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7 Discussion

7.2 Discussion, éléments de réponses à la question de recherche et perspectives

7.2.3 Prise de décision et temporalité : la sage-femme plébiscitée ?

Existe-t-il des temps plus propices à l’information et à la prise de décision de la femme et/ou du couple sur les modes d’accouchement ? C’est en tout cas ce que suppose un de nos résultats (Kamal & al, 2005). Aussi, nous avons constaté que les interventions de counseling en fonction des études avaient eu lieu à différents temps de la grossesse. Nos résultats n’indiquent pas la satisfaction de la femme à cet égard et suite à notre revue nous ignorons si ce facteur a joué un rôle facilitateur ou non dans la prise de décision. Cependant, d’autres études ont mis en lumière cette variable. En effet, d’après Mc Grath & Ray-Barruel (2009), donner une information plus précocement, peu de temps après la première césarienne pourrait aider les femmes à prendre des décisions concernant leur futur mode d’accouchement. Une femme dans l’étude de Kamal (2005) suppose qu’une discussion juste après sa césarienne aurait peut-être facilité sa prise de décision. Nous pouvons présumer que la femme et son partenaire disposeraient d’un temps de réflexion plus long pour penser ou repenser leurs projets de vie. A contrario, recevoir ces options de soins en fin de grossesse comme il est souvent d’usage dans la pratique, semble trop court. Une idée déjà partagée par Dodd & al. (2004) qui mettaient en perspective dans leur étude la possibilité que les femmes aient une consultation dans les six mois suivants leur première césarienne. D’après Emmet & al. (2010), les femmes devraient sentir qu’elles ont un temps pour réfléchir à leurs options et que s’offre à elles l’opportunité de reconsidérer leurs décisions à tout moment avec leur clinicien. Aussi, d’après Caughey (2009) et The American College of Nurse-Midwives (2011), jusqu’au moment de l’accouchement, les femmes devraient pouvoir reconsidérer leur choix.

Ce que nous déduisons également de nos résultats est que dans l’idéal, le temps dédié au counseling devrait pouvoir procurer aux femmes et aux couples l’impression de se sentir « préparés ». Une étude aurait démontré que plus la discussion a été longue, plus la prise de décision s’en est trouvée facilitée (Légaré & al., 2010). A ce sujet, les obstétriciens et médecins généralistes interrogés dans l’étude de Kamal & al (2005) déplorent ne pas avoir le temps pour cela. D’après certains d’entre eux, la discussion tiendrait plus du domaine de la sage-femme. Qu’en pensent les politiques locales et les sages-femmes ? Qu’en penseraient les femmes et leurs partenaires ?

7.2.3.2 Et dans la pratique ?

Le rôle de la sage-femme en matière de suivi anténatal et post-natal des femmes/couples ayant un antécédent de césarienne ne semble pas clairement défini.

97 En Suisse, le plus souvent les femmes ont une consultation post-partum avec leur obstétricien-gynécologue un à deux mois après leur accouchement par césarienne et lors de la prochaine grossesse, elles sont revues par leurs médecins pour faire le point au moins au début de celle-ci ainsi qu’à à la fin pour déterminer les critères d’éligibilité à l’AVAC (autour de la 36ème semaine de grossesse). Concrètement, la sage-femme pourrait intervenir auprès de la femme/du couple en service de post-partum, en institution ou à domicile, dans les jours qui suivent la naissance par césarienne ; lors d’une consultation pré-conceptionnelle et lors de consultations de grossesse.

7.2.4 Du modèle paternaliste au modèle consumériste : la question de la responsabilité au cœur de la problématique du choix décisionnel

La question de la responsabilité est omniprésente en matière de choix décisionnel en situation de possibilité de tentative d’AVAC. Notre problématique de recherche continue d’évoluer. En effet, nos résultats et nos lectures associées nous amènent à présent à penser qu’il faut reconsidérer la place de deux champs disciplinaires incontournables en matière de décision partagée lors du choix décisionnel du mode d’accouchement : celui de l’éthique et celui de la jurisprudence. Nous les avions abordés dans notre cheminement, puis limités dans notre problématique, nous focalisant sur le rôle pratique de la sage-femme. A l’heure de la réflexion et de l’ouverture et d’après nos résultats, il nous semble important de les aborder.

D’après Broclain (2001), le principe d’autonomie, signifie que le patient peut savoir et juger de ce qui est bon pour lui. Il peut ainsi juridiquement et moralement refuser un consentement, prendre une décision finale concernant sa propre santé. Dans la pratique, ce concept est devenu un outil de défense de l’usager de soin contre l’institution médicale et son pouvoir.L’auteur explique que

Ce modèle autonomiste s’est progressivement substitué, du moins dans les textes réglementaires, au modèle paternaliste traditionnel qui, reposant sur un principe éthique de bienfaisance, considère que seul le médecin, tel un parent, peut apprécier ce qui est bien pour son patient et est en droit de décider unilatéralement pour les personnes qui s’en remettent à lui (HCSP, 2001, p.44).

