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Résultats d’existence

2.2 Résolution de singularités et métriques ALE

2.2.2 Résultats d’existence

Les méthodes de recollement d’Arezzo et Pacard ([6, 7]) qui sont l’objet de ce chapitre reposent sur l’existence de métriques ALE à courbure scalaire nulle sur des résolutions de singularités Cm/Γ,

où Γ est un sous-groupe fini de U (m). Cependant, l’existence de telles métriques pour un sous-groupe Γ quelconque n’est pas connue à l’heure actuelle. Dans cette section, on passera donc en revue certains cas dans lesquels on dispose de telles métriques.

Un premier résultat est la résolution par Joyce [67] de la conjecture de Calabi dans le cas ALE (voir aussi les travaux précurseurs de Tian-Yau [117] et Bando-Kobayashi [13]). Ce résultat porte sur

les singularités Cm/Γ admettant une résolution crépante. Une résolution ˜

X de Cm/Γ est dite crépante

si son fibré canonique KX˜ est le tiré en arrière de celui de la singularité quotient.

Faire sens de cette définition requiert de préciser la définition du fibré canonique KCm de la

singularité, ainsi que de son tiré en arrière ; à ce sujet, on pourra consulter avec profit la section 6.3 du livre de Joyce [67]. Nous nous contenterons d’interpréter ces résolutions comme celles dont la première classe de Chern est nulle. On a alors le théorème suivant :

Théorème 2.2.1 (Joyce [67], Théorème 8.2.3). Soit Γ un sous groupe fini de SU (m), agissant librement sur Cm\ {0}, et X → Cπ m/Γ une résolution crépante. Alors chaque classe de Kähler de

métriques ALE sur X admet un unique représentant à courbure de Ricci nulle. En dehors d’une région bornée {ρ ≤ R}, la forme de Kähler correspondante vérifie

π∗ω = ω0+ Ai∂ ¯∂(r2−2m) + 2i∂ ¯∂χ,

où ω0 est la forme de Kähler de la métrique euclidienne sur Cm/Γ, et les dérivées d’ordre k de χ

vérifient

∂kχ = O(rγ−k) pour γ ∈]1 − 2m, 2 − 2m[.

Ce résultat s’applique en particulier si Γ est un sous groupe fini de SU (2), SU (3), ou si Γ est Zm

agissant diagonalement sur Cm.

Une autre construction récente est celle d’Apostolov et Rollin [4], qui construisent des métriques ALE à courbure scalaire nulle sur des espaces projectifs à poids CP−a0,a1...,am. La définition de ces

espaces est la même qu’à l’exemple 2.1.2, sauf que le premier poids est négatif, d’où la non-compacité de l’espace obtenu. Les fibrés O(−r) → CPm−1, qui avaient été munis de telles métriques ALE par Simanca [103], entre autres (voir ci-dessous), sont inclus dans cet construction, en observant que O(−r) ' CP−r,1...,1.

De manière générale, en dimension complexe 2, la situation est bien comprise. On dispose des constructions suivantes :

— Métriques de LeBrun sur O(−n). LeBrun a obtenu dans [74] des métriques à courbure scalaire nulle sur l’espace total du fibré en droite O(−n) → CP1, qui correspond à la résolution minimale

de Cm/Zn, où Zn agit par multiplication par e 2iπ

n. On cherche des métriques sur C2\ {0}

sous la forme ω = ddcϕ où ϕ = f (|z|2). L’équation ρ ∧ ω = 0 (qui, d’après (1.3.9) caractérise

les métriques à courbure scalaire nulle) se ramène alors à une équation différentielle ordinaire sur la fonction réelle f . En la résolvant, on trouve une famille de potentiels U (2)-invariants ϕn

correspondant à des métriques de la forme

gLB = 1 1 + n−2r2 + 1−n r4 dr2+ r2  σ12+ σ22+  1 +n − 2 r2 + 1 − n r4  σ23  .

Ici, r est la distance à l’origine dans C2 et les σi sont les duaux d’une base invariante de S3.

