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Cette partie présente tout d’abord les résultats préliminaires obtenus dans le but de bien introduire par la suite l’ensemble des résultats de la caractérisation systématique des deux matrices : fluorozirconate et fluoroindate.

4.1 — Traitements thermiques : résultats préliminaires

4.1.1 — Verres fluorozirconates

Le traitement thermique est l’étape de la préparation qui mène à la précipitation des nanoparticules dans un verre. Cette étape correspond, comme décrit à la Section 2.4, à un chauffage légèrement au-dessus de Tg afin de réduire la viscosité du verre. On favorise ainsi la diffusion du cuivre métallique pour s’agréger en NP. Avant de réaliser une caractérisation systématique des séries de verres, cette étape de synthèse a nécessité de nombreux essais pour son optimisation.

Comme échantillon de référence, des verres fluorozirconates dopés à 1% molaire de CuF2 ont été utilisés. Les échantillons ont été préparés selon le protocole exposé à la Section

3.1 et selon la composition suivante :

Figure 4.1 — Résultat d’un traitement thermique porté à un verre fluorozirconate dopé

avec 1% de CuF2. Le verre de gauche n’a subi aucun traitement, alors que celui de droite a

51,5 ZrF4 — 20 BaF2 — 3 LaF3 — 3 AlF3 — 20 NaF— 1,5 InF3 — 1 CuF2

Dès les premiers essais, des changements radicaux au niveau de la coloration des verres fluorozirconates ont pu être observés. Autrement dit, le verre passe d’une couleur verte à ambrée (Figure 4.1). La phase suivante consistait donc à confirmer ou à infirmer la présence de nanoparticules de cuivre dans le volume du verre.

À cet effet, l’échantillon a d’abord été analysé en diffraction des rayons-X (DRX). Cette méthode permet de discriminer les différentes phases cristallines en présence dans un matériau. Le verre étant non-cristallin, on dénote normalement aucun signal analysable. La

Figure 4.2 montre le diffractogramme DRX obtenu pour un échantillon ambré.

Figure 4.2 — Diffractogramme DRX du verre ambré (enregistré par M. Jean Frenette,

Université Laval)

À partir de cette analyse, il était raisonnable de croire qu’on pourrait observer une phase cristalline puisque le cuivre sous forme de nanoparticules doit normalement être cristallin. Néanmoins, les pics évasés de la Figure 4.2 sont caractéristiques de l’état vitreux et ne permettent pas de conclure quant à la présence d’une quelconque phase cristalline. Deux hypothèses peuvent être tirées de ceci. La première étant qu’il n’y a pas de nanoparticules et que le changement de couleur est dû à autre chose. La seconde considère plutôt que la faible quantité molaire de CuF2 (1%) ajoutée au verre pourrait y être pour quelque chose. En effet, si une faible proportion seulement de ce 1% se réduit et précipite en NP, il est possible que l’appareil n’ait pas la sensibilité requise pour sa détection.

Pour approfondir les recherches, la microscopie électronique à transmission (MET) a été mise à profit pour détecter les NP. Ce type d’appareil permet l’observation des particules ne pouvant pas être résolues à partir de la lumière visible. Un faisceau d’électron est projeté vers l’échantillon ; les différentes interactions électron-matière forment une image. L’échantillon est préalablement broyé, dissolu dans un solvant, fixé et séché sur une grille adaptée à l’appareil. Plusieurs clichés électroniques ont pu démontrer la présence de NP (Figure 4.3). Ceci dit, un problème subsiste : il n’est pas possible d’identifier la nature des NP par MET standard.

Figure 4.3 — Image MET confirmant la présence de NP (cercles noirs). Les

petits grains sont des pièces de verre (Image prise par M. Richard Janvier, Université Laval).

Pour pallier à ce problème, l’échantillon a été envoyé à un spécialiste dans le domaine, M. Mathieu Allix, un collaborateur français du CNRS à Orléans. Des NP d’une taille d’environ 20 nm ont été observées (Figure 4.4a). Initialement, l’idée était de cibler les NP par imagerie MET afin d’en déterminer la nature par DRX. On prend ainsi une mesure locale, contrairement aux mesures DRX précédentes. Cependant, la nature des NP n’a pas pu être établie par cette méthode. En présence de rayons-X, les NP pourraient se déformer et devenir indétectable a la DRX ; ceci expliquerait entre autres l’absence d’un pic significatif sur le diffractogramme DRX de la Figure 4.2. Pour certifier la nature des NP, il a donc été nécessaire de procéder par une autre technique : la diffraction des électrons (Figure 4.4b).

