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La réservation non privative des odeurs par le droit commun de la responsabilité civile

DROIT DES MARQUES

Section 2. La réservation non privative des odeurs par le droit commun de la responsabilité civile

Délimitation du sujet. Le droit de la propriété intellectuelle est le droit le plus

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naturel pour l’appropriation et la protection des biens immatériels. Néanmoins, faute de pouvoir protéger les odeurs, notamment celles utilisées en tant que signes distinctifs dans le commerce, par le biais d’un droit acquis, il convient de s’intéresser à d’autres modes de protection non privatifs. En raison de la nature même des odeurs dont il est question ici, nous n’étudierons pas l’éventualité d’un recours au droit pénal ni même au droit de la responsabilité civile contractuelle. Ces derniers supposent en effet que l’on protège une fragrance complexe qui tomberait sous le sceau du secret protégeable tant par la confidentialité due au titre d’un contrat de parfumeur que par la protection contre l’usurpation ou la divulgation en droit pénal, ce qui n’est pas adapté à notre sujet actuel. Nous envisagerons alors uniquement la responsabilité issue du droit commun de la responsabilité civile et qui tente de préserver des usages honnêtes entre concurrents, limitant les moyens déloyaux qui viseraient à s’accaparer les bénéfices du travail d’autrui, soit par la commission d’une faute (§1), soit par le fait de simples agissements non fautifs (§2)

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Le respect de la loyauté commerciale, fondement des actions. Les droits de

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propriété intellectuelle constituent des exceptions à la liberté du commerce et de l'industrie. Par conséquent, en l'absence de droit privatif sur un signe ou une création, on en revient au principe de la liberté et la seule exploitation du signe ou de la création n'est pas fautive204. La liberté du commerce et de l’industrie, alliée à la liberté de la concurrence qui est son corollaire, entraine alors la possibilité pour chaque opérateur de démarcher la clientèle d’autrui205, sous réserve de ne pas user de procédés commerciaux jugés anormaux ou déloyaux : «la liberté du commerce est nécessaire jusqu'au point où la cupidité [...] commence à en abuser»206. Le dommage concurrentiel est alors licite207, sauf à entrer dans l’abus de ce droit ce qui constituerait une atteinte à la morale des affaires causant un trouble commercial208. La morale des affaires est alors la notion centrale du droit commercial en général, de la concurrence en particulier. Elle est « la somme des contraintes légales et des usages commerciaux sanctionnés par le Droit »209 et permet de sanctionner les comportements jugés illicites. Ainsi, même en l’absence de reconnaissance d’un droit privatif pour certains biens immatériels, et à défaut de cadre légal pour régir la morale commerciale, diverses approches ont été avancées afin de protéger les opérateurs commerciaux contre l’immoralité de leur rivaux, notamment par le biais de la responsabilité civile délictuelle sans faute (§1). Mais, à défaut de reconnaissance de ces propositions, il est possible de constater que c’est la jurisprudence qui s’est chargée de faire respecter cette morale210, fondant son action notamment sur la responsabilité civile délictuelle pour faute des articles 1382 et 1383 du Code civil211 (§2).

204 C. DRUEZ-MARIE, « Le parasitisme appliqué à la protection des signes et des formes », LPA, 25 décembre 1998, n° 154, p. 5

205 X. DESJEUX, « Le droit de la responsabilité civile comme limite au principe de la liberté du commerce et de l'industrie (A propos de la sanction de la copie) », JCP E 1985, n° 22, 14490 : « Le libéralisme économique postule en effet que les entreprises puissent s'arracher ce bien précieux mais instable qu'est la clientèle » 206 ROBESPIERRE, cité par G. SICARD, « Robespierre avait-il une vision économique ? », dans Mélanges G. Sicard, P.U., Toulouse 1, 2000, T. 2, p. 573 et s., spéc. p. 587.

207 V. notamment à ce sujet : J. AZEMA, Le droit français de la concurrence, P.U.F. 1981, p. 92 ; J.-J. BURST et R. KOVAR, Droit de la concurrence, Economica 1981, introduction ; X. DE ROUX et D. VOILLEMOT, Le droit français de la concurrence et de la consommation, Dictionnaires Joly, Paris.

