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c Résistance au gel/dégel

4. Durabilité des mortiers substitués par des sédiments traités

4.3. c Résistance au gel/dégel

4.3.c.i. Objectifs de l’étude de résistance au gel/dégel

L’étude sur les effets du gel/dégel sur les matériaux substitués par les sédiments traités n’a pas pour objectif d’acquérir une compréhension totale des phénomènes mis en jeu, mais plutôt de tester la résistance des matériaux afin d’évaluer les conditions d’utilisation du matériau valorisé. Si cette résistance est médiocre quelles que soient les formulations testées, le matériau devra vraisemblablement être protégé des conditions hivernales pour toutes ses applications futures. Si les résultats permettent de sélectionner une formulation plus résistante permettant alors de faciliter la valorisation du matériau, des essais de caractérisation complémentaires et une campagne dédiée à ce seul sujet devrait être mise en place avant de pouvoir conclure que ces matériaux sont bien utilisables en ambiances hivernales rigoureuses.

Si ces objectifs ne sont pas ambitieux, c’est que la compréhension des mécanismes de dégradation au gel dégel nécessite la prise en compte de certains paramètres qui n’ont pas encore été mesurés : résistance à la traction et distribution du volume poreux notamment. D’autre part, la teneur naturelle des sédiments en chlorures complique encore l’interprétation. Comme nous l’avons vu précédemment (cf. chapitre 4.1.b.ii), les sels de déverglaçage participent aux mécanismes de dégradation (pression produite par la croissance des cristaux, augmentation des gradients de concentration accroissant les pressions osmotiques et variation de la température de solidification de l’eau avec la distance à la surface exposée aux sels). La distribution des sels dans les échantillons de mortiers substitués est bien différente de celles habituellement rencontrées. Usuellement la concentration décroît lorsque l’on s’éloigne de la surface, ce qui est une conséquence du temps nécessaire aux ions pour diffuser dans la matrice, on observe également une diminution de cette concentration à la surface due au lessivage des sels par l’eau de ruissellement. Le profil auquel nous sommes confrontés croît avec la profondeur. La photo 4-4 montre le profil de rupture d’un échantillon MS100* soumis à des cycles de saturation/désaturation et les mouvements de l’eau provoquent un lessivage des couches extérieures du mortier. Lors des cycles de gel/dégel, la succession de gel dans l’air et de dégel dans l’eau, conduit très certainement à des profils de concentration équivalents. L’interprétation des résultats de résistance au gel/dégel fait donc intervenir une trop grande quantité de « nouveautés » par rapport à ce que l’on trouve généralement dans la littérature, pour avoir pu être convenablement traité dans cette étude.

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Photo 4-4: distribution des cristaux de sels dans une éprouvette MS100* soumis à des cycles de saturation/désaturation. 4.3.c.ii. Résultats de l’étude de dégradation au gel/dégel.

Rappelons que la procédure de test consiste en une immersion des échantillons durant 45min dans une eau à 20°C ± 2°C, suivie d’une exposition à l’air à une température de -22°C durant 8 à 14h. Les désordres ont été évalués au moyen de mesures de la déformation sur échantillons prismatiques (4x4x16 cm) et de l’évolution du module élastique statique par rapport à la valeur après 28 jours de maturation, avant le début des cycles de dégradation selon le protocole décrit précédemment (cf. chapitre 4.2.b.iii).

La figure 4-26 présente l’évolution des modules élastiques des mortiers de 2ème phase avec le nombre de cycles de gel/dégel (moyenne sur 2 à 3 éprouvettes). Le même graphique, mais sur lequel sont reportés les résultats de chaque éprouvette en plus de leur moyenne, est disponible en annexe III, afin de se rendre compte de la dispersion des résultats. Malgré la dispersion obtenue, parfois assez sensible (mais logique au vu des conditions d’expérimentation), la tendance globale d’évolution des matériaux peut être considérée comme relativement fiable. Sur la figure 4-27 sont reportées les déformations des éprouvettes 4x4x16 en fonction du nombre de cycles (le graphique détaillé est disponible en annexe IV).

Le comportement des mortiers de référence permet de tirer deux conclusions. Tout d’abord, la dégradation des matériaux cimentaires soumis au gel/dégel, évolue par seuils (cf. chapitre 4.1.b.i : réalisation d’un béton résistant). Ainsi la résistance au gel/dégel décroît brutalement lorsque le E/C dépasse 0.5. La décroissance du module d’Young est quasi immédiate pour le mortier MN055, alors que le module élastique du mortier MN05 ne commence à décroître qu’au bout de 90 cycles. D’autre part, comme expliqué par A.M. Neuville [NEUVILLE 2000-g], les vides les plus importants, dus à un mauvais serrage ou à un compactage incomplet du béton, sont habituellement remplis d’air et ne contribuent pas de manière sensible au gonflement du béton, ce que confirme le comportement du mortier MN045.