(a) (b)

Figure 4.4 — Image MET confirmant la présence de NP dans le volume (a) et image de la

diffraction des électrons qui confirme les paramètres cristallins du cuivre (Images MET prisent par M. Mathieu Allix, CNRS Orléans, France)

La dualité onde-particule prédit que l’électron est sollicité de la même façon que la lumière en termes de diffraction. Sur la Figure 4.4b, on remarque assez bien la présence de cercles et de points représentant la phase vitreuse et la phase cristalline, respectivement. Les points permettent de retrouver une distance interréticulaire de 3,617 Å et celle-ci correspond assez bien avec celle attendue pour le cuivre cristallin (Tableau 4.1).

Tableau 4.1 — Paramètres cristallins du cuivre.70

Groupe Fm-3m

Structure Cubique

Longueur d’arête a = b = c = 3,6149 Å

Angle Α = β = γ = 90°

On peut donc affirmer qu’il y a présence de NP de cuivre dans le verre fluorozirconate. Ceci dit, le processus de formation demeure très marginal en regard de la difficulté à les détecter. Suite à plusieurs essais, il a été déterminé qu’un traitement thermique à Tg + 10°C d’environ quatre heures semblait donner les meilleurs résultats. La Section 4.1.3 porte d’ailleurs sur une étude systématique des conditions de traitement thermique.

4.1.2 — Verres fluoroindates

Jusqu’à maintenant, il a été démontré que la formation de NP de cuivre, quoique marginale, était possible pour un fluorozirconate. Pour les verres fluoroindates, rien n’indique que ce soit possible jusqu’à maintenant. Pour des traitements thermiques

similaires, le verre ne présente aucun changement de couleur. De plus, une étude en imagerie MET n’a pas permis de déceler ne serait-ce qu’une seule nanoparticule.

Tout comme pour le verre fluorozirconate, on utilise une matrice fluoroindate dans laquelle on insère 1% molaire de CuF2.

36 InF3 — 20 SrF2 — 20 ZnF2 — 16 BaF2 — 4 GaF3 — 3 CaF2 — 1 CuF2

Les premiers essais à Tg + 10°C n’ont pas démontré de changements particuliers, notamment au niveau de la couleur tels qu’observé pour le fluorozirconate. En essayant d’ajuster la température et le temps — pouvant atteindre une centaine d’heures — il n’a pas été possible de favoriser la formation de NP. Si la température est trop haute, une cristallisation survient en plus d’un changement de couleur vers le jaune (Figure 4.5). Le changement de couleur n’a pas pu être observé sans la cristallisation pour la matrice fluoroindate.

Figure 4.5 — Changements observables lors des traitements thermiques. Le

premier échantillon n’a pas subi de TT. De gauche à droite, la température du TT a été augmentée.

Une autre piste envisagée pour la précipitation du cuivre est celle des couples d’oxydo-réduction tels qu’introduite à la Section 2.4.1. Pour l’étain, même en faible quantité, il cause une cristallisation lors de la trempe. De plus, l’étain forme assez facilement un alliage avec le platine du tube de synthèse, ce qui n’est pas souhaitable vue la valeur du tube. Au niveau de l’europium, aucune différence notable n’a été observée.

Finalement, d’autres essais de synthèse ont été conduits sous atmosphère ambiante plutôt que sous azote. Aussi, quelques tentatives ont été faites dans un creuset de carbone vitreux. La température d’homogénéisation a aussi été augmentée pour favoriser la réduction et la nucléation. Aucune de ces solutions n’a été concluante.

Des hypothèses pouvant expliquer cette incapacité à favoriser la croissance des nanoparticules de cuivre dans un verre fluoroindate sont proposées à la Section 5.1.

4.1.3 — Étude systématique

Une étude systématique des TT a été faite sur les deux matrices dopées avec 1% molaire de CuF2. En analysant les verres par DSC, on peut mesurer des changements au niveau de la température de cristallisation. Pour former des nanoparticules, on forme d’abord des nuclei. En pratique, les nuclei facilitent la cristallisation et devraient normalement diminuer la Tx. Les résultats sont présentés à la Figure 4.6.

Figure 4.6 — Graphique présentant l’effet sur la Tx avec différents temps de TT pour les

matrices fluoroindate et ZBLAN.

Pour chaque essai, les mesures ont été faites sur le même verre découpé en huit petites pièces. Celles-ci sont insérées au même moment dans un four à convection pour un maximum de répétabilité sur les conditions. L’utilisation d’un four à convection permet d’ailleurs d’éviter tout gradient de température dans celui-ci. Les deux échantillons ont été traités séparément à des températures correspondant à Tg + 10°C, soit 272°C pour le ZBLAN et 320°C pour le fluoroindate. À chaque heure, une pièce est retirée jusqu’à concurrence de sept heures. La huitième pièce sert de blanc.

