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Réseaux thermiques, chauffage urbain et défis d’implantation

Il existe de nombreux projets envisageables en termes de projet de développement urbain durable. Parmi ceux-ci figure la production locale d’énergie renouvelable, plus spécifiquement le chauffage urbain et les réseaux thermiques, lorsque ceux-ci sont alimentés par des sources énergétiques renouvelables, tels que la géothermie, le solaire

22 thermique ou encore la biomasse. En effet, les municipalités peuvent se sentir concernées par l’aménagement des infrastructures de chauffage urbain, appelées réseaux thermiques, en ce sens que leur implantation et leur déploiement, peu importe qu’ils soient sous contrôle public ou privé, auront d’une manière ou d’une autre des impacts sur leurs pratiques d’aménagement et sur le développement des services et infrastructures municipales.

L’implantation et le développement de ce secteur énergétique posent cependant un certain nombre de défis, et ce, autant à l’échelle locale que nationale. L’étude de l’Association canadienne des réseaux thermiques (ACRT, 2011) est, à cet effet, révélatrice. L’ACRT (2011) évoque parmi les principaux défis d’implantation des réseaux thermiques au Canada et au Québec : 1) une méconnaissance généralisée des réseaux thermiques; 2) des facteurs politiques et règlementaires locaux; 3) des contextes légaux et institutionnels; 4) des attitudes culturelles; 5) l’expertise locale; 6) les ressources humaines et financières locales; 7) les conditions économiques; 8) la propriété des services d’utilité publique; 9) les conditions environnementales, et; 10) la densité et l’intensité de l’occupation du territoire. Plus spécifique au Québec, elle mentionne que la présence au Québec d’un marché hydroélectrique fort et compétitif se répercute comme étant un facteur dissuasif sur les investissements dans les autres formes d’énergies renouvelables, dont notamment le développement des réseaux thermiques.

En ce sens, eu égard aux systèmes européens, les systèmes thermiques québécois sont très peu développés. Une étude réalisée par l’association canadienne des réseaux thermiques (ACRT, 2009) permet de constater que le Québec tire de l’arrière dans le déploiement de ces alternatives de production et de distribution énergétiques. Selon l’ACRT, le Québec compterait actuellement sept (7) réseaux thermiques, auxquels on devrait toutefois rajouter des dizaines de projets de récupération et de partage de chaleur en fonction et/ou en cours de développement, ainsi qu’une dizaine de projets

23 de centrales fonctionnant à la biomasse forestière éparpillée un peu partout au Québec (Amqui, Chapais, Bromptonville, Senneterre, Dolbeau, St-Félicien, etc.).

Tableau 2 - Réseaux thermiques au Québec, selon l’ACRT.

Opérateur Ville

Centre hospitalier Robert-Giffard Beauport

Transcanada Québec Inc.5 Bécancour

Défense nationale Courcelette

Hôpital General Juif SMBD Montréal

Université de Montréal Montréal

Ouje-Bougoumou Ouje-Bougoumou

CCUM Montréal

Source : Adaptation de ACRT, 2009

Bien que des données précises sur la puissance installée au Québec d'énergies produites à partir des systèmes de chauffage urbain et de réseaux thermiques ne soient pas disponibles, il ressort que sur l'ensemble de la capacité de production (et des besoins de consommation) des Québécois, la part du chauffage urbain semble modeste, pour ne pas dire minime. À titre indicatif, en termes de puissance, le plus important réseau québécois est celui de Climatisation et Chauffage urbains de Montréal (CCUM). Il dessert une vingtaine des plus grands édifices du centre-ville de Montréal qui sont tous alimentés par l’énergie thermique, et certains par la climatisation, produite à partir de gaz naturel qui circulent dans plus de 4 kilomètres (km) de tuyaux souterrains. Il possède une capacité de 145 MW de chauffage, et 10 MW de climatisation, et chauffe une superficie totale de 1,8 million de piedscarrés de surface (soit l’équivalent d’un village de 30 000 habitants), lui permettant de se classer au deuxième rang des plus importants réseaux thermique au Canada. Malgré tout, il ne représente que 0,3% de la puissance totale disponible au Québec (de 43 892 MW), une bien modeste part. Il

