• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 5 LES RÉSULTATS

5.2.1. Expérience 1 : résultats des natifs britanniques (G2-ANG)

5.2.1.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G2-

Dans le deuxième chapitre nous avons vu que la longueur des énoncés peut avoir un impact sur la tâche proposée et que les chercheurs l’utilisaient souvent dans ce type d’expérience.

Nous souhaitons savoir à quel point la longueur des phrases peut faciliter son identification.

Est-ce que les énoncés plus longs, qui contiennent a priori plus d’information, permettent une identification plus facile que les courtes ?

Effectivement, la figure suivante indique que la proportion de phrases correctement associées à leur région de provenance s’améliore au fur et à mesure que la longueur des énoncés s’accroît. En général, les phrases les plus longues tendent à être globalement mieux identifiées (0.72) que les moyennes (0.64) et les courtes (0.57). Cependant, si nous regardons le détail de chaque région, cette tendance ne s’applique pas toujours systématiquement.

Figure 5.2.1.2.a. Réponses correctes en fonction de la longueur de phrases (G2-ANG)

À l’exception de la région NE (0.65), pour laquelle cet effet de la longueur des phrases ne se manifeste pas, les phrases courtes sont les moins bien identifiées. Pour les régions SE et W, les énoncés de longueur moyenne permettent une meilleure identification alors que pour les autres régions (IR, NE et NUK) ce sont les phrases longues.

Parmi les cinq régions, SE a les proportions les plus élevées (au-dessus de 0.92). Le même schéma se retrouve pour Cardiff : phrases moyennes (0.44), longues (0.33) et courtes (0.23).

Les réponses des catégories IR et NUK suivent le schéma le plus attendu : le taux

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

152

d’identification correct augmente avec les énoncés les plus longs. Ainsi pour l’Irlande, la proportion correctement identifiée des phrases longues est de 0.77, puis 0.70 pour les moyennes et descend jusqu’à 0.58 pour les courtes. Les proportions sont moins élevées pour la catégorie NUK (0.59 pour les longues ; 0.48 pour les moyennes et 0.42 pour les courtes).

En ce qui concerne la région NE, les phrases longues sont correctement identifiées en premier (0.77) et les phrases courtes sont quasiment à la même proportion (0.66) que les phrases moyennes (0.65).

Notons que les phrases courtes n’ont jamais été mieux identifiées que les autres types de phrases.

Il convient maintenant de regarder plus en détail les résultats obtenus pour les différents types de phrases afin de voir si les confusions entre régions, que nous avons déjà constatées, concernent les trois longueurs d’énoncés. Pour ce faire, nous avons d’abord utilisé des matrices de confusion pour lesquelles les résultats sont présentés en fonction de la longueur de la phrase et de la région de provenance.112 Ensuite nous avons établi un seul graphique qui regroupe les trois types de phrases mais cette fois-ci par ville afin de donner une présentation plus visuelle.

- Résultats des natifs pour les phrases longues par région (réponses en proportions)

Dans l’ensemble, les phrases longues sont bien catégorisées. Pour les régions IR, SE et NE, il y a peu de confusion avec les autres régions. En ce qui concerne Cardiff, l’avis des participants est davantage éparpillé et les locuteurs sont identifiés à la fois comme des Gallois (0.33) et comme des locuteurs SE (0.26) et NE (0.30). Ce résultat laisse penser que la répartition des réponses entre ces trois types de phrase s’est faite dans ce cas de façon aléatoire. Comme nous l’avons déjà souligné, nous pensons que ce résultat traduit la qualité peu représentative, ou spécifique, de cette variété plutôt qu’un manque de connaissance de l’accent gallois de la part des auditeurs natifs. La catégorie NUK est largement identifiée en tant que telle (0.59). Cependant, les locuteurs en question sont aussi désignés comme appartenant au Sud de l’Angleterre (0.19), bien qu’à un taux nettement inférieur. Ce résultat

112 Les matrices de confusion sont consultables dans l’annexe 10.

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

153

est surprenant parce que, dans cette catégorie, il y a des locuteurs septentrionaux. Concerne-t-il tous les locuteurs susceptibles d’être classés NUK, même ceux de Bradford ? Pour le savoir, nous détaillons les résultats ville par ville (cf. expérience 2).

- Résultats des natifs pour les phrases moyennes par région (réponses en proportions).

Globalement, les phrases moyennes sont bien identifiées. Les réponses pour les régions IR (0.70) et SE (0.98) sont très claires. Pour cette dernière, il n’y a quasiment aucune erreur. Les locuteurs de la catégorie NUK sont à nouveau classés dans les groupes NUK (0.48) et SE (0.24). Ceci montre que ce groupe reste davantage perçu comme des non-natifs. Par contre, par rapport aux phrases longues, ils sont moins catégorisés comme NUK et davantage identifiés comme SE. Nous n’avançons pas d’explication sur cette différence.