208 Ph. LE TOURNEAU, « Parasitisme – Notion », J.-Cl. Concurrence consommation, fasc. n° 227, 2010, n° 2. 209 Ph. LE TOURNEAU, L'éthique des affaires et du management au XXIe siècle, Essai, Dalloz Dunod, 2000, 2e tirage 2001, p. 6, n° 64 s.

210 Sur le rôle important de la jurisprudence dans ce domaine : Ph. LE TOURNEAU, « Parasitisme – Notion »,

op. cit., n° 102 : « L'ensemble du Droit, celui de la responsabilité comme les autres disciplines, tend à assurer un certain ordre social, en conciliant les intérêts en présence. Cet ordre passe par l'adoption d'un modus agendi, de certaines normes de comportement, dont la loyauté. Et par le respect des équilibres entre les patrimoines, ce qui conduit à prohiber le vol ostensible, tout autant que le parasitisme, qui en est un succédané subreptice et subtil. Si la loi est défaillante à ces égards, c'est aux juges que revient la tâche d'y porter remède »

211 Article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ; article 1383 du Code civil : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

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§1.L’inefficacité du recours à la responsabilité civile délictuelle sans faute

Diversité des approches. Afin de faciliter la préservation des biens incorporels non

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appropriés, diverses idées ont été élaborées pour garantir à l’utilisateur de ce bien une protection face aux acteurs économiques indélicats. Ces diverses approches, si leur démarche est différente, ont en commun de ne pas nécessiter de preuve de la faute de la part de leur auteur mais la simple constatation d’un préjudice touchant à la valeur économique de leurs prestations intellectuelles. Il s’agira alors d’envisager les propositions de réformes législatives (A), tandis que les autres nécessitent une intervention jurisprudentielle (B).

A. Les réformes avortées

La protection des créations réservées.212 La période contemporaine rend les

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frontières classiques de la propriété floues : il est difficile de savoir ce qui est appropriable et ce qui ne l’est pas. C’est dans ce contexte que s’inscrit la proposition de loi du 30 juin 1992 émise par le député Godfrain, par laquelle il a été question de mettre en place un régime de protection spécifique aux biens n’entrant pas dans le champ de protection des droits mis en place par le Code de la propriété intellectuelle. Le champ d’intervention de ce texte protecteur apparait fort large, faisant ainsi référence aux créations issues d’un travail intellectuel et qui peuvent faire l’objet d’une exploitation commerciale. Seraient alors appropriables des créations « non originales ou non inventives »213. Les idées disparates et les réalisations diverses se verraient alors protégées en tant que telles214 grâce à un système qui nous apparait comme pourvu de lacunes de fond comme de forme. Ce texte manque en effet de précision et aurait engendré un régime « hybride, vague mais violent »215, incompatible avec les régimes encadrés par le droit de la propriété intellectuelle. Il aurait « affaibli les droits actuels de la

212 La définition de la création réservée figure à l’article premier de la proposition de loi : « toute création exploitable à des fins lucratives, qui résulte d’un travail intellectuel accompli avec ou sans l’aide d’un matériel ou d’un logiciel est constitutive d’un intérêt patrimonial susceptible de protection juridique », l’article 2 précisant qu’il ne s’agit pas des créations déjà couvertes par la protection d’un droit de propriété intellectuel tel qu’énoncés dans le Code de propriété intellectuel, notamment dans ses livres 1, 5 et 6. Le droit nés d’une création réservées serait exclusif, temporaire et opposable à tous, cessible à titre onéreux et transmissible à titre gratuit. Le texte donne ensuite comme exemple les circuits électroniques, les photographies, les banques de données ou encore le savoir-faire.

213 Ch. LE STANC, « Exclusions de brevetabilité – règles générales », J. Cl. Brevets, fasc. n° 4210, 2009, n° 23. 214 Ch. LE STANC, « La propriété intellectuelle dans le lit de Procuste : observations sur la proposition de loi du 30 juin 1992 relative à la protection des créations réservées », D., 1993, chron., p. 4.