LeBrun montre alors qu’en attachant une copie de CP1

peut se débarrasser de la singularité apparente de la métrique en r = 1, et on définit ainsi une métrique ALE, de courbure scalaire nulle, sur l’espace total de O(−n). Pour n = 1, il s’agit de la métrique de Burns-Simanca sur l’éclatement de C2 en l’origine. Pour n = 2, c’est une métrique

sur la résolution minimale (i.e. l’éclatement en 0) de la singularité quotient C2

/Z2 qui avait été

obtenue par Eguchi et Hanson.

— Quotients hyperKähler de Kronheimer. Pour tout sous-groupe fini Γ de SU (2), Kronheimer a obtenu dans [73] une structure hyperKähler ALE sur la résolution minimale de la singularité quotient C2/Γ. Une structure hyperKähler sur une variété riemannienne (M, g) est la donnée de

trois structures complexes J1, J2et J3, parallèles pour la connexion de Levi-Civita, et vérifiant

J1J2= −J2J1= J3.

On peut ainsi comprendre les variétés hyperKähler comme étant localement modelées sur les quaternions. La métrique g est alors compatible avec une sphère de structures complexes de la forme a1J1+ a2J2+ a3J3 pour a21+ a

2 2+ a

2

3 = 1. On pourra consulter le chapitre 7 du livre de

Joyce pour plus d’information sur ces variétés et leur géométrie. Ici, nous nous contentons de rappeler que toutes les métriques hyperKähler sont Ricci-plates.

La méthode des quotients hyperKähler utilisée par Kronheimer est dûe à Hitchin [59] et lui permet de complètement classifier les espaces hyperKähler ALE. Il généralise ainsi les résultats de Gibbons et Hawking [50], qui avaient obtenu des métriques hyperKähler ALE asymptotes à des quotients de H/Zk; ces résultats avaient également été obtenus par Hitchin [58] par des

méthodes de twisteurs.

En deux mots, à Γ ⊂ SU (2), on associe un diagramme de Dynkin (c’est la correspondance de McKay - voir à ce sujet le paragraphe 6.4.1 du livre de Joyce [67], ou l’article de Slodowy [104]). Cela permet d’écrire un quotient hyperKähler explicite de Hnpar un produit de groupes unitaires

U (l), dont Kronheimer montre que, pour un choix adéquat de ligne de niveau de l’application moment associée, c’est une variété hyperKähler ALE asymptote à H/Γ.

— Métriques multi-Eguchi-Hanson de Gibbons et Hawking. Soit n ∈ N∗, on choisit n points p1, . . . , pn dans l’espace euclidien R3 (les monopoles). Pour chacun, on considère la fonction de

Greene associée

Gpi(x) =

c |x − pi|

,

où la normalisation c est choisie en sorte que ∆Gpi= 2πδpi. La fonction V :=

1 2

P

iGpi est alors

harmonique sur R3\ {p1, . . . , pn}. La 1-forme ?dV est donc fermée, et la classe correspondante 1

2π[?dV ] est un élément de H 2

(R3\{p

1, . . . , pn}, Z). Par la théorie de Chern-Weil, il existe alors un

U (1)-fibré principal au dessus de R3\ {p

1, . . . , pn} correspondant à cette classe, et une connexion

ϑ sur ce fibré dont la courbure est dϑ = ?dV . Pour plus d’information sur les fibrés principaux et leurs connexions, on pourra consulter le chapitre 2 du premier tome de Kobayashi et Nomizu [71]. On peut étendre l’espace total X0de ce fibré par des points au-dessus de chaque pi, et munir

la variété obtenue de la métrique riemannienne

où g0relève la métrique euclidienne sur R3. Cette métrique est hyperKähler, associée aux formes

symplectiques

ωi= dxi∧ ϑ + V dxj∧ dxk,

pour toute permutation circulaire (i, j, k) de (1, 2, 3). Cette métrique est ALE, de groupe à l’infini engendré par

e2iπp 0

0 e−2iπp

! .

