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D. A NALYSE ET RESULTATS

1. Vision des professionnels

1.4 Résultats inattendus

A la suite des données que nous avons recueillies, nous allons nous pencher sur les éléments les plus marquants des discours tenus par les professionnels et interpréter les résultats de manière plus transversale.

Question de genre

Nous pouvons constater à travers les différents entretiens menés que la majorité des intervenants sociaux se préoccupent plus de la question des femmes seules ou avec des enfants en bas âge qui demandent l’asile en Suisse. Les travailleurs sociaux interrogés savent de par leur expérience professionnelle que les femmes seules ou avec enfants sont plus vulnérables que les hommes dans un milieu considéré comme hostile. A titre d’exemple, une interlocutrice issue d’une association soulève ceci :

« Mais pour être plus franc, je dirai que je me fais moins de souci par rapport à une personne homme, jeune, en bonne santé, qu’une personne malade, femme, enfants, etc. Donc les moyens qu’on… qu’on… que je vais déployer, je parle à titre personnel, varie d’une situation par rapport, c’est pas de… que je crois… que je crois pas à l’histoire de la personne qui a une bonne santé, qui est jeune, et qu’il s’agit d’un homme ! Simplement, j’ai espoir que cette personne, physiquement aille plus loin qu’une femme avec un nourrisson, d’un bébé âgé de 4 ans. Elle est beaucoup plus visible si elle essaie de traverser d’autres frontières européennes, voilà ».

À travers ces paroles, nous comprenons que les femmes qui demandent une protection à la Suisse sont plus vulnérables que les hommes car elles ont moins de ressources à disposition ou bien elles sont confrontées à plus de difficultés dans leur parcours quotidien (subvenir aux besoins des enfants, risque de viol, agressions, etc.). Lorsque nous avons interrogé les professionnels, certains d’entre eux ont développé des situations qu’ils ont rencontrées dans leur pratique et ces dernières étaient plus axées sur les conditions de vie des femmes.

« Il y a des situations euh… de… de requérants, surtout des femmes où je suis absolument pas d’accord avec ce qu’il se passe ! Ça ne correspond pas à mon éthique… Arff… à ce que je défends ! »

« … mais c’est vrai que la plupart du temps moi ça me fait de la peine, surtout quand je vois des femmes seules avec enfants qui doivent repartir par exemple en Espagne ou bien ailleurs ! »

Nous remarquons ainsi que les intervenants sociaux mettent en place des moyens plus importants dans l’accompagnement d’une femme seule ou avec enfants qui doit quitter la Suisse que pour un homme seul et en bonne santé. Une attention particulière est donc accordée aux femmes dans ces cas-là. Nous dirions donc que les travailleurs sociaux tiennent compte de la situation individuelle de chacun pour adapter leur prise en charge sociale selon les besoins de chaque personne. De plus, de par leur expérience professionnelle, les intervenants sociaux savent que les risques encourus par les femmes seules qui vivent dans la rue sont plus importants que ceux encourus par les hommes.

Conditions d’accueil en Suisse et dans les pays tiers

Dans plusieurs entretiens, nous avons remarqué que les professionnels ont parlé à maintes reprises des conditions d’accueil offertes par la Suisse et celles des pays tiers.

Nous voyons que, pour les interlocuteurs qui se sont exprimés sur ce sujet, chaque personne a une vision subjective des conditions de vie des requérants d’asile en Suisse ou à l’étranger. Pour la plupart d’entre eux, les requérants d’asile se rendent en Suisse car les pays adhérents au Règlement Dublin tels que l’Italie, le Portugal ou encore la Grèce ne sont pas en mesure d’apporter une prise en charge appropriée à ces personnes. Les intervenants sociaux sont informés des conditions d’accueil dans les pays tiers par des personnes requérantes d’asile ou par des rapports qui sont publiés par des organisations telles que l’OSAR par exemple. La plupart des professionnels sous-entendent que la Suisse offre un meilleur soutien que les pays tiers.

En comparant avec les pays avoisinants, certains professionnels estiment que les conditions d’accueil proposées par la Suisse sont amplement suffisantes alors que pour d’autres, elles seraient indignes. Ainsi, chaque personne porte un regard sur ce qu’elle juge correct ou non sur la qualité de la prise en charge des personnes NEM.

Approche humaniste

Lors d’un entretien, une professionnelle issue du milieu associatif s’est exprimée en disant que les autorités tentaient à travers la procédure d’asile de « déshumaniser » les personnes. Cette tentative passe également par la diminution des droits des personnes NEM lors des incessantes révisions de la loi sur l’Asile.

« On (les autorités) essaie de faire tout ce qui est possible de… d’essayer de déshumaniser ces personnes, c’est ce qui peut-être un jour va arriver. Mais en attendant, c’est des personnes qui sont encore debout. Debout combien de temps ? Je sais pas mais pour l’instant, ils sont encore là ».

Cette travailleuse sociale pense que les lois destinées aux personnes requérantes d’asile et la pratique utilisée par les autorités sont inhumaines car leurs droits fondamentaux ne sont plus respectés. Elle mentionne également que cette catégorie de personnes semble pour le moment supporter les diverses pressions mises en place par ces dernières mais se demande jusqu’à quel moment ces personnes vont tenir le choc.

Cette même personne a aussi relevé dans son entretien que dans certains cas, elle préfère écrire le recours afin que la personne se sente entendue, même si elle sait, de par son expérience professionnelle, que cela est perdu d’avance.

Tout au long des entretiens menés avec les professionnelles du domaine associatif, nous remarquons que ces dernières tentent de redonner de l’humanité aux personnes requérantes d’asile qui subissent, depuis leur arrivée en Suisse, les conséquences de la politique d’asile. Pour ce faire, elles offrent un espace de dialogue afin que les usagers puissent s’exprimer et se sentir entendus. Elles s’engagent aussi à défendre leurs droits.

De plus, une professionnelle issue du milieu institutionnel a relevé dépasser son mandat d’encadrement en allant visiter des requérantes d’asile en prison. Pour elle, ce soutien semblait important dans le suivi social des bénéficiaires à sa charge.

Nous déduisons ainsi que l’aspect administratif est moins important pour ces intervenantes sociales qui axent plutôt leur travail sur l’aspect relationnel. Nous imaginons aussi que les assistantes sociales « réhumanisent » cette population par ce biais-là, ce qui peut leur permettre de gérer des conflits éthiques.