La région NE est correctement identifiée (0.65) mais il y a une légère confusion avec la région SE (0.18). Au niveau des accents, la différence entre l’Angleterre du Nord et du Sud est, a priori, la plus importante. Bien que le taux d’erreurs ne soit pas très important et pourrait ne rien signifier, il est tout de même étonnant. La plupart des Anglais sont tout de même capables de distinguer un accent du Nord d’un accent du Sud à condition que l’accent soit produire avec suffisamment de clarté. Il est donc fort possible qu’un des accents du Nord soit assez neutre.

Plusieurs choses pourraient expliquer ce résultat : les participants ont identifié l’accent de Londres comme appartenant à la catégorie NUK, ce qui réduit le nombre de réponses possibles pour la région SE. Les participants ont pu être influencés devant ce « manque » de réponses pour la SE et ont cherché à combler ce manque, en répondant un peu au hasard. Ou alors tout simplement, les accents du Nord n’étaient pas assez caractéristiques de leur région, ce qui a conduit les auditeurs à répondre au hasard.

En ce qui concerne la ville de Cardiff, la proportion de réponses correctes est supérieure à celle des phrases longues (0.44). Les confusions existent avec les régions SE (0.15), NUK (0.12) et avec la région NE (0.23).

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

154

- Résultats des natifs pour les phrases courtes par région (réponses en proportions).

Lorsque les auditeurs entendent des énoncés courts, le taux de réponses correctes diminue. La région d’Irlande est dans ce cas la moins bien identifiée (0.58) et il existe une confusion avec la région NE (0.20). La longueur des phrases a peu d’impact sur la proportion de réponses correctes pour l’Angleterre du Sud (0.92).

Par contre, pour la catégorie NUK, les énoncés courts sont cette fois-ci associés avec trois régions : NUK (0.42), SE (0.29) et NE (0.17). Ceci peut signifier deux choses : soit la tâche devient plus difficile, soit il y a davantage de traits septentrionaux dans l’accent P. Nous verrons cela dans le détail par ville. Pour la région NE, les accents sont assez bien identifiés (0.66).

Nous constatons que la confusion augmente pour Cardiff. Pour ce type d’énoncé, les réponses pour l’accent gallois sont réparties dans toutes les catégories sauf celle de NUK. Ce résultat souligne à nouveau la difficulté des participants à identifier cet accent qu’ils classent en premier comme appartenant à l’Angleterre du Sud (0.29).

Nous traitons à présent les résultats pour chaque ville afin de mieux comprendre les confusions par région que nous avons mentionnées ci-dessus. Dans ces matrices de confusion, donc, nous donnons la proportion des cinq réponses proposées ainsi que la proportion des non-réponses. En incluant la non-réponse comme choix possible, nous avions donc 6 réponses possibles. Avec une répartition entièrement aléatoire des réponses, nous pouvions attendre une proportion de 0.167 (=1/6) pour chaque réponse possible.

Dans les matrices de confusions qui suivent, nous mettons donc en gras les valeurs qui dépassent cette valeur seuil de 0.167 et en gris les valeurs qui restent en dessous de ce seuil.

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

155

Origine Réponses

IR SE NUK NE W xxx

Belfast 0.85 0 0 0.045 0.061 0.045 Malahide 0.89 0.045 0.045 0.015 0 0

Cambridge 0 0.94 0.015 0 0 0.045

Londres 0 0.35 0.33 0.076 0 0.24 Bradford 0.045 0.030 0.85 0.030 0.015 0.030 Leeds 0 0.11 0.015 0.80 0.015 0.061 Newcastle 0.015 0.015 0 0.82 0.061 0.091 Liverpool 0 0.076 0 0.68 0.15 0.091 Cardiff 0.045 0.26 0 0.30 0.33 0.061

Tableau 5.2.1.2.a. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des phrases longues (proportions).113

L’accent de Malahide est légèrement mieux identifié (0.89) que celui de Belfast (0.85). Parmi les villes de la catégorie NE, les locuteurs de Newcastle sont les mieux catégorisés (0.82), suivis de Leeds (0.80) puis de Liverpool (0.68).

En ce qui concerne la catégorie NUK, seul les Londoniens sont classés dans deux groupes : NUK (0.33) et SE (0.35). Les locuteurs de Londres semblent avoir posé des difficultés aux auditeurs qui n’ont souvent pas répondu (0.24). Ce résultat est le seul à dépasser le seuil aléatoire de 0.167.

Les locuteurs de Bradford sont uniquement catégorisés comme des non-natifs (0.85) : ils ne sont donc pas associés à l’Angleterre du Sud, comme le résultat par région (ci-dessus) aurait pu le laisser croire. Les auditeurs ne semblent avoir aucun doute sur l’origine non-native de ces locuteurs contrairement à ce que nous observons pour les locuteurs Londo-jamaïcains.