— Métriques de Calderbank et Singer sur les résolutions de singularités cycliques. Dans [25], Calderbank et Singer construisent des métriques à courbure scalaire constante sur la résolution minimale de singularités de la forme C2/Γ, où Γ ⊂ U (2) est généré par

e2iπp 0

0 e2iqπp

!

où 0 < q < p sont deux entiers premiers entre eux. On construit alors une métrique ALE sur la résolution minimale par l’ansatz de Joyce, introduit dans [64].

Cet ansatz porte sur des variétés M obtenues comme espace total d’un fibré trivial de rang 2 sur une surface riemannienne spin, c’est-à-dire munie d’un fibré principal W de fibre Spin(2) qui se projette sur le SO(2)-fibré principal correspondant aux bases orthonormées directes. Pour plus d’information sur les variétés spinorielles, on pourra consulter la section 3.6 du livre de Joyce [67].

Sur une variété M de cette forme, on construit une famille de métriques gΦparamétrées par les

isomorphismes de fibré vectoriel Φ : W → M . Joyce a montré dans [64] que ces métriques sont anti-auto-duales (ce qui, sur une surface kählérienne, équivaut à avoir courbure scalaire nulle) sous condition d’une certaine équation différentielle sur Φ (correspondant en gros au problème des valeurs propres pour l’opérateur de Dirac de la variété spin). C’est en étudiant cette équation sur une certaine classe de variétés toriques que Calderbank et Singer obtiennent les métriques annoncées.

Cette liste, non exhaustive, témoigne de la diversité des techniques mises en jeu pour construire des métriques asymptotiquement localement euclidiennes.

Plus généralement, toujours dans le cas des surfaces, Lock et Viaclovsky [81] ont obtenu récemment le résultat suivant :

Théorème 2.2.2. Soit Γ ⊂ U (2) un sous-groupe fini, agissant librement sur C2\ {0}. Alors la réso-

lution minimale de la singularité quotient C2/Γ admet des métriques ALE à courbure scalaire nulle. Les étapes de la preuve sont les suivantes :

1. Pour Γ ⊂ U (2) vérifiant les hypothèses du théorème, on construit un orbifold ALE, à courbure scalaire nulle, asymptote à C2/Γ et ayant uniquement des singularités cycliques isolées. Pour

ce faire, on prend le quotient de l’espace total d’un fibré O(`), muni de la métrique à courbure scalaire nulle construite par LeBrun, par un groupe Γ0obtenu comme quotient de Γ par un groupe cyclique. L’entier ` et le groupe cyclique sont déterminés par Γ.

2. La seconde étape consiste à adapter au cas non-compact un théorème de recollement obtenu par Rollin et Singer [97] dans le cas compact :

Théorème 2.2.3 (Rollin-Singer (cas compact), Lock-Viaclovsky). Soit (M, ω) une sur- face orbifold, munie d’une métrique kählérienne à courbure scalaire nulle. On suppose que les singularités de M sont cycliques, isolées, et que H1(M, R) = 0. Alors la résolution minimale ˆM des singularités de M admet une métrique kählérienne à courbure scalaire nulle.

La preuve dans le cas général est essentiellement celle de [97], avec l’ajout aux espaces fonctionnels d’un paramètre de poids pour mesurer le comportement à l’infini dans le cas non compact, à la manière des espaces que l’on introduira à la section 2.5. On prouve le théorème en recollant l’orbifold avec la résolution minimale munie de la métrique de Calderbank-Singer. Ceci donne sur la résolution une métrique anti-auto-duale (au sujet de ces métriques, et de la décomposition des tenseurs de courbure, on pourra consulter les sections 1.G et 1.H du livre de Besse [16]). Un résultat de Boyer [19] permet de conclure que les métriques obtenues sont bien à courbure scalaire nulle.

3. On applique alors ce recollement à chaque singularité de l’orbifold obtenu à l’étape 1. On peut alors vérifier que la variété obtenue est bien la résolution minimale de la singularité d’origine C2/Γ.