Discussion Générale et conclusion
1. La réponse du PRI au PAR peut être décrite par trois paramètres
L’analyse des relations de forme exponentielle négative entre le PRI et le PAR (rayonnement photosynthétiquement actif) permet de résumer la réponse du PRI à
l’énergie lumineuse en trois paramètres. Le PRI0 est défini comme le PRI d’une feuille ou
d’un couvert adapté à l’obscurité tandis que le PARsat est la valeur de PAR à partir de laquelle
le PRI sature dans cette relation. Le ∆PRI est quant à lui la variation entre le PRI0 et la valeur
de PRI maximum à saturation.
1.1. La variabilité phénologique du PRI : le PRI0
Le PRI0 a été estimé en utilisant l’ordonnée à l’origine de la relation PRI vs. PAR (Chap.II
et Chap.IV) et mesuré sur des feuilles adaptées à l’obscurité à très faible lumière afin de ne pas activer le cycle des xanthophylles (Chap.III). L’approche concernant le suivi des
mini-couverts a mis en évidence la forte corrélation entre PRI0 estimé et mNDI705 à l’échelle de la
canopée, toutes espèces et traitements confondus. Afin de vérifier et valider l’hypothèse selon
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mesurer le PRI0 à l’échelle de la feuille en lien avec la fluorescence. Ces deux approches ont
été validées et ont mis en évidence la forte corrélation entre ce paramètre du PRI et la teneur en chlorophylle des feuilles obtenues par mesures directes (Chap.III, Table 1), par analyses spectrophotométriques de laboratoire (Chap.II, Table 2) et par mesures optiques in situ grâce
à l’indice du mNDI705 (Chap.II, Fig. 10a, Chap.III, Fig. 4a) lui même très fortement corrélé au
contenu en chlorophylle foliaire comme montré dans d’autres travaux (Sims et Gamon, 2002).
A l’échelle de la canopée, le PRI0 est corrélé aussi bien au contenu en chlorophylle mesuré sur
un échantillon de feuilles qu’au contenu total en chlorophylle de l’ensemble du couvert estimé
à l’aide de l’indice mNDI705 du couvert. Dans ces conditions, en tant qu’indices optiques
mesurés à l’échelle du couvert, le PRI0 et le mNDI705, sont non seulement liés au contenu total
en chlorophylle du couvert mais aussi à sa structure en raison de la dépendance entre le
mNDI705 et l’indice foliaire ou le faPAR (Chap. II, Fig. 2b et Fig. 4). Ce résultat est aussi
conforme aux résultats obtenus dans des études antérieurs, et en particulier Xiao et al. (2013).
Cette relation PRI0 et contenu en chlorophylle est maintenue chez les 5 espèces étudiées
(Hêtre commun, Chêne vert, Chêne pédonculé, Chêne sessile et Pin sylvestre) quelque soit l’état phénologique des feuilles et la contrainte abiotique appliquée aux différents stades foliaires (débourrement, saison de végétation et sénescence).
Les valeurs de PRI0 foliaires ont pu être mises en relation avec les valeurs de fluorescence
des feuilles adaptées à l’obscurité (Fo et Fm) mais cette approche nécessite des études complémentaires afin d’affiner la compréhension des liens entre fluorescence et mesures optiques sur des feuilles adaptées à l’obscurité.
Ce travail a montré qu’en fonction de la sensibilité des espèces aux contraintes abiotiques,
la variabilité du PRI0 est fortement liée à l’intensité des stress. La comparaison de pente des
relations entre PRI0 et variables explicatives de ces stress a mis en évidence des réponses
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réponses biochimiques contrastées en fonction de l’espèce et de l’intensité et sources du stress, certaines étant plus sensibles que d’autres. Fréchette et al. (2015) montrent ainsi une variabilité du PRI liée à la composition en pigment sur le long terme 6 fois supérieure à celle
liée au cycle des xanthophylles sur le court terme. La variabilité du PRI0 est donc importante
et nécessite d’être prise en compte lors de l’étude du PRI.
