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Champs de vecteurs holomorphes sur une variété kählérienne

1.3 Métriques canoniques et courbure

1.3.6 Champs de vecteurs holomorphes sur une variété kählérienne

Les champs de vecteurs holomorphes d’une variété kählérienne sont étudiés en détail dans le livre de Gauduchon [49], chapitre 2 ; on pourra aussi consulter le livre de Kobayashi [70], chapitre 3. L’invariant de Futaki est abordé dans le livre de Szekelyhidi [112] ainsi que dans l’article de LeBrun et Simanca [75]. On se contentera donc ici d’évoquer les résultats principaux.

Soit (M, J, ω) une variété kählérienne compacte. On note h(M, J ) (ou h(M ) si la strucutre com- plexe est entendue) l’algèbre de Lie des champs de vecteurs holomorphes ; i.e. l’ensemble des sections holomorphes du fibré complexe T1,0M . Ainsi, une section Z de T1,0M est dans h(M ) si ¯∂Z = 0, où ¯∂ a été défini en (1.1.10).

De plus, h(M ) l’algèbre de Lie du groupe des automorphismes Aut(M, J ) de la variété complexe sous-jacente (M, J ).

Dans l’optique de décrire les notions liées à la géométrie complexe d’un point de vue différentiable, on utilise l’identification (1.1.9) entre T1,0M et (T M, J ) pour se ramener à des champs de vecteurs

réels. On réécrit alors la condition d’holomorphie sous la forme suivante :

h(M, J ) = {X ∈ C∞(T M ), LXJ = 0}, (1.3.15)

identifiant ainsi h(M, J ) à l’espace des champs de vecteurs réels holomorphes.

Au vu du calcul de variation (1.3.11), un sous-ensemble d’intérêt particulier est l’ensemble des champs de vecteurs holomorphes apparaissant comme gradient d’une fonction (qui doit alors, comme on le verra, vérifier une certaine équation). On le note h0(M ) :

h0(M ) : = {X ∈ h(M ), ∃F ∈ C∞(M, C) s.t. X = grad1,0g F = ( ¯∂F ) ]}

= {X ∈ h(M ), ∃f, g ∈ C∞(M, R) t.q. X = gradgf + J gradgh}. Les champs de vecteurs de h0 admettent la caractérisation suivante

Proposition 1.3.2 (LeBrun, Simanca [75]). Soit X ∈ h(M ). Les assertions suivantes sont équi- valentes :

1. X ∈ h0(M ).

2. X s’annule quelque part sur M .

3. Pour toute 1-forme harmonique α sur M , α(X) = 0.

1. ⇒ 2. Soit X = gradgf + J gradgh ∈ h0(M ). On pose

c = min

M |X| 2.

Ce minimum est bien défini puisque M est compacte, et il s’agit alors de montrer que c = 0. Puisque X est réel holomorphe, LXJ = 0. Or pour tout champ de vecteurs Y

(LXJ )(Y ) = LX(J Y ) − J LXY

= [X, J Y ] − J [X, Y ]

En particulier, [X, J X] = J [X, X] = 0 ; les flots (φX

s) et (φJ Xt ), respectivement associés à X et J X,

commutent donc. Ils définissent donc une action de C sur M via

C × M → M

(z = s + it, x) 7→ (φXs ◦ φJ X t )(x).

Soit alors x0un point de M , F = f + ih le potentiel complexe de X. On définit

H : C → C z 7→ F (z · x0). On calcule alors ∂H ∂s(z) = |df | 2 + hdf, dchi + ihdh, df i ∂H ∂t (z) = −hdh, df i + ihd cf, dhi − i|dh|2.

Notons Dr le disque de rayon r dans C. Alors, si C := maxM|F |, on voit que

Z ∂Dr H(z)dz ≤ 2πrC. (1.3.16)

D’un autre côté, par le théorème de Stokes, Z ∂Dr H(z)dz = Z Dr dH ∧ dz = Z Dr  i∂H ∂s(z) − ∂H ∂t (z)  ds ∧ dt = i Z Dr |X(z · x0)|2ds ∧ dt d’où Z ∂Dr H(z)dz = Z Dr |X(z · x0)|2ds ∧ dt ≥ πr2c. (1.3.17)

2. ⇒ 3. On observe que pour X réel holomorphe et α harmonique, on a

α(X) = <(α1,0(X1,0))

et que la fonction α1,0(X1,0) est holomorphe. Puisque M est compacte, c’est donc une fonction

constante. Si X s’annule en un point de M , la fonction α1,0(X1,0) s’y annule également, et doit donc être identiquement nulle.