Les résultats démontrent clairement que le traitement thermique semble avoir un effet plus important sur le fluoroindate que sur le ZBLAN. Pour le ZBLAN, il est probable que la genèse des nucléi se fasse directement lors de la trempe du verre alors que pour le

fluoroindate il faille la provoquer par TT. Cependant, le TT ne permet pas de confirmer si la diminution de la Tx des fluoroindates est due, ou pas, à la formation de nucléi de cuivre.

4.2 — Caractérisation systématique fluorozirconate

La caractérisation systématique des verres fluorozirconates a été effectuée sur une série de dopages en cuivre allant jusqu’à un maximum de 2% molaire de CuF2 (Figure 4.7). Au-delà de cette limite, la synthèse devient difficile et mène généralement à une cristallisation précoce.

Figure 4.7 — Série de verres ZBLAN contenant 0%, 0,5%, 1,0%, 1,5% et 2,0%

molaire de CuF2, respectivement de gauche à droite

4.2.1 — Spectroscopie UV-vis-NIR

Tous les verres ont été analysés par spectroscopie UV-vis-NIR entre 200 nm et 2000 nm puisque c’est dans cette région qu’apparaissent tous les pics d’absorption du cuivre (Section 2.4.3). De plus, tous les spectres présentés ont été normalisés par rapport à l’épaisseur des échantillons.

Première observation importante sur la Figure 4.8, les pics qu’on devrait obtenir dans le proche-UV pour le Cu+ apparaissent plutôt comme des coupures puisque la concentration en Cu+ est trop élevée. Des essais pour réduire l’épaisseur des échantillons n’ont pas été concluants.

Figure 4.8 — Spectres UV-vis-NIR pour une série de ZBLAN dopés au CuF2. Le blanc

est représenté par la courbe verte.

Les changements de couleur obtenus lors des essais préliminaires (Section 4.1.1) sur la série ZBLAN passaient du vert à l’ambré suite aux traitements thermiques. Le Cu2+ qui présente une large bande autour de 1000 nm est réputé pour sa coloration bleue. Par contre, en présence d’une proportion importante de Cu+, il y a une absorption dans le proche-UV. Si cette absorption est trop importante, elle empiète dans le visible, c’est-à-dire dans le bleu. Ainsi, plus le pic de Cu+ est important et plus le verre possèdera une coloration passant du vert à l’ambré.57

Suite aux traitements thermiques, tous les échantillons ont une coloration ambrée (Figure 4.9). Visiblement, celle-ci est due à une augmentation de la concentration en Cu+. Pour le Cu2+, il n’y a pas de différence significative, en dehors du 1,0% et 1,5%. En présence de NP, une bande devrait apparaître entre 550 et 600 nm, mais leur concentration est probablement trop faible pour produire une signature spectrale, bien qu’elles aient été observées par MET.

Figure 4.9 — Spectres UV-vis-NIR pour une série de ZBLAN dopés au CuF2 après TT

(rouge). Le blanc est représenté par la courbe verte. Les courbes grises représentent les échantillons avant TT.

4.2.2 — Dispersion chromatique

Les indices de réfraction ont été mesurés pour les cinq longueurs d’onde permises par le Metricon, soit 532, 633, 972, 1308 et 1538 nm. Ce sont des mesures ponctuelles. Donc, les lignes tracées entre les points sur les graphiques sont utilisées comme repères visuels uniquement.

Figure 4.10 — Indices de réfraction des ZBLAN dopés au CuF2 (vert). Le blanc est

représenté par les points noirs.

La Figure 4.10 montre les mesures obtenues. Il est bien difficile d’observer un changement quelconque par rapport aux diverses concentrations en CuF2 ; la plupart des

points se superposent par rapport au blanc sans cuivre (points noirs). De plus, l’incertitude sur la mesure étant de l’ordre de ± 0,001, on peut aisément admettre que la concentration en cuivre n’a pas eu d’impact direct sur l’indice de réfraction.

Une fois que les verres ont subi un traitement thermique, on observe une légère diminution de l’indice (Figure 4.11). Encore une fois, plusieurs points se superposent. En admettant qu’on puisse augmenter la quantité de NP avec le TT, on réduit du même coup le nombre de dipôles. On parle évidemment ici des dipôles créés par les liaisons entre un métal et un fluorure M—F.71 Ceux-ci ont une influence directe sur l’indice de réfraction. Moins le nombre de dipôles est élevé et moins la lumière sera déviée.

Figure 4.11 — Indices de réfraction des ZBLAN après TT et dopés au CuF2 (rouge).

