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Qu’entend-on par chauffage urbain ou réseau thermique?

2.1 Le chauffage urbain et ses réseaux thermiques

2.1.1 Qu’entend-on par chauffage urbain ou réseau thermique?

L’on retrouve dans la littérature une multitude de termes pour définir le chauffage urbain, utilisant les expressions réseau de chaleur et de froid, réseaux thermiques, chauffage collectif ou communautaire, ou encore district heating. Tous ces termes se

31 réfèrent au même type d’infrastructure urbaine, soit des réseaux, la plupart du temps souterrains, captant, produisant ou redistribuant de la chaleur ou de la climatisation entre une série d’immeubles. Alors que l’expression chauffage urbain est davantage utilisée pour se référer au service ou au processus de production de chaleur (ou de climatisation), l’expression réseau thermique fait davantage référence à l’infrastructure sous-jacente au chauffage urbain (Cerema, 2010). Or, comme dans la plupart de la littérature consultée, dans le cadre du présent ouvrage, les termes « chauffage urbain » et « réseaux thermiques » seront utilisés comme étant des synonymes. À ce titre, le chauffage urbain ou les réseaux thermiques sont définis par l’ADEME (2009) de la façon suivante :

On appelle réseau de chaleur ou chauffage urbain un ensemble d’installations qui produisent et distribuent de la chaleur à plusieurs bâtiments pour le chauffage et/ou l’eau chaude sanitaire. Le réseau de chaleur est constitué d’un réseau primaire de canalisations, empruntant le domaine public ou privé, transportant de la chaleur qui alimente des postes de livraison installés dans les immeubles des utilisateurs. Sur les mêmes principes, il existe des réseaux distribuant du froid, transporté sous forme d’eau glacée et destiné à la climatisation de locaux (p.6).

Rezaie et Rosen (2012) rappellent qu’il existe plus d’une « classification » possible pour définir les réseaux thermiques, et leur articulation avec leur milieu d’insertion. Certains les classifient donc en fonction du type d’énergie qui est utilisée. Certains sont alimentés par des sources d’énergie fossile comme, par exemple, le mazout et le gaz naturel, alors que de nombreux autres trouvent leur énergie dans des sources d’énergies renouvelables, telles que la biomasse, le solaire thermique, la géothermie, ou la récupération de chaleur fatale (soit par cogénération ou par recyclage des rejets thermiques de certaines industries, par exemple).

Une autre classification possible selon Rezaie et Rosen (2012) est fonction de la densité des besoins énergétiques des utilisateurs finaux de la chaleur ou de la climatisation. Il cite ainsi que l’alimentation, l’architecture, les équipements et les connexions aux réseaux seront donc différents qu’il s’agit de réseaux pour desservir: 1)

32 une zone urbaine densément peuplée; 2) un pôle («cluster») d’édifices de haute densité (par exemple, un campus universitaire, des tours d’habitations; 3) un complexe industriel; 4) une zone résidentielle de faible densité.

Ces classifications rappellent ainsi la diversité de milieux d’insertion possibles des réseaux thermiques. Or, en règle générale, les réseaux thermiques semblent être davantage installés dans des milieux à plus forte densité. Parmi les explications possibles, la littérature fait état, notamment, du volume de consommateurs potentiels ou la densité de consommation énergétique qui permettent d’amortir plus rapidement les coûts d’infrastructures, mais aussi d’une plus grande efficacité (moins de pertes) (Rezaie et Rosen, 2012). Il s’agit essentiellement du principe des économies d’échelle réalisables.

Cela étant dit, l’implantation de réseaux thermiques en milieu de plus faible densité est également possible, à condition que certaines conditions soient remplies. En ce sens, Reihav et Werner (2008) argumentent que lorsque les coûts du système de distribution locale, ainsi que les coûts marginaux de production d’énergie (chaleur et climatisation), sont faibles, il est tout à fait plausible que les réseaux thermiques puissent être viables. Ces mêmes auteurs, citant l’exemple suédois avec ses nombreux réseaux thermiques viables en région de faible densité, rajoutent toutefois que le régime de taxation sur les dioxydes de carbones joue probablement un rôle important dans le développement de cette solution énergétique.