3. ⇒ 1. On peut montrer que, pour tout X ∈ h il existe un champ de vecteur Xh dual d’une

1-forme harmonique ξh, ainsi que deux fonctions f, h ∈ C∞(M )

X = Xh+ gradgf + J gradgh;

c’est une conséquence de la décomposition de Hodge (voir théorème 1.2.3) conjointement avec le fait que, sur une variété kählérienne, ∆d = ∆dc (voir proposition 1.2.1). On a donc, pour toute forme

harmonique α,

0 = α(X) = hα, ξhi + hα, df i + hα, dchi = hα, ξhi

par orthogonalité dans la décomposition de Hodge (et toujours en utilisant ∆d = ∆dc). On en déduit

que ξh= 0, donc X ∈ h0(M ).

Remarque 1.3.6. De ce dernier point, il découle que l’ensemble des champs de vecteurs holomorphes admettant un potentiel est un espace vectoriel qui ne dépend pas de la métrique kählérienne sur M , ni même de la classe de Kähler. En revanche, la fonction potentiel elle-même dépend bien sûr de la métrique considérée.

Une question naturelle est alors : quelles sont les fonctions sur M dont les gradients sont des champs de vecteurs holomorphes ?

Dans le calcul de la première variation de la fonctionnelle de Calabi (1.3.11), on voit apparaître l’opérateur L = D∗D. Pour une fonction à valeurs réelles f ∈ C∞

(M, R), on a ∇1,0f ∈ h

0(M ) si, et

seulement si Lf = 0.

Le noyau de l’opérateur de Lichnerowicz donne donc les potentiels de champs de vecteurs holo- morphes à valeurs réelles. Plus généralement, une discussion similaire montre qu’une fonction à valeurs complexes F = f + ih ∈ C∞(M, C) est potentiel d’un champ de vecteurs holomorphe si, et seulement

si δδD−(df + dch) = 0, c’est-à-dire      Lf − 1 2Lgradgs(ω)h = 0 Lh + 1 2Lgradgs(ω)g = 0.

Par ailleurs, puisque structures complexe et riemannienne interagissent sur une variété kählérienne, on s’attend à retrouver cette interaction en termes de champs de vecteurs. En effet, notons k(M, g) =

{X ∈ C∞(M, T M ), L

Xg = 0} l’ensemble des champs de Killing sur M . C’est à dire l’algèbre de Lie du

groupe d’isométries de la variété riemannienne (M, g). Alors on a (voir [49], Proposition 2.2.1) Proposition 1.3.3. k(M ) ⊆ h(M ). Plus précisément, k(M ) = {X ∈ h(M ), div(X) = 0}.

On peut alors décrire l’ensemble des champs de Killing Hamiltoniens kham(M ) = h0(M ) ∩ k(M ).

Proposition 1.3.4. Un champ de vecteur X ∈ h(M ) est Killing hamiltonien si, et seulement si, il existe h ∈ C∞(M, R) telle que Lh = 0 et X = Jgradgh.

À nouveau, on pourra consulter [49], prop 2.6.1 ou [75], prop. 1, pour une preuve de cette affirmation. On a alors le théorème de structure suivant, dû à Calabi [24] et généralisant des résultats antérieurs de Matsushima [82] (dans le cas Kähler-Einstein) et Lichnerowicz [80] (dans le cas cscK).

Théorème 1.3.3. Soit (M, J ) une variété complexe compacte admettant des métriques kählériennes extrémales. Alors

h(M ) = a(M ) ⊕ h0(M ),

où a(M ) est l’algèbre de Lie abélienne des champs de vecteurs parallèles. De plus, pour une métrique extrémale ω donnée, h0(M ) = kham(M ) ⊕ J kham(M ) ⊕ M λ>0 {X ∈ h(M ), Lgradgs(ω)X = λJ X} !

