2.6 Généralisations de la construction de recollement
2.6.1 Existence de champs de vecteurs holomorphes
Naturellement, on peut se demander si de telles constructions sont envisageables lorsque l’orbifold M admet des champs de vecteurs holomorphes non nuls. Dans le cas où M est une variété lisse, sans point orbifold, et l’on considère l’éclatement en un nombre fini de points lisses, c’est l’objet du second article d’Arezzo et Pacard [7].
Il se trouve qu’alors, l’existence de métriques à courbure scalaire constante dépend du nombre et de la position des points où sont réalisés les éclatements.
Plus précisément, notons X1, . . . , Xddes champs de vecteurs holomorphes non triviaux, correspon-
dant à des éléments ξ1, . . . , ξd du noyau de LM, que l’on choisit tels que
Z
M
ξivolgM = 0.
COmpte tenu des fonctions constantes qui font toujours partie du noyau de LM, on a alors dim Ker
LM = d + 1.
On a le résultat suivant :
Théorème 2.6.1. Supposons que (M, ωM) soit une variété kählérienne à courbure scalaire constante.
Alors il existe k0≥ d + 1 tel que pour tout k ≥ k0, il existe un ouvert non vide U ⊂ Mk tel que, pour
tous (p1, . . . , pk) ∈ U , la variété Blp1...,pkM obtenue en éclatant M aux points piadmette une métrique
kählérienne à courbure scalaire constante.
L’ouvert U est décrit par les contraintes suivantes. On considère la matrice
M(p1, . . . , pm) = ξ1(p1) . . . ξ1(pk) .. . ... ξd(p1) . . . ξd(pk). Alors on a U :=(p1, . . . , pk) ∈ Mk, rg M(p1, . . . , pm) = d, ∃v = (v1, . . . , vk) ∈ Rk, vi > 0, M(p1, . . . , pm)v = 0 .
Remarque 2.6.1. 1. La première condition, portant sur le rang de M(p1, . . . , pm), est en fait générique :
elle est vérifiée sur un ouvert dense de Mk. Elle provient du fait qu’un champ de vecteur holomorphes X défini sur M se relève en un champ de vecteur sur l’éclatement BlpM si, et seulement si, X(p) = 0.
(On trouvera une preuve de cette affirmation à la proposition 7.1 de l’article d’Arezzo et Pacard [7]). La seconde condition apparaît lors de l’analyse des opérateurs, mais encode certainement un phénomène plus subtil de stabilité de la variété obtenue.
2. Le cas plus général où M est un orbifold admettant des champs de vecteurs holomorphes, et les points pi sont donc éventuellement singuliers, est l’objet des travaux d’Arezzo, Lena et Mazzieri
[5]. On y retrouve des conditions similaires, dépendant du fait que les modèles ALE employés pour résoudre les singularités soient Ricci-plats ou seulement à courbure scalaire constante.
Les outils mis en œuvre pour traiter ce cas sont très similaires à ceux décrits plus haut ; cependant, il faut traiter avec plus d’attention les opérateurs linéarisés dont le noyau est maintenant non-trivial.
2.6.2
Métriques extrémales.
Les méthodes de recollement s’appliquent également à l’obtention de métriques extrémales ; dans le cas des éclatements de points lisses, c’est l’objet des articles d’Arezzo, Pacard et Singer [8] et de Szekelyhidi [110, 111]. La généralisation aux orbifolds et à leurs résolutions ALE est l’objet d’un article d’Arezzo, Lena et Mazzieri [5].
Considérons donc une variété kählérienne (M, ω) extrémale ; comme on l’a vu au chapitre 1, pro- position 1.3.1, cela revient à dire que le champ de vecteur hamiltonien Xs(ω) associé à la courbure
scalaire de ω est réel-holomorphe.
Considérons le groupe G des automorphismes hamiltoniens de (M, ω). Il agit sur M de façon hamiltonienne, et on peut choisir une application moment
µ : M → g∗,
normalisée de sorte que, pour tout champ de vecteur holomorphe hamiltonien X ∈ g, on ait Z
M
hµ, Xivolg = 0.
