• Aucun résultat trouvé

IV. Études cristallographiques des protéines SrtC-1, SrtC-3 et RrgB

IV.1. Introduction à la cristallographie des rayons X

IV.1.4. Résolution du problème de phase

Pour calculer la carte de densité électronique de la macromolécule, deux éléments essentiels doivent être déterminés : les modules du facteur de structure des réflexions hkl et les phases. Cependant lors d’une expérience de cristallographie, seules les intensités (et donc les modules des facteurs de structure) des faisceaux diffractés sont enregistrés et l’information concernant chacune des phases des ondes diffractées est perdue. Les deux techniques utilisées pour déterminer ces phases et que je présenterai dans ce manuscrit sont la diffusion anomale et le remplacement moléculaire.

Dans le cas de la diffusion anomale, les propriétés particulières d’un atome lourd excité dans son seuil d’absorption sont utilisées pour déterminer sa position possible au sein de la structure cristalline, puis pour déterminer les phases globales du cristal.

Le remplacement moléculaire peut être utilisé dans le cas d’un cristal constitué d’une protéine dont la structure est proche d’une molécule de structure connue. On utilise cette structure comme modèle pour la détermination des phases.

IV.1.4.1. Préambule : la loi de Friedel

Dans un cristal natif, les intensités des réflexions (h, k, l) et (-h, -k,-l) sont égales et leurs phases sont opposées. On appelle paires de Friedel, les facteurs de structure des deux réflexions h, k, l et –h, -k, -l. Ceci peut être représenté graphiquement sur le diagramme d’Argand de la figure 30. Si on considère les facteurs de structure de la protéine Fp, du diffuseur anomal Fa et de la structure totale F ainsi que les paires de Friedel de chaque facteur

de structure appelées F+, correspondant à F(h, k, l), et F-, correspondant à F(-h, -k, -l), le cas d’une structure dérivée lors de la diffraction classique peut être représenté dans le diagramme suivant:

IV.1.4.2. La diffusion anomale

Généralités

Lorsque la longueur d’onde utilisée correspond au seuil d’absorption d’un atome lourd dans le cristal, il y a alors absorption du rayonnement incident par les électrons des couches profondes de l’atome lourd. Ces électrons se retrouvent excités. Le rayonnement diffracté par le diffuseur anomal (l’atome lourd) est déphasé par rapport aux autres rayonnements diffractés par les atomes « légers ». Pour tenir compte du déphasage, le facteur de structure de l’atome lourd ne vaut plus f0 mais s’écrit :

f = f

0

+ f’(λ) + if’’(λ)

f0 est indépendant de la longueur d’onde contrairement à f’ et f’’. Lorsque le rayonnement incident est loin du seuil d’absorption de l’atome lourd, f’ et f’’ sont négligeables. En revanche, si la longueur d’onde est proche du seuil d’absorption d’un atome lourd, f’ et f’’ prennent des valeurs significatives. f’ et f’’ sont composées d’une partie réelle et d’une partie imaginaire.

Figure 30 : Diagramme d’Argand montrant la loi de Friedel. Les facteurs de structure de la protéine Fp, du diffuseur anomal Fa et de la structure totale F sont représentés. ρ+ et ρ- correspondent aux phases

En présence de diffusion anomale, la loi de Friedel, selon laquelle les modules des facteurs de structure F(h, k, l) et F(-h, -k, -l) sont égaux, est violée. En effet, dans le cas de la diffraction anomale, la structure complète du facteur de structure du diffuseur anomal possède trois composantes dont la partie imaginaire possède un déphasage de π/2. Les paires de Friedel F(h, k, l) et F(-h, -k, -l) ne sont donc plus équivalentes; leur intensité est en particulier différente.

Détermination des sous-structures des diffuseurs anomaux

En présence de diffuseurs anomaux, les deux réflexions symétriques ne sont plus équivalentes (du fait des contributions anomales f' et f"), et notamment, leurs intensités sont différentes. Cette différence d'intensité est plus généralement présente sur les paires de Bijvoet : ce sont les paires de réflexions symétriques dont les phases des facteurs de structure sont opposées. Les diffuseurs anomaux permettent de différencier ces réflexions symétriques, et apportent ainsi une information sur la phase du facteur de structure F(hkl).

