• Aucun résultat trouvé

Des effets initialement inexpliqués, observés lors de l'utilisation d'approches de PDR impliquant des protéines tronquées ou des séquences virales non codantes, ont rapidement mis en évidence que de nombreuses résistances aux virus ne reposaient finalement pas sur l'expression d'une protéine virale mais

correspondaient à des phénomènes induits par des mécanismes impliquant l'ARN. L’objectif de ce paragraphe n’est pas de dresser une liste exhaustive de toute la littérature scientifique portant sur la résistance induite par l'ARN dans les plantes, mais plutôt d’illustrer à l’aide de quelques exemples significatifs, les différentes approches de type PTGS déployées à ce jour pour conférer une résistance antivirale aux plantes. Celles-ci peuvent se répartir sommairement en deux catégories principales, la stratégie petits ARN interférents (small interfering RNA, siRNA) et la stratégie micro ARN artificiels (artificial micro RNA, amiRNA) qui font toutes deux appel au clivage d'ARN double brin (double-strand

RNA, dsRNA) en petits ARN non codants (small RNA, sRNA). 1.3.1Mécanisme du PTGS dans les plantes

Le RNA silencing est un mécanisme de régulation génétique conservé chez tous les eucaryotes. Dans les plantes, il peut intervenir à un niveau transcriptionnel (transcriptional gene silencing, TGS) par la méthylation des histones et de l'ADN ou intervenir à un niveau post-transcriptionnel (PTGS) par clivage ou répression traductionnelle des ARN cibles (pour revue voir Brodersen & Voinnet, 2006; Parent

et al, 2012; Ghoshal & Sanfaçon, 2015; Csorba et al, 2015). Le silencing participe à la régulation de la

physiologie et du développement de la plante, réprime la prolifération d'éléments transposables et est impliqué dans les réponses aux stress environnementaux (Baulcombe & Dean, 2014). Son rôle dans la défense antivirale est également largement démontré chez les plantes (Wang et al, 2012; Pumplin & Voinnet, 2013) et des éléments récents décrivent une fonction similaire chez les mammifères (Cullen et

al, 2013; Maillard et al, 2013).

Le PTGS est un mécanisme cytoplasmique d'extinction génique déclenché par la reconnaissance de dsRNA qui cible des séquences d'ARN simple brin (single strand RNA, ssRNA) homologues [Figure 4.1]. Les dsRNA qui peuvent provenir d'origines diverses (intermédiaires de réplication virale, produits de polymérases de l'hôte, régions fortement structurées de ssRNA viraux, constructions transgéniques formant un ARN en tige boucle (hairpin RNA, hpRNA)…) sont pris en charge et fragmentés en duplex de sRNA d'environ 25 nucléotides de long par une endoribonucléase de type III appelée DICER-like (DCL) dans les plantes. Les duplex formés sont stabilisés et protégés de la dégradation par la méthylation de leur extrémité 3' par la protéine HUA Enhancer 1 (HEN1). L'un des deux brins s'associe par la suite avec un membre de la famille protéique Argonaute (AGO) et guide le complexe RISC (RNA induced silencing

complex) auquel il s'incorpore vers les ARN de séquence complémentaire pour les dégrader ou inhiber

leur traduction. Des ARN polymérases ARN-dépendantes (RNA-dependent RNA polymerases, RDR) orchestrent une phase d'amplification du PTGS ce qui conduit à la synthèse de sRNA secondaires qui participent à la propagation du signal de silencing dans toute la plante.

La plante modèle A. thaliana code pour quatre DCL dont l'activité nécessite cinq cofacteurs

(double-stranded-RNA-binding proteins, DRB), pour dix AGO et pour six RDR. Par alignement de séquences,

quatre gènes homologues de DCL ont également été retrouvés dans le génome de V. vinifera (Velasco et

al, 2007). Ces protéines possèdent des rôles partiellement redondants et s'associent pour générer

différentes classes de sRNA. Les sRNA identifiés chez les plantes incluent notamment les siRNA et les micro ARN (micro RNA, miRNA). Les siRNA résultent du clivage séquentiel d'un dsRNA effectué essentiellement par DCL2 et DCL4 qui induit leur accumulation sous forme de population ayant des séquences différentes [Figure 4.1 | A]. Les miRNA sont transcrits par la RNA polymerase II endogène et maturés par DCL1 avant d'être exportés du noyau vers le cytoplasme [Figure 4.1 | B]. Les stratégies de lutte antivirale basées sur le PTGS visent à produire des sRNA de ces deux types.

