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Résistance bactérienne aux antibiotiques

Rappels généraux

II. Résistance bactérienne aux antibiotiques

1. Origines des résistances bactériennes aux antibiotiques

L’utilisation clinique de la pénicilline dans les années 40 fit face, dès le début, au développement de souches bactériennes résistantes, notamment dans les hôpitaux londoniens qui ont observé un taux de résistance passer de 14% en 1946 à 59% en 1948 [15]. En 1945 déjà, Fleming avait averti face à l’utilisation excessive de la pénicilline lors de son discours d’attribution du prix Nobel.

Au fil des années, à chaque fois qu’une classe d’antibiotiques est développée et introduite, des souches bactériennes résistantes émergent également.

Ainsi, dès les années 50, les publications scientifiques se sont penchées de plus en plus sur les souches bactériennes résistantes.

On retiendra à titre d’exemple l’étude de Knight et al, [16] rapportant des souches qui résistent simultanément à la pénicilline, la tétracycline et à la streptomycine.

Par ailleurs, après la mise sur le marché du chloramphénicol en 1947, l’observation de la résistance bactérienne fut en 1959. Similairement, nous noterons que les dates de mise sur le marché et de découverte de la résistance bactérienne sont respectivement pour la tétracycline 1948 et 1953, pour l’érythromycine, 1952 et 1988 et pour la vancomycine, 1956 et 1988 [17].

En particulier, en 1960 une nouvelle pénicilline est née, dite de classe M (en référence à méticilline). Celle-ci est non hydrolysée par la pénicillinase de Staphylococcus aureus (S.

aureus) [18]. Une année plus tard (1961), on observa par des prélèvements cliniques les

premières souches de S. aureus résistantes à méticilline (SARM) [19]. En 1963, on vit la première épidémie hospitalière à SARM [20].

La figure 2 présente la liste d’antibiotiques introduit et des résistances observées depuis la découverte de la pénicilline jusqu’à 2015.

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Tableau I. Développement des antibiotiques et de leur résistance (OMS :

Organisation Mondiale de la Santé, PDR : pan-drug resistant) [21]

1928 Découverte de la pénicilline par Alexandre Fleming 1930 Première commercialisation du prontosil

1940 Identification du staphylococcus aureus résistant à la pénicilline 1943 Purification de la pénicilline par Florey et Chain.

1940-1962 Age d'or de la découverte et la production de l'antibiotique 1950 Introduction du tétracycline

1953 Introduction de l'érythromycine

1955 Restriction de l'usage de la pénicilline (uniquement sur prescription) 1960 Introduction de la méticilline

1962 Identification du staphylococcus aureus résistant à la méticilline 1962 Introduction de l'acide nalidixique

1967 Introduction de la gentamicine

1968 Identification du staphylococcus aureus résistant à l'érythromycine 1972 Introduction de la vancomycine

1979 Identification du staphylococcus aureus résistant à la gentamicine 1985 Introduction de l'imipenème et de la ceftazidime

1987 Identification de la résistance des entérobactéries à la ceftazidime 1988 Identification d'entérocoque résistant à la vancomycine

1996 Introduction du lévofloxacine 2000 Introduction du linezolide

2000 Identification de la tuberculose (TB) à bacilles ultra-résistants 2001 Identification du staphylococcus aureus résistant au linezolide 2002 Identification du staphylococcus aureus résistant à la vancomycine 2003 Introduction de la daptomycine

2004 Identification de l'acinetobacter baumannii 2010 Introduction de la ceftaroline

2011 Identification du staphylococcus aureus résistant à la ceftaroline 2015 Lancement de l'action globale sur l'antibiorésistance par l'OMS

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2. Comprendre le phénomène de résistance bactérienne

L’antibiotique est efficace si et seulement si il entre en contact avec la bactérie, parvient à la pénétrer, sans être ni détruit ni modifié, et s’y fixer pour finalement perturber sa physiologie. En d’autres termes, il faudra intégrer à la fois les données pharmacologiques associées à la posologie, la voie d’administration, la diffusion tissulaire et le métabolisme de la molécule. Ainsi, si l’une de ces différentes conditions n’est pas respectée, l’antibiotique peut s’avérer inefficace : C’est le phénomène de résistance bactérienne.

Afin de mieux comprendre le phénomène d’antibiorésistance, nous présentons ici les mécanismes génétiques et biochimiques qui sont responsables de la résistance des bactéries aux antibiotiques.

2.1. Résistance naturelle et résistance acquise.

Toute espèce bactérienne peut être naturellement et de manière innée résistante à une ou plusieurs classes d’antibiotiques. Cette résistance, programmée dans le génome bactérien, est fixe et constante. Elle définit par ailleurs le spectre d’activité d’un antibiotique. En d’autres termes, la résistance naturelle est un critère d’identification de la bactérie (e.g. la résistance des entérobactéries et de Pseudomonas sp. aux macrolides).

La résistance acquise, en revanche, concernent uniquement certaines souches au sein d’une espèce normalement sensible à l’antibiotique. Ces souches réussissent, par des modifications génétiques, à résister à l’action d’antibiotiques auxquelles elles sont habituellement vulnérables.

2.2. Mécanismes de développement de l’antibiorésistance

L’apparition de gènes de résistance peut être induit par :

- Mutations sur des gènes chromosomiques [22]. Elles incluent en particulier :

o Les mutations spontanées : concernent un changement spontané, rare, qui affecte la séquence nucléotidique du génome.

o Les mutations induites : concernent l’adaptation d’une bactérie à des conditions défavorables de croissance.

La résistance par mutation est peu répandue en clinique [3]. Ce type de résistance est observé entre autres chez les mycobactéries.

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- Acquisition de gènes de résistance extra-chromosomiques qui proviennent d’autres souches. L’acquisition peut se faire :

o Par conjugaison : un transfert inter-espèce via des plasmides ou des transposons

o Par transduction : un transfert intra-espèce d’une bactérie à une autre via un bactériophage

o Par transformation : un transfert d’ADN nu inter- et intra-espèces entre deux bactéries.

Ces résistances (par acquisition) sont plus fréquentes (80% des résistances acquises), car contagieuses et peuvent concerner plusieurs antibiotiques, voire plusieurs familles d’antibiotiques, conduisant à la multi-résistance des bactéries.

Ainsi, les modifications génétiques permettraient aux bactéries de développer des résistances aux antibiotiques. Quatre mécanismes majeurs peuvent être distingués :

2.3. Inactivation enzymatique

L’inactivation enzymatique de l’antibiotique est considérée comme le principal mécanisme de résistance des bêtalactames, des aminoglycosides et des phénico lés.

Ce mécanisme est par ailleurs souvent associé au MLS (macrolides, lincosamides, streptogra-mines), aux tétracyclines, à la fosfomycine et plus récemment aux fluoroquinolones, bien que cette inactivation ne représente pas le mécanisme de résistance qui prévaut pour ces molécules.

En pratique, le micro-organisme produit une enzyme qui, en modifiant le noyau actif de l’antibiotique par clivage ou par addition d’un groupement chimique, parvient à empêcher la fixation de l’antimicrobien sur sa cible, provoquant à terme une perte d’activité. Par ailleurs, la production d’enzymes peut être induite par un facteur externe.

Parmi les réactions biochimiques catalysées par ces enzymes bactériennes, on peut citer des hydrolyses, des acétylations, des phosphorylations, des nucléotidylations, des estérifications, des réductions et des réactions d’addition d’un glutathion.

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