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4.2. Résultats des estimations

Les estimations du premier modèle portant sur les dépenses globales sont présentées dans le tableau 4. Le coefficient associé à la force de rappel est négatif (-0,8302) et significativement différent de zéro au seuil de 1 %. Il existe donc un mécanisme à correction d’erreur : à long terme, les déséquilibres entre le produit intérieur brut réel et les autres séries se compensent, de sorte que les évolutions sont similaires. Plus spécifiquement, la croissance arrive à absorber 83 % du déséquilibre, un an après un choc ; ce qui est appréciable. Ainsi, un choc est-il entièrement absorbé après 1,2 (1/0,83) an, soit 5 trimestres.

Par ailleurs, les résultats des estimations font ressortir le fait que les deux catégories de dépenses publiques (consommation et investissement) ont un effet positif sur la croissance économique du Burkina Faso à court terme, quoique l’effet de l’investissement ne soit pas significatif. A long terme, les effets des dépenses publiques courantes et des dépenses d’investissement sont toujours positifs, mais non significatifs. Ce résultat rejoint dans une certaine mesure celui de Nubukpo (2007). En effet, cet auteur avait trouvé, par la même procédure, que les dépenses d’investissement public avaient un impact positif à court et à long termes sur la croissance des économies d’un certain nombre de pays de l’UEMOA, dont le Burkina Faso.

Tableau 3 : Estimation du modèle MCE avec les dépenses globales de consommation et d’investissement

*** significatif à 1 % ** significatif à 5 % * significatif à 10 % Source: Construction de l’auteur

En particulier, à long terme si les dépenses d’investissement public augmentent de 1 %, alors le PIBR augmente de 0,02 %, ce qui est supérieur au résultat atteint par Nubukpo (0,006) pour la période 1965-2000. On peut ainsi supposer une certaine amélioration de la rentabilité à long terme de l’investissement public global au Burkina Faso, sur une période plus récente.

Une question fondamentale qui se pose est alors la suivante : quelles sont les contributions des dépenses publiques de chaque secteur socioéconomique à la croissance économique du pays ? Pour y répondre, une décomposition plus fine par secteur s’avère nécessaire. Le modèle à correction d’erreurs est adopté pour y parvenir. Le tableau 5 donne les résultats de l’estimation.

Conformément aux attentes, les estimations donnent une force de rappel de - 0,79, et qui est statistiquement significatif (p=0,0069). Ce qui soutient toujours l’existence d’un mécanisme d’ajustement. Dans ce cas précis, la croissance parvient à absorber 79 % du déséquilibre, un an après tout choc. Ce dernier est entièrement absorbé après 1,3 (1/0,79) an, soit environ 5 trimestres.

Tableau 4 : Modèle à correction d’erreur défini sur la décomposition des dépenses publiques

*** significatif à 1 % ** significatif à 5 % * significatif à 10 % Source : Construction de l’auteur

a) Effets à court terme des dépenses publiques sur le capital humain et l’agriculture

A court terme, les dépenses courantes dans l’éducation n’ont pas d’impact significatif sur la croissance de l’économie du Burkina Faso, même si cet impact est positif. Le seuil de ces dépenses a été déterminé à 915 035 585 936 FCFA, une valeur qui n’a jamais été atteinte sur la période considérée. La réalisation des dépenses courantes d’éducation à ce niveau, accompagnée d’une focalisation sur des formations valorisant les sources de croissance du pays, et d’une amélioration spectaculaire de leur efficience et de leur efficacité, soutiendrait sans doute la contribution de ce secteur à la croissance. Les dépenses courantes dans la santé et l’agriculture affectent, quant à elles, significativement mais négativement la croissance économique à court terme au Burkina Faso, comme l’indique le tableau 4. A court terme, lorsque les dépenses courantes dans les secteurs de la santé et de l’agriculture augmentent chacune de 1 %, il s’ensuit une récession économique respectivement de 0,06 % et de 0,03 %. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que ces dépenses ne sont pas directement productives et se font au détriment de secteurs productifs.