Cette décomposition des algèbres de Lie permet de démontrer :

Théorème 1.3.4 (Calabi [24]). Soit (M, J, g) une variété kählérienne munie d’une métrique extré- male g. Alors Isom0(M, g) est maximal parmi les sous groupes compacts connexes de Aut0(M, J ).

C’est ce que l’on entend par l’affirmation qu’une métrique extrémale réalise la symétrie maximale autorisée par la structure complexe.

Ce théorème permet d’exhiber des exemples de variétés complexes compactes n’admettant pas de métriques extrémales. En effet, considérons une variété complexe compacte (M, J ) telle que la composante de l’identité Aut0(M, J ) dans le groupe Aut(M, J ) des automorphismes n’est pas réduite

à l’identité, mais n’admet aucun sous-groupe compact non trivial. Alors la composante de l’identité des isométries Isom0(M, g) est nécessairement triviale pour toute métrique g telle que (M, J, g) est

kählérienne. Mais alors, toute métrique extrémale est à courbure scalaire constante, et dans ce cas, le théorème 1.3.3 entraîne que Isom0(M, g) = {1} implique que Aut0(M, J ) = {1}, une contradiction.

C’est le critère employé par Levine dans [79] pour obtenir de tels contre-exemples.

Penchons-nous maintenant sur les obstructions à l’existence de métriques à courbure scalaire constante. Le résultat suivant a été démontré par Futaki [47] :

Théorème 1.3.5. Soit (M, J, g) une variété kählérienne, et soit X ∈ h0(M ) un champ de vecteur

holomorphe sur M admettant un potentiel F = f + ih, normalisé pour que R

MF ω m = 0. Alors la quantité Z M f s(ω) ωm

ne dépend pas du choix du représentant ω de la classe de Kähler. On note donc l’ invariant de Futaki

F ([ω], X) = Z

M

f s(ω) ωm. Corollaire 1.3.1 (Futaki, Calabi).

1. Si [ω] admet un représentant à courbure scalaire constante, alors pour tout X ∈ h0(M ), F ([ω], X) =

0.

2. Si F ([ω], ·) = 0, alors toute métrique extrémale dans la classe [ω] est à courbure scalaire constante. 3. Si F ([ω], ·) = 0 et, de plus, [ω] = λc1(M ), alors toute métrique extrémale dans [ω] est Kähler-

Einstein.

La mise en oeuvre de ce critère d’obstruction est cependant délicate, car le calcul de l’invariant de Futaki à partir de cette définition est extrêmement difficile dans la plupart des cas. On trouvera cependant dans l’article de LeBrun et Simanca [75] un calcul détaillé et explicite de quelques exemples (notamment l’éclatement de CP2 en deux points, ou encore une famille d’éclatements de CP1× Σ où Σ est une surface de Riemann de genre supérieur ou égal à 2).

Une autre approche, détaillée dans le chapitre 3 du livre de Tian [116], consiste à utiliser une formule de localisation pour calculer F ([ω], X) pour un champ de vecteurs X donné, en fonction du lieu d’annulation de celui-ci.

Une troisième approche consiste à reformuler l’invariant de Futaki en des termes plus algébriques, dans le cas où M est une variété projective ; c’est ce critère qui est utilisé pour définir la K-stabilité d’une variété polarisée (M, L).

L’invariant de Futaki met en relief la manière dont l’existence de champs de vecteurs holomorphes, particulièrement ceux admettant des potentiels, constituent une obstruction à l’existence de métriques extrémales. Dans le cadre des techniques de recollement, présentées au chapitre suivant, on sera donc amené à se placer sur des variétés qui n’en admettent aucun. Pour trouver de tels exemples, on utilisera le théorème suivant :

Théorème 1.3.6 (Kobayashi). Soit M une variété complexe compacte dont la première classe de Chern est définie négative. Alors le groupe d’automorphismes de M est fini.

On trouvera une preuve de ce théorème dans le livre de Kobayashi [70], Chapitre III, Théorème 2.1. L’idée est d’utiliser le théorème du plongement de Kodaira 1.2.1 de façon à pouvoir représenter Aut(M ) par des transformations projectives qui laissent invariant un domaine étoilé borné. Un théorème de Cartan ([70], Chapitre III, Théorème 1.2) permet alors de conclure.