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2. C ARACTERISATION DES PROPRIETES PHYSIQUES ET MECANIQUES

2.5. Résistance au cisaillement inter-laminaire

La norme ASTM D4475 [ASTM 02] préconise un essai de flexion trois points avec appuis rapprochés, appelé essai Short-beam test, afin d’évaluer la résistance au cisaillement inter laminaire de l’interface fibre/matrice. Cette configuration de flexion avec appuis rapprochés (c'est-à-dire créant une portée dont la longueur correspond à un nombre limité de fois le diamètre de l’armature) induit un effort tranchant prédominant sur le moment de flexion. Le cisaillement est dit « inter-laminaire » car l’effort tranchant est appliqué perpendiculairement à l’interface fibre/matrice.

2.5.1. Programme expérimental

2.5.1.1. Eprouvettes

Les armatures testées sont référencées dans le Tableau 2.7. Les essais ont été réalisés sur des éprouvettes correspondant à des tronçons d’armature de longueur 10 cm. Trois éprouvettes identiques sont testées pour chaque type de matériau.

Tableau 2.7 : Eprouvettes pour essais Short-beam Armature Diamètre nominal (mm) VERRE-S 12,7 CARBO-S 13,5 ARA1-S 12 ARA2-S 11 2.5.1.2. Matériel

Pour la réalisation de ces essais, un bâti spécifique (Figure 2.11) a été conçu dans le cadre de ce travail de thèse à partir de la norme précitée. Ce bâti a ensuite été fabriqué, puis a été installé sur une machine d’essai Instron 5969 ®. Une spécificité de ce bâti réside dans la forme géométrique des appuis, détaillée sur la Figure 2.12. Cette géométrie, qui est adaptée aux éprouvettes à section circulaire, permet pour la gamme de diamètres des armatures testées, d’éviter tout glissement de l’échantillon tout en assurant un caractère ponctuel des appuis.

Figure 2.11 : Montage de l’essai Short-beam

2.5.1.3. Protocole expérimental

La distance entre les appuis inférieurs a été réglée à une valeur correspondant à 5 fois le diamètre des armatures. L’essai est piloté par le déplacement de l’appui supérieur, à une vitesse constante de 1 mm/min. A l’issue de l’essai, la résistance apparente au cisaillement inter-laminaire R de l’armature testée est déduite de l’effort ultime appliqué F par la relation R = 0,849 F/d² [ASTM 02], d étant le diamètre de l’armature.

2.5.2. Résultats et discussions

2.5.2.1. Modes de rupture

Les modes de rupture typiquement observés pour les différentes éprouvettes en PRF sont illustrés sur la Figure 2.13. Les armatures VERRE-S, CARBO-S, et ARA1-S présentent des modes de rupture très similaires par délaminage à l’interface fibre/matrice, ce mécanisme étant initié au niveau de la fibre neutre de l’éprouvette. Pour l’armature ARA2-S, le mécanisme est différent, avec une rupture beaucoup plus localisée et proche du droit du point d’appui central. Ce type de rupture présente les caractéristiques d’une rupture par excès de compression de la matrice (rupture de flexion). Par ailleurs, la forte localisation de la zone de rupture est cohérente avec celle déjà observée précédemment pour les mêmes armatures ARA2-S testées en traction (voir Figure 2.9). Cette spécificité est très probablement liée à la structure tressée de cette armature.

Figure 2.13 : Modes de rupture des armatures PRF lors des essais Short-beam 2.5.2.2. Résistance au cisaillement inter-laminaire

Les résultats des essais Short-beam sont regroupés dans le Tableau 2.8. La Figure 2.14 illustre quant à elle les courbes contrainte/déplacement de l’appui supérieur obtenues pour les différentes armatures en PRF. Sur ces courbes, la contrainte de cisaillement inter-laminaire  est déduite de l’effort appliqué F par la relation = 0,849 F/d² par analogie avec la formule de calcul de la résistance apparente au cisaillement inter-laminaire. L’ensemble des courbes obtenues est fourni en Annexe D.

Il ressort de ces essais que les armatures VERRE-S présentent la résistance au cisaillement inter-laminaire la plus élevée, ce qui traduirait une très bonne cohésion du matériau au niveau des interfaces fibres de verre/matrice vinylester. Les deux armatures ARA1-S et ARA2-S présentent

interfaces ; notons i) que les fibres d’aramide sont connues pour leur mauvaise compatibilité avec les résines d’imprégnation et ii) que nous ne possédons pas d’indication concernant l’ensimage des différentes fibres. Les armatures CARBO-S présentent des valeurs de résistances plus faibles que les armatures VERRE-S. Ceci peut être dû à une moins bonne adhérence fibres/matrice mais aussi à la présence des nombreux vides observés précédemment par MEB (Figure 2.2), pouvant potentiellement dégrader le transfert des charges au sein de la section de l’armature.