Pour bien comprendre l’économie des réseaux thermiques (sur laquelle nous reviendrons ultérieurement), et pour bien évaluer les possibilités d’implantation dans le milieu, Rezaie et Rosen (2012) expliquent les trois grands sous-systèmes (subsystems) qui composent le chauffage urbain. Premièrement, il y a la centrale de production d’énergie thermique. La centrale, qui peut également être une multitude de lieux de productions et utiliser une variété de sources d’énergie, produit de la chaleur

33 sous forme d’eau chaude (ou liquide caloporteur) ou de vapeur. Deuxièmement, il y a le réseau de tuyaux qui transportent et distribuent l’énergie thermique. Ces tuyaux acheminent aux consommateurs de la vapeur ou du liquide chaud (ou froid) tout en essayant de réduire au maximum les pertes thermiques, si déterminantes dans le calcul de la capacité de puissance de la centrale. Finalement, à l’extrémité, se situent les consommateurs qui peuvent être des résidents, des commerces, des industriels, etc.

Ces trois sous-systèmes doivent être réfléchis, adaptés et articulés afin de s’insérer efficacement dans des milieux aux contextes et environnements distincts. L’on ne choisit pas le même type de centrale que l’on veuille implanter un réseau dans une région forestière (biomasse) ou dans une région à fort gisement solaire (solaire thermique ou photovoltaïque), par exemples. Aussi, les calculs de rentabilité d’un réseau thermique sont évalués différemment en fonction de la densité ou de la mixité du milieu d’implantation. Par exemple, si on désire alimenter avec le chauffage urbain un milieu monofonctionnel de forte densité, par exemple, des tours à bureaux d’un centre-ville, il est généralement préférable de construire une grande centrale de production pour répondre aux pointes de consommation (heures d’ouverture des bureaux), mais où les coûts de distribution peuvent être plus bas. En contrepartie, si on installe un réseau thermique dans un milieu mixte de faible densité, par exemple, une banlieue desservie par plusieurs commerces et services, on peut envisager d’implanter une petite centrale qui jouit d’une complémentarité des besoins (aux différentes heures de la journée), mais dont les coûts du réseau de transport et de distribution sont plus élevés. Pour finir, les besoins ou les habitudes de consommations (troisième sous- système) peuvent également influencer le choix de la centrale ou du réseau de distribution, tout en impactant la rentabilité potentielle des projets (Rezaie et Rosen, 2012). Ces choix sont illustrés dans la figure 3.

34 Figure 3— Illustration d’un réseau thermique et des possibles sources d’alimentation

Source : www.solar-district-heating.eu

La production de chaleur et de climatisation, issues de ces réseaux, peut être faite à partir d’une seule grande centrale ou encore issue de nombreux producteurs, petits et grands. Le choix de la technologie et de la capacité de puissance (taille de la grande centrale ou des multiples plus petits foyers de productions) qui doit être implanté dans un milieu repose sur des calculs et des estimations difficiles à établir (LeTruong et Gustavsson, 2014). Le choix doit être fait en fonction de l’environnement d’implantation, ainsi que du niveau et de la variation projetée de la demande d’énergie (LeTruong et Gustavsson, 2014).

Ces réseaux sont vus comme étant des plus fiables et efficaces énergétiquement, particulièrement dans les régions à fortes demandes en chauffage, dont font partie les régions nordiques (LeTruong et Gustavsson, 2014; Sperling et Moller, 2012). Dans les pays nordiques, les réseaux thermiques prennent tout leur sens de par la durée saisonnière des besoins de chauffage favorisant ainsi la rentabilité des réseaux (Gronkvist et Sandberg, 2004). Technologie éprouvée, en Suède, plus de 50% de toute

35 la consommation de chaleur résidentielle et non-industrielle, et environ 32% de toute l’énergie finale consommée dans les secteurs résidentiels et commerciaux provient des réseaux thermiques (LeTruong et Gustavsso, 2014; Ericsson, 2009). Au Danemark, c’est plus de 75% de la chaleur consommée au niveau résidentiel et commercial qui provient de réseaux thermiques, ou encore 46% de la demande totale nette de chaleur qui provient des réseaux de chaleur (Ericsson, 2009; Lund et al., 2010). Avec son climat nordique, il est surprenant que le Québec n’ait pas davantage misé sur les réseaux thermiques pour répondre à ce besoin inévitable de chauffage, d’autant plus que la demande nordique pour la chaleur contribue généralement aux économies d’échelles réalisables avec de pareils réseaux (OPA, 2010; Sperling et Moller, 2012).