Le blanc est représenté par les points en noir et les mesures avant TT en grises.

4.2.3 — Étude calorimétrique

L’étude calorimétrique consiste ici à déterminer la stabilité thermique (ΔT) ; c’est la différence entre la Tx et la Tg. La variation du ΔT donne de bons indices sur le comportement du cuivre dans les matrices fluorées.

La Figure 4.12 montre la stabilité thermique pour la série de verres fluorozirconates. On remarque une diminution de cette stabilité en augmentant le pourcentage molaire de CuF2. Les mesures prises ont démontré que ce n’est pas la Tg qui fluctue, mais bien la Tx. Par conséquent, l’augmentation de CuF2 favorise la cristallisation du verre. Étant donné que les

augmentant la proportion de CuF2, on augmente également la proportion de NP (points de nucléation), ce qui se traduit inexorablement par une baisse de la stabilité thermique.

Figure 4.12 — Stabilité thermique des verres ZBLAN par rapport au pourcentage

molaire en CuF2 (vert). En orangé, les mesures réalisées sur les mêmes verres après TT. On remarque également qu’il y a peu de différences avant et après le traitement thermique. Ceci permet d’affirmer que le changement de coloration n’est pas dû à la formation de NP et que d’ailleurs cette étape ne semble pas décisive pour leur formation.

4.3 — Caractérisation systématique fluoroindate

Quant aux fluoroindates, ils permettent de dissoudre une plus grande quantité de cuivre, soit jusqu’à 4% molaire (Figure 4.13). En fait, il aurait été possible de dépasser ce 4% molaire, mais le verre commence à diffuser de façon importante la lumière. Par ce fait, l’étude systématique s’est limitée uniquement aux verres contenant entre 0% et 3% molaire. Tel que rapporté dans les résultats préliminaires (Section 4.1.2), le cuivre dans cette matrice ne se comporte pas de la même façon que pour les fluorozirconates. Ainsi, cette section présente les résultats obtenus pour cette série afin de découvrir les raisons derrière cette différence de comportement. Cette section ne présente pas les résultats après-TT puisque les mesures ne diffèrent pas des mesures prises avant.

Figure 4.13 —Série de verres fluoroindates contenant 0%, 0,5%, 1,0%, 2,0%, 3,0% et 4,0% de

CuF2, respectivement de gauche à droite.

4.3.1 — Spectroscopie UV-vis-NIR

Les fluoroindates présentent des spectres beaucoup moins chargés par rapport aux verres fluorozirconates (Figure 4.14). Par conséquent, les spectres des fluoroindates ne présentent pas d’ambiguïtés quant à la présence ou non des NP de cuivre. La zone située entre 550 et 600 nm est celle où l’absorption est la plus faible du spectre. Les bandes du Cu+ empiètent très peu dans le domaine du visible, d’où la couleur verte plutôt qu’ambrée.

Figure 4.14 — Spectres UV-vis-NIR pour une série de fluoroindates dopés au CuF2

(vert). Le blanc est représenté par la courbe en noir.

La conclusion que l’on peut tirer des spectres obtenus est que le changement de couleur observé lors du traitement thermique des verres fluorozirconates n’est pas caractéristique de la formation des nanoparticules comme il l’avait été pressenti. Aussi, il y a une plus grande proportion de Cu+ par rapport au Cu2+ en accord avec ce qui est prédit par la basicité optique.

4.3.2 — Dispersion chromatique

L’impact du cuivre sur les indices de réfraction est beaucoup plus évident chez les fluoroindates (Figure 4.15). L’augmentation de l’indice est directement corrélée avec celle du pourcentage molaire de CuF2 qui remplace le CaF2. Le cuivre a un nuage électronique nettement plus important que celui du calcium. Ainsi, la lumière est déviée plus facilement et se traduit en une augmentation de l’indice de réfraction.28

Figure 4.15 — Indices de réfraction des fluoroindates dopés au CuF2 (vert). Le blanc

est représenté par les points noirs.

4.3.3 — Étude calorimétrique

La stabilité thermique des verres fluoroindates est illustrée à la Figure 4.16. Paradoxalement, on observe un comportement à l’opposé de celui des verres ZBLAN. On peut expliquer celui-ci par le remplacement du CaF2 par du CuF2 dans la matrice. Le CaF2 est bien reconnu en tant que stabilisant chimique, pour son hydrophobicité.34 Par contre c’est également un bon agent de nucléation.72 Ainsi, en diminuant son pourcentage molaire, on repousse indéniablement la Tx pour ainsi favoriser une augmentation de la stabilité thermique.

Figure 4.16 — Stabilité thermique des verres fluoroindates par rapport au pourcentage

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