1.3.2Stratégie hpRNA source de siRNA

Pour générer des siRNA, différentes sources de dsRNA ont été exploitées : des ARN sens ou anti-sens, mais surtout des séquences inversées répétées (souvent séparées par un intron) capables de former des hpRNA [Figure 4.1 | C]. L'efficacité de cette stratégie peut varier, mais dépend surtout de la similarité de séquence existant entre le transgène et le virus entrant (idéalement supérieure à 80 à 90 %) et de la longueur du transgène (idéalement 100 à 800 paires de bases) (Simón-Mateo & García, 2011; Duan et al, 2012). Elle augmente également avec le nombre de copies du transgène insérées dans la plante. Par exemple, des Solanum tuberosum transgéniques exprimant des séquences inversées répétées de la région terminale du gène codant pour la CP du PVY ont montré une forte résistance à trois souches différentes du virus (Missiou et al, 2004). Dans le cas du Plum pox virus (PPV), des Prunus domestica avaient été transformés avec le gène codant pour la CP conduisant à l'obtention de la lignée C5 hautement



 

 

 pri-miRNA pré-miRNA duplex miRNA/ miRNA* DCL1 DCL1 A(n)      

 

noyau cytoplasme    



  A(n)  



pri-amiRNA A(n) pré-amiRNA   duplex amiRNA*/ amiRNA DCL2 DCL4                %$        #  !"       !" + 1 $! "#%" $##! 3 $ 5 $$#" $! !"##$&#!#41"!##$&$#"*#'"!2+ 1$"$&!""#! !$!# "&  #"!#$*" $-" $*$!! #!$# 1$   ""!  $ $! $! " % # " !#+ " !#" 1 !$#"$%#"!%!#!#,$1!$!$$%"'#"1 $!!"   "$#1#$#"'#"" "!"++ !-  #!"!#!1 '!""#$! 2!- $"$$&*"##$1$!$ #1$!""!. , 0/*#' # &!#" '#"+   !"  $  &   %!" 1   $! ! " #!$# $ $! " !#+ + " "#!$#"#"%"#"'#"1$ ##"" $"%!".!"/%!"" !#"#"!"!$"$!%!"#!#1$"#!$#$!$!*"$"#!# + +""#!## *#$!$ "#!! " $ 1$    ! $ " $ #!  1  %! #$#  "!%#  "#!$#$!"!"!-#!- ""$!#$!#! 2+



résistante, commercialisée sous le nom "Honey sweet" aux États-Unis (Scorza et al, 2013). L'étude du mécanisme de cette résistance, révélant la présence caractéristique de siRNA, a prouvé qu'elle reposait en réalité sur un mécanisme d'extinction génique. L'efficacité du silencing contre ce virus a alors conduit au développement plus récent de constructions hairpin à partir de séquences non traductibles ou conservées couvrant tout le génome puis combinant des séquences provenant de six virus différents infectant Prunus spp (Liu et al, 2007; Ilardi & Tavazza, 2015). L'avantage du système hpRNA réside en effet dans la possibilité de créer facilement des transgènes chimères pour conférer une résistance simultanée à plusieurs virus.

1.3.3Stratégie amiRNA

À condition de conserver la structure secondaire des précurseurs de miRNA endogènes, des modifications de séquences peuvent être introduites pour générer des amiRNA de 21 nucléotides capables de cibler des séquences virales [Figure 4.1 | D]. Par exemple, le précurseur du miRNA 159 d'A. thaliana a été modifié pour contenir des séquences complémentaires des séquences des suppresseurs de silencing du Turnip yellow mosaic virus (TYMV) et du Turnip mosaic virus (TuMV) et de la séquence de la CP du TuMV (Niu et al, 2006). Lorsqu'ils sont exprimés de façon stable dans

A. thaliana, ces trois amiRNA confèrent chacun de la résistance vis-à-vis de leur virus respectif. Une

résistance simultanée vis-à-vis des deux virus a été obtenue à l'aide d'un précurseur dimérique d'amiRNA illustrant la possibilité d'élargir facilement le spectre de résistance comme avec la stratégie hpRNA. De façon intéressante, ces plantes transgéniques affichent une résistance spécifique suite à l'inoculation du virus dont dérive la séquence amiRNA même en dessous de 15 °C, une température généralement connue pour compromettre le PTGS (Szittya et al, 2003). À partir du même précurseur miRNA 159, une résistance au Watermelon silver mottle virus (WSMoV) et au CMV a été plus récemment obtenue respectivement dans N. benthamiana (Kung et al, 2011) et Solanum lycopersicum (Zhang et al, 2010).