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propriété intellectuelle, qui seraient concurrencés par le nouveau régime »216. Cette proposition, qui n’a pas reçu l’aval de l’assemblée nationale, n’aurait de toute façon pas été, selon nous, adaptée à notre sujet car l’utilisation de l’odeur simple dans le commerce ne résulte pas d’un véritable travail intellectuel et peut ne pas être considérée comme une création au sens de l’article premier du texte envisagé.

La théorie du parasitisme économique. Un projet de loi élaboré par Monsieur

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Desjeux avait pour ambition de consacrer de façon législative la théorie du parasitisme en lieu et place de la jurisprudence, parfois confuse, qui s’évertue à punir les comportements déloyaux. Ainsi, le texte définit comme un abus du droit de la liberté du commerce et de l’industrie le fait, pour un opérateur économique, de reprendre « l’effort imaginatif d’autrui lorsqu’il est individualisé et constitue une valeur économique »217. La sanction de cette reprise du travail d’autrui donnerait droit à une rémunération équitable et à la réparation du préjudice correspondant au manque à gagner éventuel ou au déficit qu’aurait entrainée la reprise. Ce texte très clair avait le mérite d’officialiser la jurisprudence relative à la concurrence déloyale et au parasitisme, tout en harmonisant notre droit avec le traité de Rome consacrant la libre circulation des produits et services. Aucune suite n’a néanmoins été donnée à cette proposition d’homogénéiser la jurisprudence actuelle, qui continue alors à être appliquée. Il convient donc d’écarter l’éventuelle application de cette théorie globalisante et de se référer pour l’heure à la jurisprudence fluctuante qui nécessite toujours la preuve d’une faute. Cette preuve sera dans tous les cas nécessaire dans la mesure où les principes qui ont été revisités par la doctrine en vue d’y faire entrer l’atteinte aux biens incorporels n’ont pas reçus l’aval de la jurisprudence.

B. Le recours infructueux aux théories classiques du droit civil

Le recours à la théorie de l’enrichissement sans cause. Afin de permettre la

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consécration de ces valeurs immatérielles et la condamnation de l'agissement parasitaire, et plus spécialement l'utilisation illégitime des investissements d'autrui, certains auteurs seraient favorables à une substitution de l'enrichissement sans cause à la responsabilité civile comme

216 Ph. LE TOURNEAU, Le parasitisme : notion, prévention, protection, Litec, 1998, n° 351, p. 260, cité par D. GALAN, op. cit., n° 189, p. 170.

75 fondement de l'action218. Ainsi, aux termes de cette action, « si une personne se trouve enrichie sans cause aux dépens d’une autre, cette dernière peut lui demander une indemnité égale à son enrichissement »219. Lorsque nous sommes en présence d’un acte de parasitisme, l’enrichissement et l’appauvrissement corrélatif ne semblent pas poser de problème puisque la perte de l’exclusivité de l’utilisation d’un bien entraine toujours un appauvrissement. En effet, c’est cette exclusivité qui confère sa valeur substantielle au bien en cause. De même, le lien entre l’appauvrissement et l’enrichissement sera facilement établi, les investissements de l’un dans le cadre de la protection et de la diffusion de son bien étant économisés par l’autre. Néanmoins, le caractère subsidiaire de cette action empêche l’utilisation de celle-ci en présence d’une autre action possible, en l’occurrence en lieu et place de l’action en concurrence déloyale. L’action de in rem verso ne peut donc être accueillie. Monsieur Gautier proposait alors d'utiliser cette action lorsque l'action en contrefaçon n'est pas possible et l'action en concurrence déloyale délicate220. Il s’avère néanmoins que cette solution n’est pas celle retenue par la Cour de cassation qui fait de la subsidiarité de l’action une condition à part entière. Ainsi, selon Monsieur Le Tourneau, l'utilisation de ce quasi-contrat peut éventuellement être de bonne venue lorsque les trois conditions en sont réunies, mais il relève que « le succès de l'action de in rem verso suppose un certain nombre de conditions qui, en fait, sont autant d'obstacles à l'utilisation en pratique de ce quasi-contrat dans les affaires de parasitisme »221. Il convient alors de s’intéresser à une autre théorie, celle du trouble anormal de concurrence.