1.2. L’intervalle de variabilité du PRI : le ΔPRI
La variabilité du PRI en réponse au rayonnement est comprise entre les valeurs de PRI0 et
les valeurs de PRI maximales à saturation. Cette variabilité, nomméeΔPRI, a été étudiée à
partir des courbes PRI vs. PAR à l’échelle de la journée. Le ΔPRI reflète la dynamique
temporelle du PRI, à l’échelle de temps considérée, en réponse aux conditions d’éclairement. En d’autres termes il s’agit de la variabilité du cycle des xanthophylles en réponse au PAR
incident. Deux hypothèses sont avancées, la première est que ΔPRI est lié au contenu en
xanthophylle et implique que les valeurs de ΔPRI augmentent lorsque davantage de
violaxanthine (V) est convertie en anthéraxanthine (A) et en zéaxanthine (Z), notamment en
condition de stress. La seconde hypothèse est que ΔPRI est lié au niveau de déépoxydation
des xanthophylles et répond à un ratio de xanthophylle déépoxydé sur le total de xanthophylle
disponible. Dans le chapitre II (Merlier et al., 2015), le ΔPRI n’a montré aucune variation au
cours de la saison pour le chêne pédonculé et le hêtre commun et entre les différentes
conditions hydriques imposées. Le pin montre une différence significative du ΔPRI entre les
plantes contrôles et les plantes soumises à un déficit en eau du sol mais cette différence reste faible et inexpliquée. Ces résultats sont en accord avec Hmimina et al. (2015) et Gamon et Surfus (1999) qui ne montrent pas de variation de ce paramètre. De plus aucune corrélation avec la concentration en contenu en xanthophylle n’a été observée au cours de la saison. En
effet, tandis que le ΔPRI ne varie pas, la concentration totale en xanthophylle des espèces
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violaxanthine (V), Chap.II, Fig. 5a). Garcia-Plazaola et al. (1997) Filella et al. (2009) observent une variabilité de ce pool en fonction du niveau d’éclairement des feuilles au cours de la saison (et notamment une augmentation du pool total de xanthophylles pour les feuilles
de lumière). Ces résultats laissent supposer que le ΔPRI répond à un ratio de dé-époxidation
des xanthophylles, plutôt qu’à une concentration. Des études ont montré que le PRI répond effectivement à un ratio de xanthophylles (Z+A)/(Z+A+V) (Demmig-Adams & Adams, 1966 ; Filella et al., 2009 ; Porcar-Castell et al., 2012 ; Gamon et al., 2015). Ces résultats sont en accord avec les résultats obtenus dans le Chap.II qui ne montrent pas de variabilité des différents pools de xanthophylles au cours de l’année.
Des études plus approfondies sur le ΔPRI en lien avec le niveau de dé-époxydation des
xanthophylles devraient être menées pour mieux comprendre ce paramètre et les mécanismes sous jacents. En effet, l’absence de variabilité observée dans ce travail peut confirmer l’hypothèse d’un ratio mais peut aussi être expliquée par nos conditions expérimentales, où l’échantillonnage est effectué en état de conversion maximale des xanthophylles, ce qui ne
permet pas de confirmer cette hypothèse. De plus, il est possible que la variabilité du ΔPRI
soit en partie masquée par la variabilité du PRI0 dans le modèle utilisé. Une approche intégrée
pourrait être réalisée à l’aide de courbes de réponse du PRI à de nombreux paliers de PAR, pour lesquels la concentration en Z, A et V est connue.