En revanche, les dépenses publiques d’investissement présentent deux phénomènes : i) les investissements publics de santé ont un effet positif, traduisant un effet d’externalité positive de ce secteur sur le reste de l’économie ; ii) les investissements publics dans l’éducation, tout en ayant un

impact positif, n’affectent pas significativement la croissance économique. En effet, l’investissement dans le secteur éducatif a été principalement axé depuis le premier plan décennal sur le secteur de l’enseignement fondamental (PDEB I) dont la population cible n’est pas encore active. Les dépenses d’investissement dans le secteur de l’agriculture ont quant à elles des effets négatifs et significatifs sur la croissance économique, ce qui peut être dû au fait que plusieurs investissements dans le secteur ont été réalisés dans un but non directement productif, mais de consommation. C’est le cas, en particulier, de la construction de plusieurs barrages : à Ziga, pour l’alimentation en eau potable de la ville de Ouagadougou, et à Samandéni,23 à des fins hydroélectriques et agricoles. On peut alors parler de détour vers des investissements non directement productifs ou de détour de production au sens de Böhm-Bawerk.

Un des faits qui a marqué le secteur agricole est la détérioration de sa contribution à la formation du PIB au cours des dernières années : elle est passée de 11,7 % en 2005 à 0,9 % en 2006 et à 0,4 % en 2007 (MEF, 2008). Cette situation s’est accentuée avec la baisse de 44 % de la production cotonnière (principale culture de rente). Cette diminution est la conséquence de la conjugaison de plusieurs facteurs : les conditions climatiques défavorables, la baisse de 12 % des prix aux producteurs du coton (de 165 à 145 FCFA le kg), la hausse des prix des intrants, les retards de paiement des exploitants agricoles durant la dernière campagne et l’annonce tardive du prix plancher aux producteurs (MEF, op. cit). Une analyse de seuil optimal fait ressortir qu’au-delà d’un montant de 19 561 494 410 FCFA d’investissement dans l’agriculture, tout investissement supplémentaire dans le secteur aura un effet pervers sur la croissance. Un tel seuil a été atteint aux alentours de 1995. En effet, depuis cette époque, les investissements dans le secteur agricole sont orientés vers de grands ouvrages (barrage de la Kompienga, de Bagré, etc.) qui contribuent à élever le montant alloué au secteur. Cependant, compte tenu de l’importance de celui-ci, il conviendrait de soutenir ces actions en les complétant par des investissements dans la recherche et développement afin de les rentabiliser.

Certes, la recherche et développement ne semble pas être en reste dans le pays depuis le début des années 1990 : le nombre des chercheurs a doublé et les dépenses en R&D sont soutenues par la mise en œuvre de deux projets successifs de la Banque mondiale (le PRA-I et le PNDSA-II). Mais ces projets ont plutôt contribué au recrutement de chercheurs nationaux, à la modernisation des bâtiments et aux équipements des laboratoires. Ces investissements ne sont donc pas immédiatement productifs.

23 Barrage en chantier, inscrit dans les budgets de l’État et actuellement non productif.

b) Effets à long terme des dépenses publiques sur le capital humain et l’agriculture

A long terme, les dépenses courantes d’éducation et de santé ont des effets négatifs non significatifs sur la croissance économique au Burkina Faso. En effet, comme le soutient la théorie économique, la relance de l’activité économique par la demande ne joue qu’à court terme. Les effets à long terme sont du ressort de l’épargne intérieure et surtout de l’investissement, ce qui n’est vérifié que pour le secteur de l’éducation. Mais la portée d’un tel résultat peut être réduite par les comportements réellement observés dans le secteur éducatif. En effet, le secteur se caractérise par des taux d’abandon et de redoublement scolaires élevés. En outre, ceux qui achèvent leur formation se retrouvent sans emploi, à cause de l’inadéquation entre l’offre de formation et le type de travail demandé. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, décrit par Keho (2007).

