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Pertinence sociale de l’étude, la question de recherche et ses objectifs

La reconnaissance par le gouvernement québécois de la contribution des municipalités dans l’atteinte des objectifs énergétiques du Québec n’est pas récente. Déjà en 1984, en réponse à la crise énergétique qui sévissait, le gouvernement du

26 Québec, via son Ministère de l’Énergie et des Ressources, a produit un « livre-conseil à l’intention des architectes, urbanistes, constructeurs et administrateurs municipaux », intitulé Urbanisme et économie d’énergie (Québec, 1984). Dans ce document, le gouvernement souligne que « la crise de l’énergie a résulté en une prise de conscience, par nos sociétés, de l’épuisement graduel, mais inévitable des énergies à bon marché. (…) Il faut donc diversifier nos sources, s’orienter vers l’autosuffisance et les énergies renouvelables et diminuer dans tous les secteurs notre niveau actuel de consommation» (p.13), et jugent les municipalités incontournables pour atteindre ces objectifs (Québec, 1984). Ce document décrit même la pertinence des réseaux de chaleur pour l’atteinte des objectifs énergétiques du Québec.

Aujourd’hui encore, la récente Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, tenue en 2013, recommande de nouveau dans son rapport que le Québec diversifie ses sources d’approvisionnement en énergie, elle identifie l’aménagement du territoire et les municipalités comme un acteur de premier plan, et reconnaît l’efficacité des «réseaux de chaleur» et leur pertinence dans le cocktail de solutions énergétiques à la disposition du Québec (Lanoue et Mousseau, 2014).

L’installation à grande échelle d’un réseau de chaleur qui distribue le chauffage dans les bâtiments est économique et efficace, car elle permet d’atteindre des performances très intéressantes en matière d’efficacité énergétique et de contrôle de la qualité de l’air. Un réseau de chaleur pourrait privilégier comme source d’énergie la biomasse (résidus forestiers ou agricoles, et matières résiduelles organiques en milieu urbain), ou encore la chaleur fatale relâchée par les industries. La mise en place de tels réseaux de chaleur exige [toutefois] une bonne planification urbaine (idem, p.115).

Rocher (2013) renchérit en affirmant que « les villes ayant un niveau de responsabilité élevé quant aux émissions de gaz à effet de serre et à la consommation énergétique, ainsi qu’un niveau de vulnérabilité importante face aux effets du réchauffement, de fortes attentes sont placées dans les aménageurs appelés à fournir des solutions pour la production de villes low carbon (Davoudi et al., 2009) » (p.3).

27 Les urbanistes et les aménagistes doivent donc, de plus en plus, tenir compte de ces réalités énergétiques et environnementales dans leur pratique (Trépanier, 2012), et le chauffage urbain pourrait être un outil à disposition.

Il s’avère donc que le développement de ces réseaux thermiques ne serait donc pas sans fondements ni conséquences sur le profil énergétique du Québec. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs exprimé plus d’une fois son intérêt envers le développement de cette filière, dont dernièrement en renouvelant et accroissant à 300 MW la quantité de puissance visée par le programme d’achat d’électricité provenant de centrales de cogénération à base de biomasse forestière (PAE 2011-01) (HQ, 2014).

Il demeure tout de même pertinent de poser la question pourquoi est-ce que ces réseaux thermiques demeurent sommes toutes si peu développés au Québec? Cette question sera centrale dans la démarche du chercheur. Elle amènera le chercheur à se questionner sur diverses facette se rattachant à l’implantation des réseaux thermiques dans le contexte énergétique du Québec. Ainsi, le chercheur entama sa réflexion en se questionnant à savoir comment se fait-il que les réseaux thermiques peinent à s’implanter au Québec, alors qu’ailleurs, ce secteur énergétique est relativement répandu depuis des décennies (Connely et al., 2013)? Est-ce que l’abondance de l’hydroélectricité peut en être jugée responsable? Est-ce qu’il y a des défis d’aménagement du territoire et de gouvernance rattachés à l’implantation de ces réseaux thermiques? À quelle échelle et quel(s) acteur(s) seraient les mieux positionner pour implanter ces réseaux thermiques, les promouvoir et les développer dans le contexte québécois?

Le chauffage urbain et les réseaux thermiques ont une couverture très marginale dans la littérature scientifique mondiale. En effet, Rocher (2013) évoque que ces réseaux urbains ont été peu étudiés dans le passé, alors qu’ils semblent toutefois y avoir un regain d’intérêt récemment par le milieu scientifique, faisant l’objet de plusieurs

28 travaux récents, notamment en Grande-Bretagne et en Suède. Au Québec, la littérature semble inexistante. En fait, aucune étude spécifiquement dédiée aux réseaux thermiques et à leur implantation sur le territoire du Québec n’a été trouvée. Et pourtant, il semble que l’implantation des réseaux thermiques, dans le contexte nordique du Québec, recèle un potentiel intéressant, et ce, autant en matière de sécurité énergétique du Québec qu’en matière de développement local et municipal. À ce sujet, Rocher (2013) mentionne que : « la distribution de chaleur (et de froid) questionne plus largement le lien entre urbanisme et énergie, les considérations énergétiques étant parfois considérés comme un impensé de la planification urbaine (Pierce, 1995; Souami, 2007) » (p.2).

Le présent travail de recherche propose donc d’explorer la pertinence du développement des réseaux thermiques à l’échelle locale. Plus spécifique au contexte québécois, la recherche examine pourquoi les réseaux thermiques sont peu implantés au Québec, et tente de voir quelles seraient les implications de leur implantation dans les municipalités québécoises. Pour ce faire, la recherche exploratoire se réfère au point de vue de certains acteurs-clés qui, de par leur témoignage, permettent d’atteindre les objectifs de recherches suivants :

1. Expliquer le faible niveau de pénétration des systèmes de chauffage urbain et de réseaux thermiques au Québec;

2. Explorer les opportunités et défis du développement du chauffage urbain et de réseaux thermiques dans les municipalités du Québec.

Cette recherche explore les points de vue d’acteurs-clés sur les causes de la relative absence des réseaux thermiques dans le portefeuille énergétique québécois et sur les opportunités et les défis potentiels que cela représente pour les municipalités dans le

29 contexte québécois. Les résultats obtenus devraient permettre d’éclairer les décideurs municipaux quant à l’opportunité de développement de la filière dans leur municipalité.

30 CHAPITRE 2

CADRE CONCEPTUEL

Le chauffage urbain et les réseaux thermiques sont une solution énergétique parmi d'autres. Le présent chapitre tente d'expliciter les tenants et aboutissants des réseaux thermiques, de ses avantages et inconvénients, ainsi que de ses implications sur l'aménagement du territoire et sur les municipalités québécoises.