1.3. La variabilité physiologique : le PARsat
Le troisième paramètre dérivé de l’analyse des relations entre PRI et PAR est le PARsat
correspondant à la valeur de PAR à partir de laquelle le PRI sature. En d’autres termes, à ce niveau de PAR, il n’y a plus de variation du PRI car toute la violaxanthine disponible pour le cycle des xanthophylles est convertie en zéaxanthine, afin de permettre la dissipation thermique de la lumière incidente par l’intermédiaire des mécanismes du NPQ. Ainsi, une
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de la lumière incidente et donc une mise en place lente des mécanismes de protection liés au cycle des xanthophylles lorsque le PAR augmente. Le contenu en violaxanthine est converti en zéaxanthine pour un PAR plus important, entrainant de concert une saturation du PRI. A l’inverse, une feuille peu adaptée à la lumière, ou subissant un stress, a une capacité d’assimilation de la lumière faible. Ses photosystèmes saturent pour un PAR incident réduit et
sa valeur de PARsat est diminuée.
A l’échelle de la canopée et sur une année de mesure, le PARsat montre un pattern
similaire à celui du mNDI705 avec une plus grande variabilité temporelle (Chap II, Fig. 4 et
Fig. 9). Cette variabilité additionnelle a été étudiée et montre que le PARsat est non seulement
significativement corrélé au contenu en chlorophylle mais aussi au contenu en eau du sol (Chap.II, Fig. 10). La contribution de ces deux facteurs est différente en fonction de la période de l’année. Lors de la période de végétation, et à l’échelle de la canopée, le facteur explicatif
de la variabilité du PARsat est le contenu en eau du sol (Chap.II, Fig. 10c, Chap.IV, Fig. 5). En
effet, la disponibilité en eau peut limiter le taux de photosynthèse et induire l’établissement précoce des mécanismes de NPQ afin de protéger la plante de l’excès d’énergie absorbée.
Ceci est confirmé par la relation positive entre le PARsat et le contenu en eau du sol qui
indique que les processus liés aux NPQ se mettent en place d’autant plus rapidement que ce contenu en eau est faible. Cependant, lors du débourrement et de la sénescence, cette relation est masquée par la plus forte contribution de la chlorophylle du couvert (estimée à partir du
mNDI705) dans la variabilité du PARsat (Chap.II, Fig. 11). Ces deux phases phénologiques
étant sujettes à une grande variabilité du contenu en chlorophylle, les mécanismes physiologiques liés à la photosynthèse sont limités par la teneur en chlorophylle des feuilles. A l’échelle de la feuille, l’approche développée dans le chapitre III a permis d’aller plus loin et de mettre en évidence la relation entre le PARsat et les stress appliqués. A l’échelle de la feuille, ce paramètre est corrélé au déficit en eau de l’atmosphère et à l’ozone (Chap.III, Table 2). Les résultats des deux approches à l’échelle du couvert et celle à l’échelle de la feuille
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développées dans ce travail permettent de mettre en évidence une forte relation entre le PARsat
et les facteurs limitants la photosynthèse.
L’analyse des pentes entre le PARsat et le facteur explicatif considéré (dans notre cas le pouvoir évaporant de l’air, EA pour le déficit en eau de l’atmosphère et l’AOT40 pour l’ozone) a montré une relation linéaire unique pour chacun des traitements et espèces. Le
PARsat peut être considéré comme un potentiel proxy du fonctionnement physiologique des
feuilles car il dépend de leurs réponses aux contraintes abiotiques. Un approfondissement de la compréhension de ce paramètre est nécessaire pour confirmer ces résultats avec d’autres espèces et contraintes.
Enfin, on peut noter que le PRI0 comme variable quantifiant la composante phénologique
du PRI et le PARsat comme variable quantifiant la composante physiologique du PRI vont
dans le sens des résultats décrits par Gamon et Berry (2012) et Hmimina et al. (2013 ; 2015, Annexe 2) qui décrivent la variabilité du PRI comme le cumul d’une variabilité constitutive due aux variations de composition chimique des feuilles et d’une variabilité facultative due à l’activité du cycle des xanthophylles.