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3. Problématique et hypothèse

5.1 Résultats qualitatifs

Nous allons illustrer les différences que nous avons observé entre les familles en décrivant deux familles qui ont obtenu des résultats contrastés au LTP et aux entretiens.

Les deux parents de la première famille ont obtenu des scores élevés au FaCI et au LTP comme le montre le tableau suivant.

Tableau 2

Scores de la RF inter-parentale de la mère et du père et de l’alliance familiale de la 1ère famille

Nous allons présenter des bouts d’entretien de la mère et du père pour illustrer de manière qualitative les capacités réflexives de cette famille et leur alliance familiale.

En ce qui concerne la mère, dans la deuxième partie de l’entretien, elle décrit la relation de tendresse entre son conjoint et l’enfant. Plus spécifiquement, elle décrit un épisode dans lequel l’enfant reste serré longtemps contre le père. Elle dit à l’interviewer : « Aujourd’hui, parce que, quand il est allé le chercher de la sieste il est resté collé à son papa, et quand vous êtes arrivé il voulait pas se décoller, pour moi c’est de la tendresse qu’il a et il fait ça souvent […] il voulait rester avec son papa, alors que moi j’étais là, (rire maman), non, non, mais.

Qu’en fait c’est (prénom du père) qui l’a mis au lit, qui l’a recherché et il était encore un p’tit peu j’pense endormit et il est resté collé à lui et, ce que j’ai vu c’est qu’il est bien avec son papa. Ouais, il adore son papa, le soir quand il entend la voiture c’est « papa, papa » toute de suite. Et j’pense qu’il lui manque quand même un peu, je ressens, moi je ressens ça parce que les week-ends où on est ensemble c’est papa. Et quand il reprend le travail les mardis « Il est où papa ? » […] ». La description formulée par la mère montre qu’elle est capable de réfléchir sur l’expérience émotionnelle de l’enfant et sur la relation du conjoint avec l’enfant.

En effet, elle réfléchit sur les émotions que son enfant éprouve et arrive à s’imaginer les motifs pour lesquels l’enfant se comporte de cette façon. Dans cette situation elle pense que le comportement de se coller de l’enfant est le signe de l’affection que l’enfant éprouve envers son père. Grâce à la mentalisation cette mère est capable d’expliquer les comportements de l’enfant en termes d’états mentaux. De plus, elle est capable de reconnaître que l’enfant pourrait ressentir l’absence de son père, qui travail pendant la semaine, car l’enfant pose des

questions sur le père. Cette mère qualifiée comme mentalisante a reçu un score de fonction réflexive inter-parentale de 5.

Le père décrit, dans la deuxième partie, la relation maternelle entre sa conjointe et l’enfant.

Plus précisément, il fait référence à un période dans lequel l’enfant pleurait beaucoup la nuit, surtout lorsque les parents l’avaient couché au lit. Il dit à l’interviewer : «[…] moi disons que j’arriverai plus à faire une cassure si par exemple quand on discute de quelque chose et faire son éducation et lui dire bon, pour son bien maintenant soit on le met au lit par exemple s’il va pleurer on y va plus, voilà ça je sais faire la cassure et dire on m’a dit de faire ça et alors je fais ça quoi je sais que c’est pour son bien point. Elle non c’est très dur pour elle et donc cet aspect maternel lui il le ressent aussi forcement et puis la relation entre les deux c’est que lui il en joue aussi un petit peu c’est vrai quoi, il fait un petit sourire ou il dit « câlin maman, câlin câlin » et il met sa tête sur son épaule et alors là elle craque et elle est obligée de faire un câlin elle ne peut pas, elle a l’impression d’être une mauvaise mère [rit l’interviewer], et s’il pleure ça lui déchire le cœur, alors moi aussi c’est fort mais j’ai l’impression qu’elle c’est comme si c’est son cœur qui s’est déchiré […] ».

En décrivant la relation maternelle entre sa conjointe et l’enfant, le père est capable de considérer les différents points de vue de chaque membre de la famille. Il est capable de réfléchir sur sa propre expérience émotionnelle, celle vécue par sa conjointe et son enfant. En effet, il met en évidence deux perspectives émotionnelles différentes entre lui et sa conjointe par rapport aux pleurs de l’enfant dans la nuit. Plus spécifiquement, il arrive à réfléchir sur les sentiments de mal être qu’éprouve sa conjointe face à l’enfant en larmes, et arrive à s’imaginer les motifs du comportement de sa conjointe. Tandis que lui, il est capable d’assumer un rôle plus rigide grâce aux conseils qu’il reçoit. De plus, il reconnaît que l’état émotionnel de culpabilité de sa conjointe pourrait avoir une influence sur l’état émotionnel de l’enfant, qui parfois semble en profiter. Ce père qualifié comme mentalisant a reçu un score de fonction réflexive inter-parentale de 4.

