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c Caractérisation environnementale

2. Caractérisation des sédiments pollués et inertés

2.3. c Caractérisation environnementale

Une caractérisation environnementale semblait essentielle afin de vérifier expérimentalement l’efficacité du procédé, mais également pour pouvoir éventuellement comparer le potentiel polluant des sédiments traités avant et après valorisation et ainsi s’assurer que la méthode de valorisation n’était pas susceptible de nuire à la qualité de l’inertage. Ainsi, des tests de teneur totale (par analyse à l’ICP) et des tests de disponibilité des polluants par lixiviation ont été effectués.

2.3.c.i. Composition totale ICP

Les mesures de concentrations totales permettent à la fois de classer les sédiments bruts d’après les valeurs de référence GEODE [GEODE 2000], et ainsi justifier l’utilité du traitement, et de s’assurer que les métaux lourds sont toujours présents dans le sédiment après traitement.

Protocole

Les mesures ont été effectuées dans le cadre d’une étude sur la valorisation et l’impact environnemental du procédé Novosol®, menée par M. Samara [SAMARA 2006]. La solubilisation des métaux lourds est réalisée par minéralisation des échantillons des sédiments. Schématiquement la minéralisation est la dissolution des minéraux et de la matière organique par oxydation. Cette opération peut être obtenue par différentes modes, dont la

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méthode de mise en solution totale par attaque acide dans un milieu ouvert ou fermé et à chaud, qui est la méthode la plus recommandée pour l’analyse des métaux lourds (NF ISO 11466).

Lors de cette étude, l’attaque totale des sédiments a été réalisée à partir du protocole proposé par Ouddane (en 1990 cité par M. Samara [SAMARA 2006]). La procédure de minéralisation appliquée aux échantillons est la suivante : 0.5 g de sédiment sec (fraction inférieure à 63µm) sont introduits dans un godet d’attaque en Téflon à couvercle conique. Dans un premier temps, 10 ml d’acide fluorhydrique à 40% sont ajoutés démarrant ainsi le processus d’attaque du matériel sédimentaire à une température de 100°C pendant 4 heures. Ainsi les silicates, les aluminosilicates et les carbonates (les silicates forment des composants volatils avec l’acide fluorhydrique) sont minéralisés. Après évaporation quasi-totale, 6ml d’acide nitrique et 2ml d’acide chlorhydrique sont ajoutés (la réaction se fait toujours à chaud à une température de 100°C). Après disparition de la totalité du solide, l’excès d’acide est évaporé. Enfin, 5ml d’eau ultra pure permettent de solubiliser les métaux adsorbés sur les parois (2 heures à 100°C). Le résidu de l’attaque totale est ensuite dilué dans 20mL d’eau ultra pure et filtré au moyen d’une seringue équipée d’un filtre de 0.45 µm.

Les plasmas de gaz rare induits par haute fréquence (Inductively Coupled Plasma) sont largement utilisés pour l’analyse élémentaire et en particulier pour l’analyse des métaux lourds. Cette analyse peut s’effectuer en mode simultané, ce qui augmente fortement la productivité de l’appareil et permet la recherche systématique de métaux selon un programme prédéfini dans un grand nombre d’échantillons. Les limites inférieures de quantification obtenues sont meilleures que celles fournies par la spectrométrie d’absorption atomique avec flamme. Avant d’introduire les échantillons dans l’appareil, 4 standards contenant des métaux lourds avec des concentrations préalablement connues sont préparées. L’échantillon, dilué en milieu acide, est introduit directement dans l’appareil. L’appareil utilisé est de type Varian (Liberty II axial view) Inductively Coupled Plasma Atomic Emission Spectrometer (ICP-AES).

Résultats

Le tableau 2-15 permet de comparaison des concentrations totales en éléments traces des sédiments « DFS » bruts et traités, aux niveaux Geode N1 et N2. Les valeurs vertes sont inférieures au niveau N1, en rouge sont représentées celles supérieures au niveau N2, et en orange les valeurs intermédiaires.

Concentration totale (en mg/kg de sédiment sec analysé sur la fraction inférieure à 2 mm)

Eléments traces niveau N1 niveau N 2 Brut TT

Arsenic 25 50 9 38 Cadmium 1,2 2,4 1,9 9,4 Chrome 90 180 110 154 Cuivre 45 90 640 1223 Mercure 0,4 0,8 - - Nickel 37 74 38 66 Plomb 100 200 256 377 Zinc 276 552 786 1756

Tableau 2-15: comparaison des concentrations totales en éléments traces des sédiments « DFS » bruts et traités, aux niveaux Geode N1 et N2.

