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189 répréhensibles dans notre société et que la possession d’armes soit interdite,

on semble en général plus permissif à l’égard du matériel violent que du matériel pornographique. Il semble cependant que toute cette question soit liée aux préjudices pouvant découler de la circulation de ce genre de matériel. La circulation de matériel violent entraîne-t-elle la banalisation de la violence chez les jeunes ? Stimule-t-elle les comportements violents ou n’a-t-elle pas plutôt pour effet de les dissuader ? Y a-t-il des effets psychologiques à une exposition à ce genre de matériel ? Cette question pourrait faire l’objet d’une attention particulière dans une étape ultérieure.

En vertu du droit public canadien, il n’existe pas d’interdictions à l’égard des contenus violents. On sait cependant que la violence ne constitue pas une forme d’expression protégée par la Charte canadienne165. C’est plutôt au niveau de l’auto-réglementation que les radiodiffuseurs abordent cette question. L’Association canadienne des radiodiffuseurs a d’ailleurs adopté un Code d’application volontaire concernant la violence à

la télévision166, dont l’une des exigences est qu’une mise en garde soit formulée lorsque des scènes de violence apparaissent. Si l’on peut parfois douter de l’efficacité d’une telle réglementation - qui n’interdit pas la diffusion de films violents -, il semble que le doute soit encore plus grand à l’égard du matériel informatique, des images, des jeux167 ou même des

165Voir à ce sujet l’affaire Irwin Toy Ltd. c. Procureur général du Québec, [1989] 1 R. C. S. 927, qui a été la première décision à exclure la violence ou les menaces de violence de la sphère protégée par la liberté d’expression. Toutefois, on peut penser que cette exclusion a priori soit le reflet d’un emprunt injustifié à la jurisprudence américaine en cette matière. En effet, l’interprétation qui doit être donnée au Premier amendement diffère de celle qui devrait être donnée à l’art. 2b) de la Charte canadienne, principalement en raison de la clause limitative de l’article premier de la Charte, in- existante dans le Bill of Rights. Par ailleurs, avec l’affaire Keegstra, rappelons que la dissidence a conclu que "les déclarations fomentant la haine ne s’apparentent pas à la

violence ni à des menaces de violences", puisque le terme "violence" des arrêts Irwin Toy et

Dolphin Delivery "connote une ingérence ou une menace d’ingérence matérielle réelle dans les

activités d’autrui". R. c. Keegstra, [1990] 3 R. C. S. 697, 829 et suiv.

166Voir ASSOCIATION CANADIENNE DES RADIODIFFUSEURS, Code d’application

volontaire concernant la violence à la télévision, C. R. T. C., Avis public 1993-149, 28 octobre 1993.

167Parmi les ludiciels qui comportent des scènes de violence, on peut souligner l’existence des jeux "Blood Bath", "Mortal Kombat", "Wolfenstein 3D", "Doom", etc.

extraits de films, accessibles par le réseau Internet.

35. Les atteintes à la vie privée

Le courrier électronique constitue, selon certains, le service de communication le plus personnalisé de l’Internet. Toutefois, aux États-Unis, le caractère confidentiel du courrier électronique n’est pas tout à fait tranché. L'auteure Anne W. Branscomb rappelle d'ailleurs qu'en raison de l'absence de statuts reconnaissant que l'e-mail au travail était confidentiel, la poursuite d'Alana Shoars contre son employeur, Epson America, fut rejetée168. Et ce, malgré que le courrier papier bénéficie de la protection de confidentialité. Cette affaire a par ailleurs donné lieu à la proposition du

Privacy for Consumers and Workers Act169 devant être intégré à

l'Electronic Communications Privacy Act of 1986 170, et appliquant ainsi aux messages transmis par télécommunications la même protection que les messages téléphoniques vocaux.

Le Code criminel par ailleurs, énonce de façon non-équivoque ce qui constitue une “communication privée” à l’article 183 :

Communication orale ou télécommunication dont l’auteur se trouve au Canada, ou destinée par celui-ci à une personne qui s’y trouve, et qui est faite dans des circonstances telles que son auteur peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle ne soit pas interceptée par un tiers. La présente définition vise également la communication radiotéléphonique traitée électroniquement ou autrement en

168Alana Shoars v. Epson America, No. SWC112749 (L. A. Super. Ct.) ; cité dans A. W. BRANSCOMB, précité, pp. 92 et suiv. au chapitre intitulé : Who Owns Your Electronic

Mail ? Notons qu'aux États-Unis, plusieurs entreprises procèdent au "monitoring" de leurs employés pour s'assurer de leur efficacité au travail. Cette question est abordée dans la section relative à la protection de la vie privée sur l’inforoute.