Le trouble anormal de concurrence. A l’image de la théorie des troubles

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anormaux du voisinage, ne peut-on pas évoquer une théorie des troubles anormaux de concurrence, fondée sur un comportement déloyal222 ? Comme en matière de concurrence déloyale, le trouble anormal de voisinage trouvait initialement son fondement dans les articles 1382 et 1383 du Code civil. La jurisprudence, face au développement des comportements anormaux dépourvus de faute, en a fait une responsabilité objective sui generis, dépourvue de

218 L. CADIET, note sous Paris, 18 mai 1989, D., 1990, Jur., p. 340.

219 F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, Paris, 1999, n° 969, p. 895. 220 P.-Y. GAUTIER, Propriété littéraire et artistique, Presse Universitaires de France, 5e édition Paris, 2004, n° 380 et s.

221 Ph. le TOURNEAU, Le parasitisme: notion, prévention, protection, op. cit., p. 254, n° 340.

222 M.-A. FRISON-ROCHE, « Les principes originels du droit de la concurrence déloyale et du parasitisme »,

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rattachement à un quelconque texte législatif223. Cette création prétorienne est alors fondée sur le droit de propriété, plus précisément sur l’exercice anormal de ce droit, mais n’allant pas jusqu’à l’abus. Par analogie donc, certains auteurs proposent de consacrer le trouble anormal de concurrence lorsque l’on dépasse l’exercice normal de la liberté du commerce et de l’industrie, tout comme on condamne le dépassement de l’exercice normal du droit de propriété par le biais du trouble anormal de voisinage. A l’image du parasitisme, il s’agit alors de sanctionner le mauvais usage de la liberté du commerce et de l’industrie par un opérateur économique. L’autonomie des actions contre le parasitisme est alors demandée, les auteurs souhaitant détacher ces actions de l'exigence d'une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Ils conditionnent toutefois cette ouverture de l’action à la violation d'une obligation de loyauté entre entreprises, ce qui revient à exiger une faute et n’apporte alors rien de plus que l’actuelle protection par le biais du parasitisme224.

A défaut d’efficacité et d’application par la jurisprudence de toutes ces théories doctrinales et propositions législatives, c’est vers le recours classique à la concurrence déloyale et à ses divers prolongements que nous nous tournons afin d’envisager la protection des odeurs.

§2. La réservation de l’odeur par le droit de la responsabilité civile délictuelle pour faute

Justification du recours à la responsabilité civile délictuelle pour faute. Dans

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bien des domaines pour lesquels le législateur n’a pas instauré de régime spécifique, la jurisprudence s’est engagée dans une voie de création purement prétorienne afin de combler divers vides juridiques. C’est ainsi qu’ont été créés, comme nous l’avons vu, la théorie de l’enrichissement sans cause ou encore la responsabilité du fait des choses. L’action en concurrence déloyale fait partie de ces créations et peut être définie comme « le

223 Principe consacré par Cass. civ. 2ème, 19 novembre 1986, pourvoi n° 84-16.379, Bull. civ. II, n° 172, p. 116, jurisprudence constante depuis, v. par ex. : Cass. civ. 3ème, 22 juin 2005, pourvoi n° 03-20.068, D. 2006, jur., p. 40, note J.-P. Karila ; Cass. civ. 2ème, 6 mars 2008, pourvoi n° 06-21.310, D. 2008, p. 2458, obs. N. Reboul-Maupin.

224 M.-A. FRISON-ROCHE, « Les principes originels du droit de la concurrence déloyale et du parasitisme »,

RJDA juin 1994, n° 31, p. 487. Dans le même sens : D. GALAN, op. cit., n° 191, p. 171, qui reprend à son compte la définition des troubles anormaux du voisinage pour l’adapter au trouble anormal de concurrence comme suit : « les actes de parasitisme économique pourraient être définis comme les dommages causés à un (intervenants du marché), qui, lorsqu’ils excèdent les inconvénients ordinaires (de l’affrontement commercial), sont jugés anormaux et obligent l’auteur du trouble à dédommager la victime, quand bien même ce trouble serait inhérent à une activité licite et qu’aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause. »