Tableau 2.8 : Résultats des essais Short-beam

Armature Diamètre

nominal (mm) Effort ultime (kN) Résistance (MPa)

VERRE-S 12,7 Essai 1 8,44 44,4 Essai 2 8,65 45,5 Essai 3 8,91 46,9 8,7 ± 0,2 46 ± 1 CARBO-S 13,5 Essai 1 7,13 33,2 Essai 2 6,95 32,4 Essai 3 6,70 31,2 7,0 ± 0,2 32,3 ± 0,8 ARA1-S 12 Essai 1 4,25 25,1 Essai 2 4,94 29,1 Essai 3 4,56 26,9 4,6 ± 0,3 27 ± 2 ARA2-S 11 Essai 1 2,68 18,8 Essai 2 2,81 19,7 Essai 3 2,98 20,9 2,8 ± 0,1 19,8 ± 0,9

Figure 2.14 : Courbes contrainte/déplacement issues des essais Short-beam

2.6. Conclusions

Le travail présenté dans ce Chapitre avait pour objectif d’étudier les principales caractéristiques de différentes armatures en PRF disponibles sur le marché. Nous nous sommes intéressés à des armatures à base de fibres de verre, de carbone, et d’aramide. Dans un premier temps, des

observations par microscope électronique à balayage ont été réalisées sur les sections transversales de chaque armature. Ceci nous a permis de mieux comprendre la microstructure de chaque matériau, et en outre, de relever des défauts de fabrication (présence de nombreux vides) sur les armatures CARBO. Elle a également révélé des différences notables dans les caractéristiques du sable d’enrobage des différentes armatures, dont les grains apparaissent très grossiers et anguleux dans le cas des barres VERRE-S, grossiers mais de forme plus arrondie pour les barres ARA2-S, et de taille plus faible et avec des formes anguleuses pour les armatures CARBO-S et ARA1-S (ces deux dernières barres étant produites par le même fabricant). Ces particularités du sable d’enrobage sont susceptibles de jouer un rôle important sur le comportement mécanique de l’interface béton/armature PRF comme nous le verrons dans le Chapitre 3.

Par la suite, une campagne expérimentale de caractérisation a été réalisée afin de déterminer les principales propriétés physiques et mécaniques des différents types d’armatures. La température de transition vitreuse de chaque matrice polymère a été déterminée par DSC. La résistance en traction ainsi que le module d’élasticité ont quant à eux, été déterminés par des essais de traction. Enfin, l’essai Short-beam nous a permis d’évaluer les résistances au cisaillement inter-laminaire de chaque matériau, et d’estimer ainsi la qualité de cohésion entre fibres et matrice.

Les principaux résultats de ces travaux expérimentaux sont résumés sur la Figure 2.15. Ils concordent avec les valeurs annoncées par les fournisseurs, à l’exception des armatures ARA1 et ARA2, pour lesquelles les valeurs des résistances en traction et de module élastique relevées à l’issue des essais sont largement supérieures à celles annoncées. Parmi les différentes armatures en PRF étudiées, les armatures CARBO présentent les meilleures performances mécaniques en traction (résistance et module élastique). Par contre, elles affichent une valeur de résistance au cisaillement inter-laminaire inférieure à celle des armatures VERRE, ce qui pourrait être attribué à une moins bonne adhérence entre les fibres de carbone et la matrice vinylester, ou alors à la présence des nombreux vides révélés par microscopie MEB, dégradant le transfert des charges au sein de la section du matériau. La matrice polymère des armatures CARBO et ARA1 (produites toutes deux par le même fabriquant) présente une faible valeur de Tg(1), indiquant un risque de dégradation des performances mécaniques des armatures en cas de montée en température de l’ouvrage renforcé. La valeur plus élevée de Tg(2) semble indiquer une réticulation incomplète de la matrice, et donc ouvre la possibilité d’une amélioration du procédé de cuisson de la résine. La matrice composant les armatures ARA2 a révélé par contre de faibles valeurs, à la fois de Tg(1) et de Tg(2). Ces derniers résultats semblent indiquer que la formulation de cette résine n’est pas optimisée pour le domaine d’application visé.

Concernant les armatures VERRE, elles possèdent des modules élastiques et des résistances en traction moins élevées que les autres armatures en PRF (résistance en traction néanmoins supérieure à celle des armatures en acier). Par contre, ces armatures présentent la matrice la plus performante en termes de température de service (Tg élevée et réticulation optimisée), ainsi que la meilleure cohésion fibre/matrice (meilleure résistance au cisaillement inter-laminaire). Notons enfin que les armatures composites à fibres de verre sont les plus abordables du marché (en moyenne 10 à 30 fois moins onéreuses que les armatures à fibres de carbone [FIB 07]). Elles offrent donc un potentiel très intéressant pour des applications dans le génie civil, à condition que leurs performances à long terme puissent être garanties. La durabilité de ces armatures fera l’objet d’une étude spécifique présentée dans le Chapitre 5 de ce manuscrit.

CHAPITRE 3