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Les atteintes à la dignité et à la sécurité des personnes

161 la sédition (art 59 C cr.), c’est la communication de renseignements ou

34. Les atteintes à la dignité et à la sécurité des personnes

Les activités informationnelles violant le droit à la dignité des personnes sont celles qui ne reconnaissent pas la personne humaine comme une fin en soi, c’est-à-dire comme une personne qui mérite respect, sécurité et valeur. La dignité est un concept suffisamment large pour englober l’ensemble des droits fondamentaux reconnus à l'être humain, y inclus le droit à l'égalité.

b) sans autorisation légitime, communique à un

agent d’un État étranger, ou met à la disposition d’un tel agent, des renseignements d’ordre militaire ou scientifique ou tout croquis, plan, modèle, article, note ou document de nature militaire ou scientifique, alors qu’il sait ou devrait savoir que cet État peut s’en servir à des fins préjudiciables à la sécurité ou à la défense du Canada.

103L’une des plus importantes décisions en cette matière est Boucher v. The King, [1951] R. C. S. 265.

104Notons qu’en France, les appels téléphoniques malveillants et les agressions sonores

(sont) désormais incriminés parmi les atteintes à l’intégralité de la personne (art. 222-16 du noveau code pénal) et peuvent être considérés comme des actes de terrorisme. Voir à ce sujet Marie Elisabeth CARTIER, Le terrorisme dans le nouveau code pénal français (avr. - juin 1995) 2 Rev. sc. crim. 225, 229.

En ce sens, les activités énoncées ci-dessous comportent toute une atteinte à cette dignité.

34.1 Le harcèlement (“Stalking”)

Le thème du harcèlement est emprunté ici aux seules fins d’illustrer l’infraction de “stalking” bien connue en droit américain. Cette infraction est une innovation californienne qui a été largement suivie dans plusieurs autres États américains105. Ces lois visaient essentiellement à prévenir les actes d’agression, en permettant aux policiers d’intervenir dès qu’une personne se sentait “traquée” ou poursuivie106. The motive behind stalking

105L’auteur Eileen Ross écrit que depuis deux ans, ce sont 48 États qui ont adopté des lois crimininalisant le "stalking" : Eileen S. ROSS, E-Mail stalking : is adequate legal

protection available ?, (1995) XIII Journal of Computer & Information Law, 405.

106La loi du Michigan, Mich. Stat. Ann. § 750. 411h(1)(c), (d) (e) (vi), (2) (WL 1995), distingue les termes de harcèlement et de stalking :

(c) "Harassment" means conduct directed toward a victim that includes, but is not limited to, repeated or continuing unconsented contact, that would cause the victim to suffer emotional distress. Harassment does not include constitutionally protected activity or conduct that serves a legitimate purpose.

(d) "Stalking" means a willful course of conduct involving repeated or continuing harassment of another individual that would cause a reasonable person to feel terrorized, frightened, intimidated, threatened, harassed, or molested, and that actually causes the victim to feel terrorized, frightened, intimidated, threatened, harassed, or molested.

Notons que parmi les actions considérées comme des "unconsented contact", on note à l'article 411h. (1)(e), al. (vi) le fait d'envoyer du courrier ou des communications électroniques à une personne. Une personne trouvée coupable de "stalking" peut encourir une peine d'emprisonnement d'au plus un an ou une amende d'au plus 1000$ (§411h. (2)).

Mylène Beaupré et Sophie Hein

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legislation is to eradicate the frustration of being unable to protect the victims of violence before the violence occurs107.

On peut penser que cette action de traquer puisse se réaliser dans le contexte de l’Internet. Des exemples américains le confirment : les affaires Archambeau108 et Powell. Dans ce dernier cas, une femme était constamment assaillie par un auteur de courrier électronique qui menaçait de violer sa fille et qui a fait connaître son adresse à plusieurs millions d'usagers du réseau, les incitant ainsi au harcèlement.