5Notons que la centrale de cogénération de Transcanada Québec Inc. figurant au tableau de l’ACRT n'est

24 importe de spécifier que les autres réseaux en place sont, pour la grande majorité, des systèmes hérités du milieu du XXe siècle, appartenant à des organisations privées, en boucle fermée, ne connectant que les bâtiments de l'entité privée et n'étant pas relié à d'autres bâtiments résidentiels ou commerciaux, et de dimensions et capacité de puissance considérablement plus faibles que le CCUM. Leur importance relative est donc négligeable dans le profil énergétique québécois.

L'ACRT affirme également que bien que l’énergie produite à partir des réseaux de chaleur puisse l’être à prix très compétitif, il n’en demeure pas moins que des investissements importants, quasi prohibitifs, doivent être faits en amont, nécessitant souvent une intervention gouvernementale quelconque (subventions, exemptions fiscales, etc.) pour supporter son implantation et son déploiement, et concurrencer les faibles prix de l’abondante hydroélectricité québécoise. L’ACRT reconnaît toutefois que les récentes opportunités d’exportation de la biomasse produite par certains acteurs forestiers québécois agissent également comme un incitatif au développement de la filière dans plusieurs municipalités québécoises (ACRT, 2011). L’accessibilité de la ressource et l’émergence d’une expertise québécoise dans la biomasse contribueraient ainsi à faire connaître et rendre accessible cette alternative énergétique aux municipalités et aux entreprises.

Cela étant dit, vu les coûts initiaux prohibitifs, ces réseaux thermiques sont souvent opérés par d’imposants opérateurs publics ou privés (Cariou et al., 2011; OPA, 2010). La question de la gouvernance de ces modes de production énergétique se pose alors et permet d’ouvrir sur d’innombrables questions relatives à l’implantation de ces réseaux thermiques dans le contexte québécois, et ce, particulièrement à l’échelle locale, alors que la situation financière des municipalités québécoises est jugée critique par plusieurs acteurs du milieu municipal (UMQ, 2013). Dans un tel contexte, la question se pose à savoir si en termes de gouvernance le secteur privé devrait être impliqué, voire être le maître d’oeuvre dans le développement de ce secteur énergétique?

25 Nonobstant le mode de développement ou de gestion publique ou privée de cette solution énergétique, si les réseaux thermiques devaient accroître leur importance dans le paysage énergétique québécois, les municipalités seraient inéluctablement impactées et devraient s’impliquer d’une manière ou d’une autre dans leur implantation. Selon l’Ontario Power Authority (OPA), les municipalités seraient ainsi appelées à jouer un rôle central dans le développement des réseaux thermiques dû à leurs fonctions d’aménagement du territoire.

Le développement sur le long terme d’une infrastructure [de chauffage urbain] étendue sur le territoire ne peut fonctionner que s’il est planifié et que cette planification est intégrée à une vision plus large des évolutions du territoire. Il existe ainsi des liens très forts entre le développement des réseaux de chaleur sur un territoire donné, et les politiques d’urbanisme définies sur ce même territoire (OPA, 2010, p.8).

En somme, on peut croire que de miser sur la production locale d’énergie renouvelable, telle que le chauffage urbain le permet, permettrait aux villes de faire face aux défis climatiques et énergétiques en joignant les principes de la ville durable, et en jouissant des potentialités offertes par les infrastructures durables. Or, comment s’initierait un tel projet dans une collectivité locale? Comment est-ce que les municipalités pourraient être impliquées et impactées par le développement de ces projets de développement et service énergétique? Et dans le contexte québécois, quelles sont les opportunités et limites de la production locale d’énergie par le biais du chauffage urbain?