Nous avons repéré dans nos résultats ces deux tendances relationnelles. D’un côté chez les professionnels de santé (Kamal & al, 2005 ; Emmett & al, 2006) de l’autre, chez les femmes interrogées, une volonté de s’inscrire entre ces deux extrêmes de relations de soin.

Il semble ainsi, que certaines femmes ne sont pas à l’aise avec l’idée de faire le choix final seules, ce qui reviendrait pour elles à en assumer la responsabilité seules. Si certaines femmes pointent un manque de contrôle dans la prise de décision, elles s’en disent « soulager » (Goodall & al, 2009). Nous supposons que d’autres femmes aimeraient ressentir plus de maîtrise vis-à-vis de leur santé et être plus impliquées dans le processus de prise de décision.

98 En effet, ces désirs ne transparaissent pas clairement dans nos études. Enfin, d’après nos résultats, aucune femme interrogée ne semblait vouloir décider toute seule du choix du mode d’accouchement, voulant en premier lieu se référer à l’expertise clinique du soignant. A l’inverse, certains comportements soignants exprimaient des attitudes très consuméristes (Kamal & al, 2005). Nous ne pouvons pas généraliser des résultats qualitatifs ni les transposer.

Ce qui ressort de notre analyse est qu’il n’existe pas de profil relationnel type : les besoins des femmes et des couples sont multiples et changeants, les types d’interactions sage-femme/obstétricien/femme-couple également. Nous concluons donc dans un premier temps que la volonté de l’usager de soin de s’impliquer dans la prise de décision est à considérer au cas par cas. Dans un deuxième temps, nous constatons que les comportements soignants sont emprunts de culture médicale. Ne faudrait-il pas nous recentrer sur les besoins des femmes-partenaires-couples ? En effet, que recherchent-ils dans la relation avec une sage-femme ? Quels sont leurs besoins relationnels ? Il ressort de nos études le fait que les femmes manquent cruellement de confiance en elles (Goodall & al, 2009 ; Fenwick & al, 2007). Cela questionne. Sont-elles et se sentent-elles assez soutenues dans cette période de vulnérabilité ? Certaines évoquent la solitude et l’impasse dans lesquelles un choix décisionnel potentiellement conflictuel a pu les plongées et verbalisent qu’elles ne se sentent pas capables de faire un choix ni même d’en comprendre les aboutissants.

Aussi, d’après Thouvenin (2001),

Si la question des droits des patients est devenue un enjeu social au début des années quatre-vingt-dix, cela ne signifie pas pour autant que ces droits n’existaient pas auparavant. Ce n’est pas leur reconnaissance qui est l’objet du débat actuel, mais bien la prise en considération du patient comme une personne qui peut légitimement défendre ses intérêts (HCSP, 2001, p.33). La question que nous nous posons à présent est la suivante : peut-on concilier autonomie parentale et responsabilité soignante dans les prises de décision concernant le choix du mode d’accouchement ? D’après Broclain (2001), « l’information, le consentement éclairé et le partage des décisions posent la question de la responsabilité des soignants comme des patients, et impliquent l’acceptation de l’existence de risques » (HCSP, 2001, p.44). Selon Massé (2003), le degré d’incertitude scientifique, inhérent aux fondements épidémiologiques, n’est pas suffisamment pris en compte. Par conséquent, il serait de la responsabilité des professionnels de santé d’admettre et de faire admettre que l’incertitude est inhérente à leur savoir (Légaré, 2009). Légaré (2009) paraphrase par la suite Parasdancola & al. (2002), pour qui « les conversations au sujet de l’incertitude devraient faire partie de la routine dans les interactions médecin-patient même quand un consentement aux soins n’est pas l’objet de cette interaction » (Légaré, 2009, p.285). Guy (2001) qui suggère que « devant la croissance des contentieux, légiférer sur l’aléa devient une nécessité pour retrouver une certaine sérénité » (HCSP, 2001, p.29). Enfin, nous citerons Timperley & Robinson (2002), qui propose génériquement : que les

99 sujets sont en partenariat lorsque chacun accepte une certaine part de responsabilité pour un problème, une question ou une tâche, et établit des processus qui favorisent l'apprentissage, la responsabilité mutuelle et le partage du pouvoir sur les décisions importantes » (Freeman & al, 2003, traduction libre, p.4). Cela nous renvoie donc à nouveau au partenariat soignant/soigné mais également au partenariat médecins/sages-femmes.

7.2.5 Quelques perspectives sages-femmes sur le rôle de partenaire de soin

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