été envisagée sous l’angle de la résolution de problèmes dans le texte comme si seule la détection de problème dans le texte déclenchait la révision. Selon lui, cette perspective occulte le fait que, là où il n’y a pas de problème dans le texte, l’on peut découvrir une possibilité d’amélioration. Autrement dit, l’auteur regrette que peu de recherches aient envisagé la perspective où la révision est déclenchée par la découverte d’une possibilité d’amélioration du texte. Dans cette contribution, Hayes se penche également sur l’efficacité des méthodes d’enseignement pour développer les habiletés des étudiants en révision de texte. Le bilan des études qui se sont intéressées à la question suggère que la méthode basée sur l’enseignement des critères d’évaluation d’un bon texte est plus efficace. L’auteur reconnait cependant que des études plus poussées doivent être menées encore pour confirmer l’effectivité d’une telle tendance.

Les modèles de révision présentés ci-dessus ne représentent qu’un échantillon qui occulte d’autres modèles tout aussi représentatifs tel que le modèle CDO (Compare, Diagnose, Operate) de Scardamalia et Bereiter (1983). Nonobstant la pluralité des orientations possibles et distinctes les unes des autres (Kellogg, 1996, Hayes, 1996, Roussey et Piolat, 2005), le présent travail reste dans la conception « classique » de Hayes et Flower (1980), étayée dans Hayes et al. (1987) qui conçoit la révision comme un des trois sous-processus du processus rédactionnel.