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Les résultats des mesures de concentration totale illustrent bien la nécessité du traitement puisque toutes les valeurs, ou presque, dépassent le niveau N1 et certaines excèdent même très largement le niveau N2 (c’est le cas du cuivre, du plomb et du zinc). On observe que le traitement ne diminue pas la concentration totale en éléments traces comme cela a été expliqué précédemment. On observe même un accroissement, parfois important des concentrations, causé par la diminution du volume du sédiment durant le traitement et donc la concentration des polluants. Un effet de « pépite » et les incertitudes de mesure, participent à cette explication.

2.3.c.ii. Les tests de lixiviation

La lixiviation correspond à la mise en contact d’une phase solide (déchet, matériau, etc.) et d’une phase liquide. En conditions réelles d’exposition, l’eau est considérée, à juste titre, comme le vecteur principal de l’entraînement de composés inorganiques d’un solide vers le milieu extérieur. C’est pourquoi, de nombreux essais de lixiviation ont été développés depuis une vingtaine d’année pour reproduire, étudier ou plus simplement mettre en œuvre ce phénomène en laboratoire. Ces essais peuvent comporter une dose de réalisme en termes de structure du solide, comme c’est le cas des essais pour déchets monolithiques. Ils peuvent également se caractériser par des conditions d’altération pour le moins agressives comme un pH acide ou « extrêmes » comme des ratios massiques de mise en contact liquide/solide supérieurs ou égaux à 10. L’usage de ces essais concerne principalement la vérification de la conformité par rapport à des seuils réglementaires.

La diversité et la complexité des phénomènes ayant lieu au cours du processus de lixiviation sur le terrain ont rapidement mis en évidence les limites de l’usage des essais « simples » pour identifier, caractériser et comprendre ces phénomènes et leur influence sur le processus de lixiviation. Il en va de même pour réaliser des prédictions dans le cadre d’évaluation des impacts ou des risques environnementaux. A ce stade il est opportun de rappeler que les résultats d’un essai de lixiviation ne peuvent généralement pas être directement interprétés en termes d’impact environnemental. Pour cela, seule une évaluation des risques couplant l’étude des termes source, transfert et cible peut permettre d’y répondre.

La lixiviation XP 31 – 210

Nous avons choisi d’utiliser cet essai à seule fin de pouvoir comparer les résultats obtenus aux valeurs fixées par la directive décharge [JOCE 2003/33/CE] disponibles en annexe I. Cet essai a été réalisé conformément à la norme [AFNOR 1998], et consiste à mettre contact 100 grammes de matériau sec d’une granulométrie inférieure à 4mm et 1 litre d’eau déminéralisée (rapport Liquide/Solide = 10), durant 24h, dans un flacon de 2 litres agité de façon continue. Le lixiviat est ensuite débarrassé des particules en suspension par filtration (membrane de 0.45µm de maille). Les teneurs en éléments traces sont ensuite mesurés par ICP. Le sédiment « DFS » a ainsi été testé sous 4 formes : brut, phosphaté, phosphaté et calciné (nous l’appellerons « traité ») et simplement calciné à 650°C. La figure 2-15 présente ces résultats, comparés aux seuils définis par la directive décharge.

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0,01 0,1 1 10 100 1000 Zn Pb Cd Ni Cr Cu Concentration (mg/kg) Brut Phosphaté Traité Calciné

Directive décharge seuil inerte

Directive décharge seuil non dangereux Directive décharge seuil dangereux

Figure 2-15: résultats de tests de lixiviation selon la norme 31-210 et comparaison aux valeurs seuils défini par la directive décharge.