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comportement qui s’écarte de la conduite normale du professionnel avisé, et qui fausse l’équilibre dans les relations concurrentielles, rompt l’égalité des chances qui doit exister entre les concurrents dans un système d’économie libre »225. Cette action répond à un souci d’adaptabilité du droit : « le droit commun des obligations, en l'espèce la responsabilité civile pour faute, sous ses deux figures commerciales que sont la concurrence déloyale et les agissements parasitaires, répond admirablement aux besoins, divers et évolutifs, du monde des affaires (...). La responsabilité civile suffit amplement à protéger les auteurs de n'importe quel bien immatériel nouveau, les logiciels aussi bien que toute valeur économique »226. L’efficacité des actions fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code civil n’est plus à démontrer en ce qui concerne la protection des biens immatériels qui n’auraient pas accédés à la protection privative instaurée par le législateur mais qui souffriraient des agissements d’un autre agent économique, concurrent ou non. Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que l'action en concurrence déloyale peut être intentée même par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif227. En effet, une faute de concurrence déloyale peut être commise à l'occasion de l'exploitation d'une création ou d'un signe distinctif non couvert par un droit privatif, et l'action en concurrence déloyale procurera alors une certaine réservation de cette valeur à son exploitant. Cependant, au regard de la multiplicité des biens nouveaux, l’application jurisprudentielle a fait l’objet d’une évolution vers davantage de souplesse, intégrant de nouveaux cas, tout en assouplissant les conditions d’octroi de cette protection.

Précisions terminologiques. Du fait du développement du contentieux, une

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diversité des actions envisageables est apparue afin de s’adapter aux pratiques toujours plus sournoises des acteurs économiques, ainsi qu’aux biens nouveaux dont on requière la protection.

Après la consécration d’une action en concurrence déloyale désormais bien ancrée dans notre tradition jurisprudentielle, une action en « concurrence parasitaire » est apparue, dont le fondement repose aussi sur les articles 1382 et 1383 du Code civil. L’utilité de la distinction

225 J. PASSA, « Domaine de l’action en concurrence déloyale », J. Cl. Concurrence-Consommation, fasc. 240, n° 19.

226 Ph. LE TOURNEAU, « Le parasitisme dans tous ses états », D. 1993, chron. p. 310.

227 Cass. com., 15 juin 1980, Bull. civ. 1980, IV, n° 174. Le défaut de droit privatif de la victime n'exclut pas la réprobation de la déloyauté dans la compétition commerciale ou du parasitisme. Ces principes ont été rappelés dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 décembre 2009 favorable à la théorie du parasitisme : Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-21.362, Sté Tentation : JurisData n° 2009-050898, Contrats, conc. consom. 2010, comm. 76, note M. Malaurie-Vignal.

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entre les deux actions est apparue discutable pour beaucoup d’auteurs. En effet, l'exercice de l'action en concurrence déloyale et l'exercice de l'action en concurrence parasitaire supposent bien tous deux que le demandeur ne dispose d'aucun droit privatif, qu'il existe une clientèle et, enfin, que le demandeur et le défendeur soient en situation de concurrence228. Ainsi M. Passa estime-t-il qu'il est préférable de parler du concept de « concurrence déloyale pour parasitisme ». La concurrence parasitaire, loin d'être autonome, représente selon lui « une simple variété de concurrence déloyale, la faute consistant seulement à capter indûment le travail ou les investissements fournis par un concurrent plutôt qu'à engendrer des méprises avec ses produits ou son activité, à usurper ses secrets ou encore à le dénigrer » 229. Le caractère discutable de leur distinction230 a été repris par la Cour de cassation qui estime que le comportement parasitaire est en fin de compte un acte de concurrence déloyale231.

Vint ensuite l’application par la jurisprudence232 de la notion d’agissement parasitaire233 qui, s’ajoutant aux deux autres notions, rendit la compréhension plus confuse encore. L’agissement parasitaire peut être défini comme le comportement de quiconque « à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire sensiblement ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements »234. Selon certains, la notion d'agissements parasitaires, qui introduit la responsabilité civile délictuelle pour faute entre non concurrents, «permet de faire progresser la construction juridique et d'atteindre des pratiques condamnables que la classique notion de concurrence déloyale risquerait de laisser impunies»235, écartant ainsi le principe de spécialité de la concurrence déloyale pour punir l’ensemble des acteurs économiques. Pour ce qui nous concerne, et contrairement au domaine