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6 Analyse critique

6.2 Analyse critique des articles

6.2.9 Résumé de l’article n°9

P. Kamal & al. (2005) Factors influencing repeat caesarean section: qualitative exploratory study of

obstetricians’ and midwives’ accounts.

6.2.9.1 Description de l’article Contexte et but de l’étude

Pallavi Kamal est chercheur au département des Sciences de la Santé, à l’Université de Leicester en Angleterre.

Le but de cette recherche qualitative publiée en 2005 dans le BJOG (International Journal of Obstetrics and Gynaecology) était d’explorer les opinions et les comportements des professionnels de santé envers les femmes ayant un antécédent de césarienne. Ils voulaient ainsi comprendre certains facteurs influençant le taux des césariennes itératives.

Les auteurs sont partis du constat qu’une des raisons les plus fréquentes pour laquelle les femmes accouchent par césarienne est la précédente naissance par césarienne (Lynch & al., 2003 ; RCOG, 2001). Ils soulignent que même si la philosophie de soins des années 1980-1990 a mis en avant la sécurité relative de l’essai du travail de la naissance (Flamm & al., 1994), la question de cette dernière reste en débat (Chauhan & al., 2003). De plus, les auteurs critiquent les derniers résultats des études réalisées sur les risques de rupture utérine en soulignant les difficultés des recherches dans ce domaine due à la faible incidence et à la rareté de la morbidité ou de la mortalité liée à une rupture utérine. Des auteurs se sont intéressés aux préférences des femmes sur les modes d’accouchement (Saisto & al., 1994).

77 Pour autant, peu d’études se sont penchées sur les décisions cliniques prises par les professionnels dans ce domaine. Les auteurs se réfèrent à une étude australienne menée par Appleton et al. en 2000, qui s’est penchée sur les points de vue des différentes catégories de soignants et qui a mis en avant des divergences d’opinion. Cependant, selon les auteurs, cette enquête se serait basée sur des données de catégories professionnelles prédéterminées.

Méthodologie

Les auteurs ont réalisés des interviews (enregistrées), avec douze obstétriciens (Hôpital universitaire de Leicester) et treize sages-femmes (Hôpital universitaire de Leicester et hôpitaux communautaires). Les interviews étaient basées sur un petit guide préalablement établi par les chercheurs, se basant sur les guidelines en lien avec le sujet, dans le but d’inciter les professionnels à émettre leurs points de vue et leur expérience sur la prise en charge des femmes ayant un utérus cicatriciel.

Les entretiens se sont déroulés dans un environnement choisi par les soignants, ils ont duré entre 20 et 45 minutes et ont été menés par Pallavi Kamal.

Les participants ont été sélectionnés dans deux hôpitaux universitaires de Leicester. Ces hôpitaux comptaient entre 3500 et 5000 naissances par an et des taux de césariennes allant de 18 à 20%. Il y avait des équipes de sages-femmes communautaires rattachées à chaque hôpital. Les soins fournis dans ces hôpitaux correspondaient aux soins fournis en Angleterre.

Les auteurs ont demandé à tout le personnel médical obstétrical des sites étudiés de participer à l’étude. Leur intention était d’avoir un panel large de soignants et que tous les niveaux d’expérience soient représentés. Ils sont ensuite rentrés en contact avec les soignants qui avaient accepté de participer à l’étude, soit 32 professionnels contactés. Au final 26 ont accepté de participer et 25 auront finalement été interrogés (pas d’arrangement possible avec une participante pour l’interview).

Les participants comprenaient 12 médecins (8 hommes et 5 femmes) dont 3 spécialistes et 9 consultants ; 13 sages-femmes (toutes des femmes), 6 à l’hôpital et 7 sages-femmes communautaires. Les auteurs spécifient le niveau d’expérience des spécialistes (4 à 5 ans environ), des consultants (moins de 5 ans à plus de 10 ans d’expérience) et des sages-femmes (9 avaient plus de 10 ans d’expérience, 2 entre 5 et 10 ans et une moins de 5 ans).

L’analyse des données était basée sur la méthode de constante comparative qui utilise un système de codage. Il s'agit d'une procédure en continue, ou les théories sont formées, améliorées, confirmées, voire écartées en raison de toutes les nouvelles données qui se dégagent de l'étude. Les codages ont été analysés par un logiciel : QSR N5 software. Pallavi Kamal a continuellement contrôlé et réajusté le cadre. Mary Dixon-Woods a validé indépendamment l’affectation des données.

Résultats

78 L’attitude des professionnels envers la césarienne itérative. Les soignants se sont montrés inquiets face à la hausse importante du taux de césarienne, peu de soignant ont fait le lien avec les césariennes itératives. La plupart des professionnels interrogés ont suggéré que l'accouchement vaginal était préférable car il serait moins risqué et la récupération maternelle serait meilleure en post-partum. La plupart des sages-femmes et des médecins ont estimé que, malgré les avantages reconnus de l'accouchement voie basse, il y a encore beaucoup d’obstétriciens qui effectuent des césariennes ce qui expliquerait que les taux restent trop élevés.

Les indications cliniques des césariennes itératives. Les soignants différencient les indications absolues (siège et souffrance fœtal, le plus souvent relevés) et les indications relatives (retard de croissance, pré-éclampsie par exemple). De plus, si la même indication que pour la précédente césarienne se posait, il semblait logique pour les soignants de refaire une césarienne.

Les auteurs ont relevé que même si les soignants mettent en évidence deux catégories d’indications, ils divergent sur les motifs même de ces indications. Les soignants ont mis en évidence que la connaissance et la surveillance de la cicatrice utérine étaient fondamentales pour eux.