Les résultats montrent une baisse relative de la fraction lixiviable, à l’exception du chrome. Le comportement du chrome est dû à l’oxydation du Cr(III) en Cr(VI) en atmosphère fortement oxydante : cette forme est beaucoup plus facilement mobilisable et également beaucoup plus toxique. Ce problème a déjà été soulevé par le passé ([DERIE 1996], [KRIBI 2005]). Des études récentes laissent toutefois penser, que dans les conditions d’une valorisation (pH basique), le chrome revient assez rapidement à sa forme la moins toxique. La quasi totalité des valeurs sont en deçà de la limite pour un mise en décharge pour déchets inertes. Cependant, ces résultats ne justifient pas le recours au procédé en comparaison d’une simple calcination. La mesure sur produits simplement calcinés a pour but de tester le potentiel polluant du sédiment en atmosphère oxydante. En effet, la présence de matière organique dans le sédiment brut le place dans un milieu fortement réducteur, qui a tendance à réduire la mobilité des polluants. Ceci met en exergue le problème de la représentativité des résultats d’essais de lixiviation, qui sont très dépendants du mode d’échantillonnage, d’essai et d’analyse.

L’étude de S. Kribi [KRIBI 2005] révèle l’utilité du procédé au moyen d’essais d’extraction séquentielle qui mettent en valeur l’efficacité de l’immobilisation des polluants même dans des conditions de pH très agressives. L’innocuité des sédiments traités vis-à-vis de son environnement est donc assurée dans la plupart des scenarii de valorisations envisageables. En outre, cette étude souligne encore un peu plus, le recul avec lequel doivent être pris les résultats d’un essai de lixiviation.

Enfin, le tableau 2-16 synthétise les résultats des autres analyses réalisées sur les lixiviats. La mesure de la concentration en chlorures a été réalisée au moyen d’un spectrophotomètre de type PhotoLab Spektral, de marque WTW.

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Brut Phosphaté Traité Calciné Chlorures lixiviés (mg/L) 1925 1850 1648 1545

pH du lixiviat 7.52 7.04 11.00 11.37

Conductivité du lixiviat (mS/cm) 6.57 7.08 7.45 7.35

Tableau 2-16: mesure du pH, de la conductivité et des chlorures libres dans les lixiviats.

2.4. Conclusion

Cette étude de caractérisation a permis de mettre en avant quelques traits distinctifs des sédiments et de l’effet du traitement.

Le sédiment brut comme le sédiment traité sont des matériaux fins, essentiellement constitués de quartz et de calcite. Le traitement n’a pas d’effet sur la représentation de ces deux minéraux. Son effet est plus sensible sur la nature de la fraction argileuse et à tendance à réduire l’activité de cette fraction granulométrique. Si les fines sont peu actives, elles sont en revanche largement présentes dans le sédiment traité, représentant jusqu’à 35% de sa masse. Les analyses au granulomètre laser, l’évaluation de la surface spécifique et des observations au MEB, ont mis en avant une structure constituée par l’agglomération de particules fines (diamètre moyen : 15µm) conférant aux granulats de sédiments traités une géométrie tourmentée ainsi qu’une forte porosité intra granulaire.

La caractérisation macroscopique a effectivement révélé une masse volumique à peu près égale à 1.3 g/cm3, une porosité atteignant 65% (assez dépendante de la granulométrie) et un coefficient d’absorption d’eau à 24 heures arrondi à 45%.

Enfin, une caractérisation environnementale des sédiments bruts et traités, a souligné le fort taux de polluant présent dans les sédiments étudiés et ainsi justifié le recours à un procédé de traitement. Les tests de lixiviation ont surtout marqué les difficultés d’interprétation de leurs résultats. La nature même des sédiments introduit un biais dans le dépouillement. Il est bien connu que le sédiment laissé en place dans le milieu naturel (environnement très fortement réducteur) n’est pas générateur de pollution. Le problème se pose au moment de son déplacement. Les protocoles de lixiviation ne prennent pas réellement en compte ce paramètre. L’essai à l’eau déminéralisée, en particulier, défini par la norme française XP 31-210, ne rend pas suffisamment compte de cette modification de l’environnement (cette norme n’est d’ailleurs plus, aujourd’hui, d’actualité remplacé par la norme EN 12457-2). Un test plus agressif comme la TCLP américaine (utilisation d’une solution d’acide acétique) permet de mieux mettre en évidence le réel potentiel polluant des sédiments et met plus en valeur la qualité de la fixation des polluants par le procédé Novosol®. Il n’en reste pas moins que la question de la représentativité des essais de lixiviation est plus que jamais d’actualité, et souligne encore la nécessité de la mise en place d’une réglementation adaptée pour aider à résoudre le problème des sédiments contaminés.

AGOSTINI Franck Chapitre III: Comportement des sédiments Ecole Centrale de Lille traités dans les matériaux à matrice cimentaire

Chapitre III

Comportement des sédiments

traités dans les matériaux à

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