L’observation des mortiers MS25, MS33 et MS50 montre une corrélation directe entre taux de substitution et résistance au gel dégel. L’augmentation du volume de granulats poreux saturés et la diminution probable de la résistance à la traction expliquent ce comportement. On notera toutefois que les mortiers substitués sont plus résistants qu’un mortier ayant un E/C

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élevé. Les comportements des mortiers MS33 et MS33NPS, permettent de conclure à l’inefficacité de l’usage de granulats non pré-saturés comme seule mesure de lutte contre l’agression du gel. La vitesse d’absorption élevée de l’eau par les granulats en est certainement la cause. En revanche, une très forte différence est observée avec la granulométrie de la substitution. Le module élastique du mortier MS33 0.315/4 descend en deçà de 85% de sa valeur initiale au bout de 50 cycles, alors qu’il faut attendre 120 cycles pour que le mortier MS33 0/0.315 subisse la même décroissance. La durabilité atteinte est même assez proche de celle du mortier MN05. La diminution de la porosité des granulats et de la porosité totale du matériau lorsque l’on réduit la fraction granulaire utilisée pour la substitution peut expliquer cet important gain de performances. Le mortier MS33SF montre également une bonne résistance à la dégradation qui confirme la qualité de ce matériau pressentie lors des mesures précédentes (porosité, résistance). Nous ne sommes toutefois pas en mesure de donner une interprétation satisfaisante de ces résultats.

55 65 75 85 95 105 115 0 20 40 60 80 100 120 140 160 MN045 MN05 MN055 MS25 MS33 MS50 MS33NPS MS33 0/0,315 MS33 0,315/4 MS33SF Module élastique (% de la valeur à 28 jours)

Exposition aux cycles de gel/dégel (nombre de cycles)

Figure 4-26: évolution du module élastique statique des échantillons de 2ème phase en fonction du nombre de cycles de gel/dégel.

L’observation des déformations des échantillons soumis au gel/dégel confirme, dans l’ensemble les observations précédentes. Seul le mortier MS33 0/0.315 semble subir des dégradations plus importantes que celles observées à partir des mesures du module élastique sans que nous sachions l’expliquer. Ces mesures confirment également les suggestions de R. Zaharieva [ZAHARIEVA 2004] considérant la mesure des déformations des échantillons soumis au gel/dégel, comme le protocole expérimental le plus représentatif. En effet, l’expansion des échantillons est sensible dès le début de la campagne de mesure alors que les mesures de module élastique ne rendent compte des désordres subis par les échantillons qu’au bout d’un nombre parfois élevé de cycles. Une micro fissuration ou la croissance de composés expansifs doit avoir lieu dès le début des cycles mais le protocole de mesure du module élastique ne permet pas de les mettre en valeur.

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0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 0 20 40 60 80 100 120 140 160

Nombre de cycles de gel/dégel Déformations (µm/m) MN05 MN045 MN055 MS33 MS25 MS50 MS33NPS MS33 0/0,315 MS33 0,315/4 MS33SF

Figure 4-27: évolution des déformations des mortiers de 2ème phase en fonction du nombre de cycles de gel/dégel.

Enfin des observations visuelles des échantillons permettent d’apprécier la nature des dégradations (cf. photos 4-5, 4-6 et 4-7). Le mortier MS33 0/0.315 semble intact après 30 cycles. Le mortier MS50 (après 38 cycles) apparaît très dégradé et un écaillage important de la surface est visible. Enfin le mortier MS33 0.315/4 montre une pâte visiblement intacte, mais les granulats en surface ont laissé la place à des creux, laissant peu de doutes sur le caractère gélifs des granulats de sédiments traités.

Photo 4-5: échantillon de mortier MS33 0/0.315 après 30 cycles de gel/dégel.

Photo 4-6 : échantillon de mortier MS33 0.315/4 après 30 cycles de gel/dégel.

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Photo 4-7:échantillon de mortier MS50 après 38 cycles de gel/dégel.

4.3.c.iii. Conclusions de l’étude de résistance au gel/dégel

Cette étude montre que la résistance au gel/dégel des mortiers substitués est intermédiaire à celle de mortiers classiques de E/C 0.5 et 0.55. Les granulats de sédiments traités sont fortement gélifs et leur présence réduit sensiblement la résistance au gel du mortier comme le montre le comportement des mortiers MS25, MS33 et MS50. Toutefois, la maîtrise de certains paramètres tels que la granulométrie de substitution (et donc de la porosité du matériau introduit) permet de réduire sensiblement la sensibilité au gel, jusqu’à être comparable à celle du mortier MN05. Quoi qu’il en soit, un matériau soumis à des ambiances hivernales rigoureuses se doit d’être protégé par un réseau de bulles d’air entraîné et ce quel que soit son rapport E/C. Les résultats obtenus permettent de penser que le mortier MS33 0/0.315 munis d’un réseau de bulles d’air correctement dimensionné pourrait être capable de résister à des conditions de gel/dégel sévère. Le respect d’une période de cure suffisamment longue avant exposition au gel, permettant de réduire le taux de saturation des pores des granulats, devrait permettre d’obtenir un matériau relativement durable. Si ce séchage était suffisamment efficace, on pourrait même espérer une protection accrue du matériau grâce à la participation complémentaire des pores désaturés des granulats au réseau d’air entraîné, comme cela a été suggéré dans les travaux de T.A. Holm [HOLM 2000].

Enfin, comme cela a été souligné, plusieurs tests complémentaires sont nécessaires pour pouvoir interpréter correctement ces résultats et conclure sur la durabilité au gel/dégel des matériaux substitués et donc sur leurs possibilités d’emploi.