169Introduit le 19 mai 1993 (103rd Cong. 1sr Sess., U. S. Senate, 1993, S. 984). 17018 U. S. C., §2701 et seq.

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vue d’empêcher sa réception en clair par une personne autre que celle à laquelle son auteur la destine.

Cette disposition, à notre avis, peut conférer au courrier électronique le caractère de “communication privée” ouvrant ainsi la voie à la criminalisation de son interception en vertu de l’article 184 C. cr. On y énonce que quiconque intercepte une communication privée est coupable de cette infraction. Cependant, il faut souligner que l’ensemble des dispositions relatives à l’écoute électronique ont surtout comme objet de définir les moyens par lesquels les agents de la paix, ou autres personnes ayant un mandat légal, peuvent procéder à l’écoute électronique.

Également, la divulgation de renseignements qui ont été interceptés lors d’une communication privée fait l’objet de sanctions criminelles en vertu de l’art. 193 C. cr. De plus, cette divulgation illégale de communications privées peut donner lieu à des dommages punitifs à l’encontre de l’auteur de cette divulgation qui ne peuvent toutefois pas excéder les cinq mille dollars (art. 194(1) C. cr.).

36. Les atteintes à la saine administration de la justice

Bien que la règle générale veuille que les procédures dirigées contre un prévenu aient lieu en audience publique, le législateur a accordé au juge d'une audience criminelle une discrétion pour limiter, inter alia, le droit à la liberté de presse. Le 5 juillet 1993, le Juge Kovacs, présidant sur la notoire affaire Karla Homolka171, s'est prémuni de ce privilège, en émettant une ordonnance de non publication, en vertu de l'article 486 (1) C. cr172. Cette

171http://www.eff.org/pub/Censorship/Foreign_and_local/Canada/Homolka_Tea le_case/homulka_media_ban_canada.ruling

Voir également [1993] O. J. No 2047 ACTION nO. 125/93.

172486. (1) Les procédures dirigées contre un prévenu ont lieu en audience publique, mais lorsque le juge, le magistrat ou le juge de paix qui préside est d'avis qu'il est dans l'intérêt de la moralité publique, du maintien de l'ordre ou de la bonne administration de la justice, d'exclure de la salle d'audience l'ensemble ou l'un quelconque des membres du public, pour toute ou partie de l'audience, il peut en ordonner ainsi.

ordonnance a été accordée, à la demande de la Couronne173, au motif que toute publication sur l'affaire Homolka risquait de causer préjudice au droit de l'accusé Paul Bernardo à un procès juste et équitable, puisque les faits ayant donné lieu aux poursuites contre Bernardo et Homolka étaient similaires. Dans ces circonstances, selon le juge Kovacs, l'ordonnance de non publication garantissait un procès juste et équitable à Bernardo, assurant, de ce fait, la saine administration de la justice.

Malgré l'émission d'une telle ordonnance, certaines informations concernant le procès de Karla Homolka ont circulé, notamment au sein des environnements électroniques174. À titre d'exemples, certains se sont échangé cette information dans le cadre de Groupes de Discussion. Dans le journal étudiant de l'Université de Toronto, le procédé à suivre pour obtenir de l'information à l'aide du réseau Internet a été publié par un étudiant175. Un dénommé Jamie Baillie a téléchargé des informations sur un B. É. qui ont pu alors être télédéchargées par des personnes, dont des Canadiens176.

Puisqu'il est possible d'y faire circuler de l'information à titre anonyme, encryptée, avec une rapidité sans précédent et ce, de façon transfrontalière, les environnements électroniques rendent-ils désormais ineffectif ce type d'ordonnance ? Comment empêcher que de telles informations émanant d'un pays comme les États-Unis atteignent le Canada ? Est-il possible, en pratique, de contrôler la circulation de telles informations ? La saine administration de la justice est-elle réellement garantie par ce type d'ordonnance ? Pensons à l'affaire O. J. Simpson. Croyons-nous vraiment

173Le droit à un procès juste et équitable appartient à l'individu, mais également à la société : R. v. Morin (1992) 71 CCC (3d) 7 (S. C. C.). La Couronne a invoqué le droit de Paul Bernardo à un procès juste et équitable au nom de la société,et ce, en vertu des articles 11 d) et 26 de la Charte canadienne des droits et libertés.

174L'information a également circulé par des moyens plus traditionnels, tels la presse. Ainsi, des copies du Buffalo News et du Detroit News qui contenaient un reportage du

Washington Post sur l'affaire Homulka ont été confisquées par les douanes canadiennes.

http://www.cs.inidiana.edu/canada/Police

175http://www.cs.indiana.edu/canada/BannedInCanada.txt 176http://www.cs.indiana.edu/canada/police

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