La famille a obtenu un score de 18 lors de la 3ème partie du LTP. Les trois membres de la famille se coordonnent pour jouer ensemble et réussissent à travailler en équipe et être en harmonie les uns avec les autres. Plus spécifiquement, ils font semblant de partager un repas familial. Nous détaillerons l’évaluation de cette première famille, décrivant les 11 dimensions à évaluer pour donner le score d’alliance familiale.

D’abord, pour les postures et regards tous les partenaires sont engagés dans l’espace d’interaction et sont orientés sur les activités partagées.

Pour l’inclusion des partenaires nous observons que tous sont inclus dans le jeu en cours et aucune exclusion n’est perçue.

Ensuite, l’implication de chacun dans son rôle montre que chacun respect les rôles des autres membres de la famille.

Pour le respect de la structure de la tâche et du temps on remarque que la famille respecte les consignes et la structure de la tâche, mais la partie 3 du LTP est réalisé dans une durée trop courte.

La dimension de la co-construction indique que chacun laisse la place à l’autre afin de créer un partage d’activité. Lorsque la famille joue chaque parent chacun demande à l’enfant ce qu’il mange, il répond alors « pâtes ».Ainsi, chacun apporte sa pierre à l’édifice pour créer une activité commune à tous. Puis ensuite, ils demandent pour le dessert « un yogourt ? » et ainsi de suite, chacun à une place au sein de ce repas.

Ensuite, pour l’encadrement la stimulation est appropriée puisque les parents ne sont ni trop intrusifs dans l’interaction ni trop en retrait.

La dimension de la chaleur affective montre que le climat est chaleureux, qu’il y a une circularité des affects entre les membres. Chaque membre est attentif au repas qu’il partage au sein du jeu et y participe avec plaisir aux vues de leurs sourires communs.

Pour la validation du vécu émotionnel de l’enfant, les deux parents sont attentifs aux signaux émotionnels de l’enfant.

Puis, l’authenticité des affects exprimés indique que les affects manifestés sont congruents avec la situation vécue.

En ce qui concerne les erreurs de communication dans les activités partagées, on n’observe pas de péjoration ni d’amélioration de l’interaction.

Enfin, les erreurs de communication dans les changements de contextes indiquent que le père se met rapidement et, quelque peu brusquement, en retrait pour mettre fin à la partie 3 et commencer la dernière partie.

Par contre, les parents de la deuxième famille ont obtenu des scores bas au FaCI et au LTP comme le tableau suivant illustre.

Tableau 3

Scores de la RF inter-parentale de la mère et du père et de l’alliance familiale de la 2ème famille

FR inter-parentale

Nous continuons avec la description des bouts d’entretien de la mère et du père pour montrer de manière qualitative les capacités réflexives de cette famille et leur alliance familiale.

Dans la deuxième partie de l’entretien, la mère est entrain de décrire la relation peu sérieuse entre son conjoint et l’enfant. Plus spécifiquement, elle décrit son conjoint comme un père peu attentif à l’égard de son enfant. Elle dit à l’interviewer : «[…](prénom du conjoint) il l’aimait beaucoup il l’aimait (prénom de l’enfant) beaucoup il l’aimait beaucoup, mais moi je ne sais pas comment dans sa tête il l’aime beaucoup mais, il est quelqu’un gentil (prénom du conjoint) il est il est sympa il est très sympa, mh c’est pour ça qu’il il l’aime beaucoup, mh il l’aime beaucoup mais il y a quelque chose que moi à mon avis je ne sais pas [elle rit][…] ».

Dans cette situation la mère cherche à expliquer la relation entre son conjoint et l’enfant, mais elle n’arrive pas à réfléchir sur l’expérience émotionnelle de son conjoint. Elle est incapable de s’imaginer les motifs pour lesquels son conjoint est peu attentif à l’égard de l’enfant. En effet, elle dit de ne pas savoir ce qui se passe dans la tête de son conjoint. Elle ne réussit pas à reconnaitre que son conjoint peut avoir des sentiments. Cette mère qualifiée comme peu mentalisante a reçu un score de fonction réflexive inter-parentale de 2.