113 Les nombres en gras sont ceux qui dépassent un seuil de 0.167 qui correspond à la valeur attendue pour une réponse donnée au hasard (=1/6).

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

156

Origine Réponses

IR SE NUK NE W xxx

Belfast 0.76 0.015 0 0.15 0.030 0.045 Malahide 0.64 0.12 0 0.12 0.045 0.076

Cambridge 0.015 0.98 0 0 0 0

Londres 0 0.44 0.38 0.12 0 0.061

Bradford 0.015 0.045 0.59 0.14 0.12 0.091

Leeds 0 0.29 0 0.68 0.015 0.015

Newcastle 0.091 0.076 0.015 0.65 0.11 0.061 Liverpool 0 0.18 0.061 0.62 0.061 0.076 Cardiff 0 0.15 0.12 0.23 0.44 0.061

Tableau 5.2.1.2.b. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des phrases moyennes (proportions).

Lorsque nous analysons les résultats des régions en fonction des phrases de longueurs moyennes, il apparaît que la ville de Malahide a été moins bien identifiée (0.64) que la ville de Belfast (0.76).

Pour la catégorie NUK, l’accent de Londres est le seul à être associé à la fois à un accent du Sud (0.44) et au NUK (0.38). La ville de Bradford est uniquement associée à un accent non-britannique (0.59), mais dans une proportion inférieure à celle des phrases longues. La confusion Nord/Sud pour la région NE ne concerne que les villes de Leeds et de Liverpool.

Bien que principalement associées avec le Nord, elles le sont également avec le Sud, respectivement à 0.29 et 0.18. L’accent de Newcastle est correctement identifié (0.65).

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

157

Origine Réponses

IR SE NUK NE W xxx

Belfast 0.56 0.076 0 0.26 0.045 0.061 Malahide 0.61 0.14 0.045 0.14 0.015 0.061 Cambridge 0.030 0.92 0 0.015 0 0.030 Londres 0.015 0.54 0.24 0.15 0 0.045 Bradford 0.045 0.045 0.61 0.20 0.061 0.045 Leeds 0.015 0.20 0.030 0.73 0 0.030 Newcastle 0.061 0.12 0.015 0.65 0.11 0.045 Liverpool 0.11 0.15 0 0.61 0.091 0.045 Cardiff 0.20 0.29 0.015 0.23 0.23 0.045

Tableau 5.2.1.2.c. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des phrases courtes (en proportions).

Le détail de ces résultats montre que la confusion entre l’Irlande et le Nord de l’Angleterre ne concerne finalement que l’accent de Belfast (0.26). À l’intérieur de la catégorie NUK, la variété de Londres est toujours associée à deux « régions » (SE : 0.54 et NUK : 0.24).

Toutefois, elle est davantage associée avec le Sud. Pour la première fois, l’accent de Bradford est catégorisé comme une variété du Nord (0.20). Seule la ville de Leeds continue à être associée à l’Angleterre du Sud (0.20).

Afin d’avoir un support visuel plus clair et global de l’ensemble des résultats obtenus, nous proposons ci-dessous une représentation sous forme de graphique mosaïque de toutes les phrases.

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

158

Figure 5.2.1.2.b. Distribution des réponses des natifs britanniques en fonction des provenances géographiques suggérées et en fonction de la longueur de phrases (%).

Dans ce graphique constitué en pourcentage, l’axe Y montre les différents types de phrases pour chaque ville. On voit que l’accent J a été tantôt classé comme NUK tantôt comme SE.

Pour cet accent, les phrases courtes sont plus identifiées comme SE que comme NUK, mais certains auditeurs ont associé également cet accent avec l’Angleterre du Nord, alors que pour l’accent P, la confusion est moins prononcée. On voit très nettement qu’il y a une confusion importante en ce qui concerne l’accent gallois, qui est surtout classé dans les catégories SE, NE et W. Nous constatons de façon générale, comme on l’a déjà remarqué plus haut, que la plupart du temps les phrases longues sont les mieux identifiées.

Pour les accents de l’Angleterre du Nord, Leeds est le plus souvent confondue avec la région SE. Liverpool et Newcastle sont légèrement pris pour un accent du Sud, mais ils sont

tel-00578088, version 1 - 18 Mar 2011

159

également associés avec Cardiff. Nous avons vu que la confusion entre l’Angleterre du Nord et du Sud n’est pas vraiment normale, ni possible si l’accent est assez fort, ce qui laisse supposer que certains locuteurs n’ont pas un accent très caractéristique du Nord.

Comme nous l’avons vu pour les accents irlandais, l’accent de Belfast est davantage pris pour un accent NE alors que celui de Malahide est associé à la fois aux régions NE et SE, et de façon assez homogène.

Il apparaît très clairement qu’il n’y a que l’accent de Cambridge pour lequel il n’y a guère de confusion.