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Chapitre 1. Introduction

1.3 De la tectonique moléculaire à la chimie macromoléculaire

1.3.1 Les réseaux organiques covalents

C’est en 2005 qu’Adrien P. Côté, Omar M. Yaghi et leurs collègues rapportent la préparation des premiers réseaux organiques covalents.37 Ils montrent alors que des réseaux cristallins bidimensionnels de topologie hexagonale, nommés COF-1 et COF-5, sont formés respectivement lors de la déshydratation de l’acide benzène-1,4-diboronique (1.7) ou de sa condensation avec le 2,3,6,7,10,11-hexahydroxytriphénylène (1.8, Schéma 1.4).

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Schéma 1.4. Schémas de synthèse, structures partielles postulées et distance entre deux cycles

aromatiques équivalents des réseaux organiques covalents COF-1 et COF-5.

Les réseaux covalents COF-1 et COF-5 sont poreux et présentent des surfaces spécifiques de 711 m2/g et de 1590 m2/g, respectivement, telles qu’estimées par l’analyse des isothermes d’adsorption de l’azote selon la théorie BET. La structure exacte de ces matériaux n’est toutefois pas connue. En effet, ils sont isolés sous forme de poudres microcristallines dont la morphologie est peu définie, ce qui rend notamment impossible les études de diffraction des rayons X sur monocristal (Figure 1.7). Ainsi, afin d’obtenir une idée approximative de leur structure, des modèles doivent d’abord être construits par ordinateur. Ensuite, les patrons de

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diffraction de ces dits modèles sont simulés puis comparés aux diffractogrammes rayons X expérimentaux de ces poudres. De cette façon, il est possible de conclure que la structure du réseau COF-1 résulte d’un empilement des couches hexagonales plus proche d’une topologie décalée, alors que celle du réseau COF-5 est plus proche d’une topologie éclipsée. Cette conclusion s’accorde avec la distribution de la taille des pores de ces matériaux modélisés à partir des isothermes d’adsorption de l’azote.

A B

C D

Figure 1.7. Micrographies SEM illustrant la morphologie des réseaux COF-1 (A) et COF-5

(B), et représentations d’un réseau bidimensionnel hexagonal décalé (C) et éclipsé (D). Les figures A et B sont reproduites, avec permission, de la référence 37. Copyright 2005 American Association for the Advancement of Science.

Les premiers exemples de réseaux organiques covalents tridimensionnels sont apparus deux ans plus tard, en 2007, et ont aussi été le fruit des recherches du groupe de Yaghi.38 Cette fois encore, c’est la déshydratation d’acides boroniques et la condensation d’esters boroniques avec le 2,3,6,7,10,11-hexahydroxytriphénylène (1.8) qui ont été mises à profit. Afin d’obtenir des réseaux tridimensionnels, ce sont cette fois des acides boroniques dérivés du

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tétraphénylméthane et du tétraphénylsilane qui ont été employés pour produire les réseaux nommés COF-102, COF-103, COF-105 et COF-108 (Figure 1.8).

A

B C D

Figure 1.8. (A) Schéma de synthèse et modèles des structures des réseaux (B) COF-102 et

COF-103, (C) COF-105 et (D) COF-108 tels qu’approximés par diffraction des rayons X sur poudre. Les figures B-D sont reproduites, avec permission, de la référence 38. Copyright 2007 American Association for the Advancement of Science.

Tout comme c’était le cas pour les réseaux bidimensionnels, ces matériaux sont obtenus sous forme de poudres microcristallines et leur structure tridimensionnelle a été approximée par l’usage de modèles (Figure 1.9). Remarquablement, la surface spécifique de ces réseaux est

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très élevée, atteignant 4210 m2/g dans le cas du COF-108. Sa très faible densité calculée (0.17 g/cm3) est idéale pour des applications pratiques et fait des réseaux organiques covalents des candidats de choix pour le stockage des gaz.

A B

C D

Figure 1.9. Micrographies SEM illustrant la morphologie des réseaux (A) COF-102, (B)

COF-103, (C) COF-105 et (D) COF-108. Les figures A-D sont reproduites, avec permission, de la référence 38. Copyright 2007 American Association for the Advancement of Science.

Depuis ces deux publications influentes, plusieurs autres exemples de réseaux organiques covalents sont apparus dans la littérature.39 On peut déduire de ces études qu’afin d’obtenir un réseau organique covalent cristallin, il est nécessaire que son assemblage soit réversible et que la topologie des réactifs soit conservée dans la structure du réseau. Malgré ces restrictions somme toute peu contraignantes, la chimie du bore domine amplement ce domaine et les exemples de réseaux bidimensionnels sont beaucoup plus nombreux que ceux tridimensionnels. Un inconvénient majeur des composés du bore est que les réseaux covalents

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qui en découlent sont sensibles à l’hydrolyse, étant souvent dégradés par l’humidité ambiante.40 Aussi le développement de nouvelles méthodologies de synthèse des réseaux organiques covalents suscite-t-il un intérêt marqué. Malgré tout, seules deux alternatives ont été développées à ce jour, soit la cyclotrimérisation des nitriles et la condensation d’amines et d’hydrazines avec des aldéhydes (Figure 1.10).

A. Formation de boroxines

B. Formation d’esters boroniques

C. Formation de borosilicates

D. Formation d’imines

E. Formation d’hydrazones

F. Cyclotrimérisation des nitriles

Figure 1.10. Réactions ayant été employées avec succès pour la synthèse de réseaux

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Deux exemples de réseaux organiques covalents, COF-30041 et CTF-242, obtenus par ces méthodologies alternatives sont illustrés au Schéma 1.5. Il est à noter que la cyclotrimérisation de nitriles en triazines constitue le seul exemple où des réseaux covalents cristallins ont été obtenus par un processus d’addition plutôt que de condensation. Il semble toutefois difficile d’établir des conditions où la réversibilité de cette réaction est rapide, comme en témoigne la faible cristallinité des matériaux produits par cette méthodologie.43

A B

C D

Schéma 1.5. (A) Schéma de synthèse et (B) image SEM illustrant la morphologie du COF-

300. (C) Schéma de synthèse et (D) micrographie SEM illustrant la morphologie du CTF-2. La figure B est reproduite, avec permission, de la référence 41. Copyright 2009 American Chemical Society. La figure D est reproduite, avec permission, de la référence 42. Copyright 2010 WILEY-VCH Verlag GmbH & Co. KGaA, Weinheim.

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La morphologie microcristalline des réseaux organiques covalents empêche la détermination précise de leur structure, à un point tel qu’il a été suggéré que les structures rapportées de tous les réseaux organiques covalents bidimensionnels devaient être réexaminées.44 Jusqu’à tout récemment, seule la diffraction des rayons X sur poudre était employée afin d’approximer la structure de ces réseaux. Cependant, en 2013, une meilleure approximation de la structure d’un réseau organique covalent a pu être obtenue grâce à la technique de diffraction électronique par rotation.45 Dans cet exemple, la structure du réseau covalent COF-320 a pu être résolue avec un facteur de fiabilité (R1 [I > 2σ(I)]) de 31.0 %.46 Bien qu’il y ait là une amélioration significative comparativement aux modèles précédents, non seulement l’étude cristallographique d’un composé modèle a ici été nécessaire, mais la fiabilité de la structure cristalline déterminée demeure encore très mauvaise.

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