Les dépenses courantes et d’investissement dans l’agriculture affectent significativement mais négativement la croissance économique au Burkina Faso. Un accroissement de 1 % de l’un ou de l’autre type de dépenses agricoles induit une récession économique de 0,1 %24 et de 0,06 %25 respectivement. En effet, l’agriculture se distingue en termes de dotations budgétaires. C’est le secteur qui reçoit l’allocation la plus faible. La faiblesse de l’investissement et l’utilisation de certains intrants à d’autres fins peuvent expliquer le résultat atteint par l’estimation, qui est contraire à la théorie. Aussi, comme le constatait Shenggen et al. (2008), l’agriculture burkinabè a besoin, au stade actuel de son évolution, d’un accroissement annuel de 20,2 % de ses dotations budgétaires pour atteindre le premier Objectif du millénaire pour le développement. Cependant, au vu des résultats, il faudra aussi bien les orienter.

c) Prise en compte des dépenses dans la défense, les infrastructures et les autres secteurs Les secteurs de la défense, des infrastructures et autres (en dehors des cinq sélectionnés pour l’estimation) ont été introduits dans le modèle en termes de dépenses totales. Les résultats font ressortir que les dépenses totales dans la défense et celles dans les autres secteurs ont un effet significativement positif à court terme sur la croissance économique26 ; les élasticités sont de 0,14 et 0,09, respectivement. Le secteur de la défense, fortement consommateur, est caractérisé par une masse salariale très importante ; c’est aussi un secteur productif du fait de sa participation à la

24 est déterminé par le rapport –(-0,077551/-0,793811).

25 est déterminé par le rapport –(-0,048942/-0,793811).

26A long terme, seuls les autres secteurs continuent d’avoir un impact positif sur la croissance, l’impact positif des dépenses de défense ne se retrouvant pas dans les estimations de long terme.

construction des infrastructures routières à travers le génie militaire. Les « dépenses dans les autres secteurs » sont une variable composite qui regroupe les ministères agissant dans les secteurs secondaire et tertiaire, tels que les ministères du Commerce, des Finances, des Mines, du Plan, etc., ainsi que les dépenses interministérielles transversales, qui représentent aussi de fortes dotations (en moyenne 39 % du budget). Cet état de fait pourrait justifier sa contribution positive : les secteurs secondaire et tertiaire représentent respectivement 22,1 % et 45,8 % de la valeur du PIB. Leurs contributions moyennes à la croissance économique du Burkina Faso sur la période 2003 à 2007 sont de 1,52 point et de 2,76 points contre 1,14 point pour le secteur primaire27. Ces résultats sont favorisés par la bonne tenue des industries manufacturières modernes et l’accroissement de l’activité des industries extractives, lié aux investissements réalisés dans les mines d’or de Kalsaka, Youga et Taparko : ceux-ci ont permis d’exporter 2,3l5 tonnes d’or en 2007 (MEF, 2008). A court comme à long terme, les dépenses dans l’infrastructure prise globalement ont un impact significatif, mais négatif, sur la croissance économique au Burkina Faso.

d) Effets des variables population active et termes de l’échange

A court terme, les termes de l’échange ont le signe attendu (positif) soit une élasticité de 0,1081 et sont statistiquement significatifs. Cet effet bénéfique sur la croissance économique du Burkina Faso est inscrit dans le long terme avec une élasticité de . Le Burkina Faso est certes un

« price taker » qui n’a aucune emprise à court terme sur les termes de l’échange, mais, grâce à des mécanismes d’anticipations adaptatives et rationnelles, le pays réussit à en profiter aussi bien à court qu’à long terme.

La population active, qui représente le facteur travail dans la théorie économique, a les effets positifs escomptés sur la croissance économique burkinabè à court comme à long termes. Ces effets sont favorisés par la pyramide des âges du pays. En effet, la population active en majorité très jeune, est estimée à 53,1 % de la population totale (RGPH, 2006). La tranche d’âge de 15 à 29 ans représente 33 % de la population active. Au sein de la population inactive, 21,7 % sont des élèves/étudiants qui participeront à la production à moyen terme.

27 Ces statistiques sont obtenues à partir de l’Instrument Automatisé de Prévision IAP du Ministère de l’Economie et des Finances