La différence entre les modules des facteurs de structure peut être calculée pour chaque paire de Bijvoet, appelée la différence de Bijvoet ΔF = │F+│- │F-│. Cette différence

est généralement relevée à la longueur d’onde correspondant au maximum de f’’, là où la différence est la plus grande. On peut alors calculer une carte de Patterson avec ΔF2 comme coefficient. Cette carte correspond approximativement à une fonction d’auto-corrélation des diffuseurs anomaux qui présentent des maxima aux points correspondant aux distances interatomiques, permettant de déterminer la position des atomes lourds dans la structure.

Détermination graphique de la phase

Lorsque l'unité asymétrique contient un atome nettement plus lourd que les autres, la contribution de cet atome au facteur de structure est importante et souvent déterminante. Afin de rendre compte de la contribution de l’atome lourd, le facteur de structure total (FT) peut

s’écrire :

F

T

(hkl) = F

P

(hkl) + F

A

(hkl)

Le facteur de structure de la protéine FP recherché peut ainsi s’écrire :

F

P

(hkl) = F

T

(hkl) - F

A

(hkl)

(2)

avec FA (hkl) préalablement déterminé en module et en phase.

Lors d’une expérience de diffusion anomale, un même cristal est utilisé sur lequel on enregistre plusieurs jeux de données à plusieurs longueurs d’onde différentes (méthode MAD). Trois ou quatre longueurs d’onde sont souvent choisies ; une correspondant au maximum de f’’ pour laquelle la différence entre les F+ et les F- est la plus grande, une correspondant au longueur d’onde au minimum de f’, et une ou deux longueurs d’ondes loin du seuil d’absorption du diffuseur qui permet de déterminer le module du facteur de structure de la protéine native. On peut considérer qu’aux deux premières longueurs d’onde, le diffuseur anomal se comporte comme deux dérivés différents.

L’équation (2) peut être représentée sur le diagramme d’Argand suivant :

Le module du facteur de structure Fp correspondant à la protéine est connu par la mesure

des intensités de diffraction à la longueur d’onde loin du seuil d’absorption du diffuseur anomal. Un cercle de rayon correspondant au module de Fp (cercle bleu) peut donc être tracé.

La fonction de Patterson permet de déterminer précisément la position des diffuseurs anomaux, nous permettant d’avoir accès au module et à la phase de FA (en rouge). A une

longueur d’onde de l’expérience, on connaît la valeur du module du facteur de structure de la protéine en complexe avec le diffuseur anomal FT1 (cercle rouge). L’intersection entre les

Figure 31 : Diagramme d’Argand montrant la détermination graphique de la phase par la méthode MAD. Fp correspond

au facteur de structure de la protéine, FA à

celui du diffuseur anomal et FT à celui de

cercles bleus et rouges donnent deux solutions pour la phase de Fp. L’utilisation de la seconde

longueur d’onde permet de déterminer la valeur du module de FT2 (cercle vert), et de lever

l’ambiguïté en ce qui concerne la phase de Fp (à l’intersection des cercles bleu, rouge et vert).

IV.1.4.3. Le remplacement moléculaire

La méthode de phasage par remplacement moléculaire est employée lorsqu’on dispose d’une structure cristallographique d’une protéine possédant typiquement plus de 25 % d’identité de séquence avec la protéine d’intérêt. L’homologie de séquence n’est pas le seul critère pour résoudre une structure par remplacement moléculaire; c’est surtout l’homologie structurale qui permet d’utiliser les phases de la protéine modèle pour résoudre la structure de la protéine inconnue.

La méthode du remplacement moléculaire consiste à calculer les fonctions de Patterson, représentant l’ensemble des vecteurs interatomiques d’une molécule, pour le modèle cristallographique et pour la structure recherchée. La première étape consiste à déterminer les trois angles d’Euler, pour lesquels la fonction de corrélation entre la fonction de Patterson du modèle orienté et celle issue de la structure inconnue est maximale : c’est la fonction de rotation. Après avoir déterminé l’orientation du modèle, la deuxième étape consiste à repositionner le modèle par translation pour donner le meilleur accord entre les facteurs de structure calculés et mesurés. Les phases sont ainsi extraites. Le modèle obtenu de la protéine est néanmoins biaisé par le modèle de départ. Le modèle doit ensuite être affiné.