Le père décrit dans la deuxième partie, la relation fusionnelle entre sa conjointe et l’enfant.

Pour expliquer cette relation il fait référence au besoin de l’enfant d’être toujours proche de sa mère. Plus spécifiquement, il fait l’exemple dans lequel la mère est entrain de faire la vaisselle et l’enfant s’accroche aux jambes de la mère et les entoure. Il dit à l’interviewer : «[…] ouais j’suis pas content non plus, j’suis agacé, en fait, parce qu’il devrait comprendre en fin de compte et voilà il le comprend pas […]». En décrivant cet épisode, le père exprime uniquement son agacement par rapport à cette situation et n’arrive pas à se représenter l’état mental de l’enfant. Il est incapable de s’imaginer les motifs pour lesquels son enfant se comporte de cette façon. Il ne réussit pas à reconnaitre que l’enfant peut avoir des intentions et des émotions. Ainsi, ce père qualifié comme peu mentalisant a reçu un score de fonction réflexive inter-parentale de 2.

Ensuite, la famille a obtenu un score de 13 lors de la 3ème partie du LTP. Dans cette famille la la division de l’unité co-parentale influence les interactions familiales. Plus spécifiquement, les parents se coordonnent peu afin que la tâche puisse être réalisée. Ils interfèrent dans les

activités de l’autre parent et cherchent à attirer l’attention de l’enfant au détriment de l’autre.

Il en résulte une difficulté à élaborer des activités communes en famille et un partage d’affects entre tous les partenaires.

L’évaluation de cette deuxième famille est la suivante :

D’abord, pour les postures et regards les parents montrent des signes d’indisponibilité à interagir en regardant dans le vide, ailleurs, en ayant le regard figé.

Ensuite, l’implication de chacun dans son rôle montre que dans un premier temps la mère exclut le père en jouant exclusivement avec l’enfant, puis le père réintègre de lui-même l’interaction. Cela se réitère à plusieurs reprises et de plus, on remarque des longs moments de latence où chacun des membres s’exclu à son tour.

Ensuite, l’implication de chacun dans son rôle montre que les parents n’ont quasiment aucun échange entre eux, ni échange de regards, ni de paroles.

Pour le respect de la structure de la tâche et du temps on remarque que la famille ne respecte pas les consignes et la structure de la tâche. Les parents s’évitent et ne créent pas une activité partagée à trois comme le demande la consigne. En effet, des dyades se succèdent. De plus, la durée de la partie 3 du LTP est inappropriée car elle est trop longue.

La dimension de la co-construction indique que le partage à trois est très difficile. On note très peu de moment où tous les trois sont réellement ensemble. On a l’impression de voir deux dyades interagir l’une après l’autre.

Ensuite, pour l’encadrement la stimulation des parents est inadaptée à l’état de l’enfant. En effet, la sous-stimulation caractérise les échanges entre les partenaires.

La dimension de la chaleur affective montre que le climat est peu chaleureux. On peut sentir qu’un conflit est présent. Chacun des parents cherche à son tour à attirer l’attention de l’enfant en l’appelant.

Pour la validation du vécu émotionnel de l’enfant, les deux parents ne répondent pas aux signaux émotionnels de l’enfant.

Puis, l’authenticité des affects exprimés on ressent un sentiment d’incohérence des affects qui semblent peu authentiques.

En ce qui concerne les erreurs de communication dans les activités partagées, on n’observe des interruptions majeures dans les séquences interactives.

Enfin, les erreurs de communication dans les changements de contextes indiquent que le père interrompt brusquement le seul moment d’échange à trois. Il se met en retrait et demande si c’est le moment de passer à la dernière partie, ce qui coupe l’interaction en cours.

En conclusion, les résultats descriptifs de ces deux familles mettent en évidence la variation importante observée entre les familles. De plus, ces résultats vont dans le même sens de notre hypothèse de recherche. En effet, les parents de la première famille ont obtenu des scores de FR inter-parentale élevés, respectivement 5 et 4, et ont également obtenu un score d’alliance familiale élevé de 18. Par contre, les parents de la deuxième famille ont obtenu des scores de RF inter-parentale basses et ont obtenu un score d’alliance familiale bas de 13.

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