Les preuves et la contingence. Les soignants ont identifié les guidelines comme ayant un rôle important dans la prise de décision et ayant un fort impact sur leur pratique (ils citent une étude récente sur l’accouchement voie basse des sièges et l’arrêt de ces accouchement dans leur pratique). La plupart des comptes rendus ont également souligné que les «preuves» n’étaient pas la seule base de la prise de décision (relation soignant-soigné, ressenti et histoire personnelle…) et des préoccupations ont été exprimées au sujet de la qualité des données dans ce domaine. Les sages-femmes ont décrit leurs difficultés à accéder aux preuves et à les évaluer (les changements importants de certaines conduites dans la recherche à aussi été soulevés). L’importance des guidelines et des protocoles a été reconnue, pourtant, la césarienne a été identifiée dans les interviews comme « un domaine qui était particulièrement mal adapté à être géré par des protocoles stricts qui s'appliquent dans chaque situation » (traduction libre, p.1056). En effet, un des participants explique : « il y a des bonnes preuves pour montrer que la majorité des femmes qui ont eu une précédente césarienne réussiront un accouchement vaginal lors d’une prochaine grossesse, mais il n’y a pas de bonne façon de les sélectionner » (Traduction libre, p. 1056).

L’organisation des soins. Les soignants ont considéré que l’organisation des soins avait une influence majeure sur les césariennes itératives. Il en ressort que les femmes qui n’ont pas de débriefing après leur première césarienne sont plus susceptibles d’en avoir une nouvelle. De plus, un médecin pense que les sages-femmes communautaires ne donneraient pas assez d’informations à ces patientes ou seraient contradictoires dans leurs données. La confiance entre le soignant et la patiente serait en faveur d’un choix accru pour une tentative d’accouchement voie basse.

79 Cette relation, qui exige de passer du temps avec la patiente serait attribuée aux sages-femmes (manque de temps dans les consultations relevé par les obstétriciens). Les sages-femmes semblent conscientes du manque de temps des obstétriciens, pour autant leur rôle ne semble pas évident « la sage-femme peut aussi aider… » (Traduction libre, p. 1057).

Les pressions externes. Les participants ont décrit certaines pressions qui influeraient leur prise de décision (disponibilité des lits, coût de la césarienne…). La politique des soins, interprétée différemment selon les participants, ressort comme la principale pression externe, plus particulièrement pour les médecins. La gestion des risques et la conformité aux normes de « bonnes pratiques » semblent être une difficulté dans les prises en charge individualisées.

La relation patient-soignant. Les soignants mettent en avant la prise de décision conjointe avec le patient. Pour autant, les critères décisionnels variaient et n’étaient pas les mêmes pour tous les soignants (prise en compte psychologique, physique et clinique).

La majorité des participants ont avancé l’idée que « les femmes ont le droit de choisir le mode d’accouchement à condition qu’elles comprennent parfaitement les conditions » (traduction libre, p.1058). Certains ont exprimé que ce droit à choisir était inconditionnel et d’autres que les femmes ne devraient pas l’avoir. Les comptes rendus ont identifié trois modes de consultations : consumériste, mutualiste et paternaliste. La stratégie consumériste permettrait de transférer les responsabilités et d’éviter ainsi certains litiges. Les stratégies mutualistes seraient utilisées dans une approche commune de la prise de décision mais le choix des soignants semblerait orienter la décision. Enfin, les stratégies paternalistes ne laisseraient pas le choix aux femmes.

Conclusion

Cette étude a relevé que la prise de décision dans ce domaine n’est pas le résultat d’application pure et simple des directives et des connaissances, mais serait une pratique sociale qui dépendrait à la fois des connaissances, du jugement, de la sensibilité et de l’interprétation individuelle des preuves de chaque soignant. Cela expliquerait les contradictions entre une pratique optimale (diminution du taux de césarienne) et une pratique réelle. Les auteurs concluent que « toutes les interventions pour modifier les taux de césariennes itératives qui reposent uniquement sur la promotion de connaissances techniques (par exemple sous la forme de protocoles standards) ont peu de chances d'être couronnées de succès. » (Traduction libre, p.1059). La pratique réflexive, où les professionnels sont encouragés à identifier les facteurs qui les ont conduit à prendre certaines décisions, semble intéressante pour une meilleure prise de conscience du sujet.

6.2.9.2 Analyse de l’article

L’étude semble bien menée. Les auteurs ont rapporté leurs intentions de recherche et leur méthodologie de manière complète.

80 Ils ont conscience de certaines limites de leur étude et les soulèvent. Nous aurions aimé connaître le nombre de soignants susceptibles de participer à l’étude. En effet, le recrutement a été effectué sur uniquement deux hôpitaux universitaires. On peut penser que le nombre de soignants qui participe à la prise en charge des femmes ayant un utérus cicatriciel doit être élevé, pourtant seulement une trentaine de réponses et 25 interviews ont été réalisées. Peut-être que le peu de réponses obtenues indiquerait le peu d’intérêt des soignants concernant cette thématique. Ce n’est qu’une supposition.

L’étude qualitative basée sur des interviews reflète ce que les personnes interrogées veulent bien laisser transparaître. De plus, cette étude a été réalisée dans une seule ville ce qui ne permet pas de généraliser les réponses obtenues.

Un biais a été soulevé par les auteurs : le guide utilisé pendant les entretiens n’aurait pas fourni certaines informations sur le management du travail et aurait pu de ce fait influencer les réponses données par les participants.

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