On utilise le produit scalaire L2 pour identifier g∗à g. On a alors
Théorème 2.6.2 ([110]). Soient p1, . . . , pkdes points de M et a1, . . . , akdes réels, tels que les champs
de vecteurs Xs(ω) etPiaiµ(pi) s’annulent en les pi. Alors, il existe ε0> 0 tel que pour tout ε ∈]0, ε0[,
il existe une métrique extrémale sur l’éclatement Blp1,...,pnM dans la classe de Kähler
π∗[ω] − ε2X
i
ai[Ei],
où [Ei] est le dual de Poincaré du diviseur exceptionnel de l’éclatement, et π : Blp1,...,pnM → M est la
Remarque 2.6.2. La première condition signifie que l’on peut relever le champ de vecteur Xs(ω) à
l’éclatement. Comme on souhaite obtenir, par une méthode perturbative, une métrique extrémale ωε
qui tend vers ω loin des diviseurs exceptionnels, c’est une condition naturelle. La seconde condition peut s’interpréter comme provenant d’un choix de groupe d’isométrie hamiltoniennes K telle que la métrique obtenue soit K-invariante. Les travaux de LeBrun et Simanca [75] montrent que cette perspective est, également, naturelle.
Pour prouver ce résultat, on utilise le même type de méthodes. Soit donc ω une métrique extrémale sur M , de sorte que Xs(ω)est un champ de vecteurs holomorphe sur M . On considère G le groupe des
isométries hamiltoniennes sur M ; son algèbre de Lie g correspond aux champs de Killing holomorphes admettant des zéros sur M . Ainsi qu’on la vu au chapitre 1, section 1.3.5, cet espace s’identifie au noyau de l’opérateur de Lichnerowicz LM.
Considérons un point p de M tel que Xs(ω)(p) = 0. On considère un tore maximal T parmi les
éléments de G qui fixent p, et H le sous groupe des éléments de G qui commutent à T . Alors, les éléments de T se relèvent en des automorphismes de l’éclatement BlpM , et on peut construire la
solution approchée ωε de façon T -invariante, en choisissant une carte où T agit par transformations
unitaires.
Soit alors ϕ une fonction lisse T -invariante sur BlpM . Il reste à trouver quelle équation encode le
fait que la perturbation ωε+ i∂ ¯∂ϕ soit extrémale sur BlpM . On note t l’algèbre de Lie de T , et ¯t les
fonctions hamiltoniennes correspondantes.
Remarque 2.6.3. Les constantes sont incluses dans ¯t, de sorte que dim ¯t = dim t+1. De plus, ¯t s’identifie aux éléments T -invariants de Ker LM.
On a le lemme suivant, qui donne l’équation à résoudre.
Lemme 2.6.1 ([110], Lemme 12). Soit ϕ une fonction lisse T -invariante sur BlpM , et f ∈ ¯t véri-
fiant
s(ωε+ i∂ ¯∂ϕ) −
1
2h∇f, ∇ϕigε = f. (2.6.1)
Alors ωε+ i∂ ¯∂ϕ est extrémale sur BlpM .
Preuve. Soient ϕ et f comme dans l’énoncé. On appelle X le champ de vecteurs holomorphe hamilto- nien associé à f : ιXωε= df. D’autre part, on a ιX(i∂ ¯∂ϕ) = 1 2d((J X) · ϕ) = 1 2d(∇f · ϕ), d’où ιX(ωε+ i∂ ¯∂ϕ) = d f +1 2h∇f, ∇ϕigε = ds(ωε+ i∂ ¯∂ϕ).
Le champ de vecteurs hamiltonien associé à s(ωε+ i∂ ¯∂ϕ) est donc le champ de vecteurs holomorphe
Pour obtenir une approche perturbative, on va résoudre cette équation en décomposant f = f0+ ¯s, où ¯s est telle que ∇¯s relève le champ de vecteur extrémal ∇s(ω) de M . Le principal résultat technique est alors
Proposition 2.6.1 ([110], Proposition 14). Il existe ε0> 0, c > 0 telles que pour tout 0 < ε < ε0,
il existe une fonction ϕ lisse et T -invariante sur BlpM et f ∈ ¯h, l’ensemble des fonctions hamilto-
niennes associées aux éléments de l’algèbre de Lie de H, telles que
s(ωε+ i∂ ¯∂ϕ) −
1
2h∇`(f ), ∇ϕigε = `(f ),
où ` désigne un relevé bien choisi des éléments de ¯h à BlpM .
Remarquons que la linéarisation de cette équation est donnée par
L : (Cδ4,α(BlpM ))T× ¯h→ (C 0,α δ−4(BlpM ))T (ϕ, f ) 7→ LBlpMϕ − 1 2∇¯s · ϕ − `(f ). On l’étudie en mettant en oeuvre l’une des stratégies évoquées plus haut.