Un équivalent au crime de “stalking” se retrouve dans notre Code criminel à l’art. 372 (3)109. Il apparaît sous la section relative aux “Faux et

107David K. McGRAW, Sexual Harassment in Cyberspace : The Problem of Unwelcome E-

Mail, 1995, 21 Rutgers Computer and Technology Law Journal 491, 509. L'auteur nous renvoie aux articles suivants : Laurie SALAME, A National Survey of Stalking Laws : A

Legislative Trend Comes to the Aid of Domestic Violence Victims and Others, 1993, 22 Suffolk U. L. Rev. 67 et Robert A. GUY, The Nature and Constitutionality of Stalking Laws (1993) 64 Vand. L. Rev. 991.

108Voir E. S. ROSS, précité, 407. L'affaire Jane et Archambeau du Michigan a été le premier cas de poursuite pour le crime de stalking par courrier électronique. Après avoir entretenu entre eux une "relation de communication par courrier électronique", Jane a demandé à Archambeau qu’il cesse de communiquer avec elle. Il a insisté en lui faisant transmettre une vingtaine d’autres messages. Elle a donc porté plainte sous la loi Anti-stalking : State v. Archambeau, No. 2404-4039-SM (47th D. Mich. pending until Spring 1995).

109Il semble intéressant de noter que l’objectif poursuivi par les lois anti-stalking de permettre aux policiers d’intervenir avant que n’aient lieu les actes de violence trouve un équivalent à l’art. 810 C. cr. qui permet qu’une ordonnance judiciaire soit émise à l’effet d’engager l’auteur de menaces de voies de fait à ne pas troubler la paix. Une telle dénonciation doit être portée devant le juge de paix. La professeur Hélène Dumont donne quelques exemples ayant donné lieu à de telles ordonnances :

infractions similaires”110. Notons cependant déjà que d’autres instruments juridiques interdisent le “harcèlement” qui est une composante même du crime de “stalking”111. En ce sens, l’interdiction du harcèlement peut permettre, dans une large mesure, de limiter les cas de “stalking”. L’article 372 précise ainsi :

372. (1) [Faux messages] Est coupable d’un acte

criminel et passible d’un emprisonnement de deux ans quiconque, avec l’intention de nuire à quelqu’un ou de l’alarmer, transmet ou fait en sorte ou obtient que soit

Un ordre de garder la paix a été émis à l’encontre d’une personne qui faisait un nombre important de coups de téléphone à une plaignante (McKenzie c.

Martin, [1954] R. C. S. 361). Un homme a reçu un ordre de garder la paix alors qu’il poursuivait et harcelait systématiquement une femme sur la rue (R. c. Poffenroth, [1942] 2 W. W. R. 362, (1942) 78 C. C. C. 181 (Alta. Police Ct.)). La frayeur causée à une personne au point de lui faire croire qu’on endommagerait ses biens peut donner ouverture à l’ordonnance de l’article 810 C. cr. (Moses c. Enns, [1981] 2 W. W. R. 440 (Man. C. A.)).

Voir Hélène DUMONT, Pénologie : Le droit canadien relatif aux peines et aux

sentences, Montréal, Éd. Thémis, 1993, p. 533.

110Par ailleurs, les infractions de "menace" (art. 264. 1 (1) a) du C. cr.) ou d'"intimidation" (art. 423 C. cr.) peuvent avoir des composantes similaires au crime de stalking. Le crime de menace sera abordé au point suivant, alors que le crime d’intimidation ne couvre pas le harcèlement par courrier électronique, ni même par téléphone. Cette infraction peut avoir lieu lorsqu’une personne suit avec persistance une autre personne de place en place ; prive une personne de l’usage de ses biens ou fait obstacle à un tel usage ; cerne ou surveille le lieu où cette personne réside, travaille ou exerce son entreprise, dans le dessein de la forcer à s’abstenir de faire une chose qu’elle a le droit de faire ou de l’obliger à faire ce qu’elle peut légalement s’abstenir de faire.

111Voir à ce sujet la Loi canadienne des droits de la personne, L. R. C. (1985), c. H-6 En outre, pour plus de détails relativement au harcèlement, dans le contexte d’un recours civil, on peut se reporter à la section sur la responsabilité civile.

Mylène Beaupré et Sophie Hein

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transmis par lettre, télégramme, téléphone, câble, radio ou

autrement, des renseignements qu’il sait être faux.

(2) [Propos indécents au téléphone] Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité par procédure sommaire quiconque, avec l’intention d’alarmer ou d’ennuyer quelqu’un, lui tient au cours d’un appel téléphonique des propos indécents.

(3) [Appels téléphoniques harassants] Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité par procédure sommaire quiconque, sans excuse légitime et avec l’intention d’harasser quelqu’un, lui fait ou fait en sorte qu’il lui soit fait des appels téléphoniques répétés.

Les principales remarques qui peuvent être formulées à l’égard de ces dispositions sont d’abord le fait que le par. (1) se distingue de l’infraction de la diffusion de fausses nouvelles de l’art. 181 C. cr., déclaré inconstitutionnelle dans l’affaire Zundel. La principale distinction semble relever du fait que l’art. 181 C. cr. exigeait qu’il y ait atteinte à “un intérêt public”, alors que l’art. 372(1) exige que le message ait été communiqué “avec l’intention de nuire à quelqu’un ou de l’alarmer”. Cette disposition, par les termes “ou autrement”, trouverait sans doute application dans le contexte des environnements électroniques.

Les deux par. suivants, cependant, sont intimement liés au mode de communication téléphonique. On peut certainement penser qu’au moment de la rédaction de cet article, le téléphone constituait le mode de communication le plus intrusif et il le demeure sans doute encore. Toutefois, le courrier électronique s’en rapproche de façon non négligeable. Ainsi, à moins que les termes de ces dispositions soient modifiés pour inclure le courrier électronique, le “stalking” par courrier électronique demeurerait non couvert au Canada.

Le terme “indécent” du par. (2) permet aussi de s’interroger sur la norme à appliquer. S’agit-il encore de la “norme de tolérance sociale” ou plutôt du degré de tolérance de la personne qui reçoit le message ?

Toujours sous la section relative aux Faux et infractions similaires, on peut noter l’existence d’une interdiction relative à l’envoi de télégrammes, de câblogramme ou de messages radiophonique sous un faux nom (art. 371 C. cr.) ainsi qu’une interdiction de rédiger un document, toujours avec l’intention de frauder, pour le compte d’une autre personne, peu importe son mode de transmission (art. 374 C. cr.).

Aux État-Unis, quatre États ont élargi la portée de leurs lois anti-stalking pour y inclure le E-mail Stalking112 : il s’agit des lois du Michigan, de l'Alaska, de l'Oklahoma et du Wyoming. En effet, il n’est pas certain que seule une interprétation des dispositions existantes permette de couvrir les cas de harcèlement répétitif par courrier électronique, puisque dans certains cas, un contact physique est exigé.

Toutefois, plusieurs auteurs estiment que ces “stalking laws” ne respectent pas le due process of law, garanti au quatorzième amendement du

Bill of Rights américain qui mentionne que No State shall (...) deprive any person of life, liberty, or property, without due process of law. Deux

arguments d’inconstitutionnalité sont surtout avancés à l’encontre de la Loi du Michigan. Il y a d’abord le caractère vague du crime113 ainsi que le fait que la disposition, telle que rédigée, crée une mandatory rebuttable

presumption, c’est-à-dire que la loi porte atteinte à la présomption

d'innocence et à l'exigence, en droit criminel, de faire la preuve hors de tout doute raisonnable pour chacun des éléments du crime et non, une preuve par

112E. S. ROSS, précité, 407.

113Le caractère vague signifie que le comportement réprimé ou interdit n'apparaît pas clairement pour une personne d'intelligence ordinaire et que la loi n'élimine pas une application subjective de celle-ci. Plus précisément, on estime que la loi n'exige pas que l'auteur de stalking ait l'intention spécifique de terroriser, effrayer, intimider, etc. la victime et c'est en cela que la loi serait inconstitutionnelle. C'est le terme "willful" qui permet d'en arriver à cette conclusion, de même que l'importance reconnue aux émotions de la victime ("that would cause" et "emotional distress"), plutôt qu'à l'intention de l'auteur. Aussi, la définition même des contacts non consentis n'exige pas que la victime ait informé l'auteur de son absence de consentement. Voir E. S. ROSS, précité, 415 et suiv., citant l'affaire Grayned v. City of Rockford, (1972) 408 U. S. 104.

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