I. 2.1.2 « Effet de taille »
II.2 Banc de microtraction 103
II.2.2 Qualification de la platine
II.2.2.1 Réponse à une perturbation
La maîtrise du déplacement des mors s’avère nécessaire pour assurer un état de
contrainte uniaxial dans l’éprouvette : en effet, un éventuel déplacement gauche lors de la
mise en charge peut induire des sollicitations parasites dans l’éprouvette (flexion, torsion, et
un plissement lié à une rotation dans le repère défini en figure II2 - 5).
De ce fait, un alignement précis des deux mors constitue une étape primordiale et
préalable à la réalisation d’un essai de microtraction.
Compte tenu de la conception de la platine, réaliser un alignement qui demeure stable
est délicat. En conséquence nous avons adapté la procédure expérimentale pour optimiser
l’alignement des mors lors d’une étape initiale à la campagne d’essais, et pour ensuite vérifier
systématiquement la qualité de cet alignement lors de chaque essai.
En conséquence, plusieurs tâches ont été réalisées :
– des mors adaptés ont été usinés pour pouvoir régler l’alignement du mors non sensible
sur l’axe du capteur de force28. Cet alignement est réalisé au début de chaque campagne
d’essais à l’aide d’un profilomètre optique,
– le protocole expérimental dans la mise en place de chaque essai a été adapté pour
vérifier l’alignement des deux mors avant toute sollicitation,
– la robustesse du procédé29 pour tout écart d’alignement a été évaluée de manière à
fournir un ordre de grandeur des erreurs résultantes commises dans l’évaluation des
propriétés mécaniques.
Alignement des deux mors
Deux mors ont été conçus pour permettre d’assurer mécaniquement — et de manière
simple — un réglage en position du mors non sensible selon le principe exposé sur le
schéma II2 - 5. D’un point de vue technologique, cette solution est réalisée à l’aide de deux
vis de pression pour la translation verticaleuz et la rotation autour de l’axe de tractionωx.
L’appui plan et l’arrêt en translation selon l’axe transverse (axey sur la figure) sont assurés
par un serrage, à l’aide d’un boulon, du mors sur un plan perpendiculaire à l’axe de traction
(appui plan de normale u~x et contact linéique sur l’axe de traction induisant u˙y = 0). La
translation verticale est rendue possible par un trou oblong percé dans le mors. La solution
technologique est décrite en annexe A.5.
Ces deux degrés de liberté s’avèrent nécessaires pour corriger les défauts de
positionnement induits par le capteur de force. Ce dernier ne garantit en effet pas la coaxialité
de ses deux axes filetés, et introduit par conséquent une erreur angulaire αentre l’axe de
traction (assuré par une glissière à la base du mécanisme, constituée d’un rail et de plusieurs
rouleaux) et l’axe de l’éprouvette assimilé à l’axe du mors (se référer au schéma II2 - 3). Cette
erreur et la correction qui est apportée sur le mors non sensible sont illustrées en figure II2 - 6.
28Par mors « sensible », on désigne le mors monté en série avec le capteur de force. Par opposition, le mors
opposé est désigné par « non sensible » (cf. figures II2 - 5, II2 - 6.)
29
La robustesse est ici considérée comme étant la capacité d’un système à maintenir ses performances, malgré
des changements dans les conditions d’utilisation ou la présence d’incertitudes liées à ses paramètres ou à ses
composants.
II.2 Banc de microtraction PART.II
FIG. II2 - 5– Présentation de la solution technologique retenue pour minimiser les écarts
d’alignement entre les deux mors. Deux vis de pression assurent la possibilité de réaliser
une rotationω
xet une translationu
z. Il est donc possible d’assurer une coaxialité entrel’axe des mors sensible et non sensible et une coplanarité entre les deux plans des mors
sur lesquels est arrimée l’éprouvette.
La courbure de l’éprouvette (contrainte en flexion) se trouve donc minimisée à l’aide des
réglages possibles sur le positionnement du mors non sensible.
De plus, le degré de réglageωx assure le parallélisme des plans des deux mors. En effet,
la position angulaire du mors sensible se fait manuellement, avec un arrêt en rotation par
serrage d’un écrou dans le mors qui vient pincer l’axe fileté du capteur de force. La torsion
dans l’éprouvette se trouve ainsi également minimisée.
Robustesse des mesures
Outre la minimisation des sollicitations parasites à l’aide d’une modification technique,
la perturbation introduite sur l’évaluation des propriétés mécaniques par un écart
d’alignement a été évaluée à l’aide d’une simulation par éléments finis. Pour ce faire,
les paramètres d’entrée de la simulation ont été relevés sur la configuration optimisée
de la platine par profilométrie confocale. Les écarts mesurés (topographie II2 - 7) sont
représentatifs des conditions d’un essai. La différence de hauteur entre les deux mors est
d’approximativement30µm, celui sur l’axe transverseyest négligeable.
La modélisation par éléments finis de l’éprouvette (code ANSYS) a été réalisée de manière
à estimer les erreurs induites sur les mesures des propriétés mécaniques30. L’éprouvette
simulée est constituée d’un matériau supposé homogène, isotrope, et parfaitement élastique
avec un module et un coefficient de Poisson représentatifs (E = 70 GPa etν = 0,34). Une
section de200×1µm2a été modélisée pour correspondre aux essais faits sur les éprouvettes
en aluminium. Une comparaison a été réalisée entre un essai de traction sans défaut
d’alignement, puis avec un défautδz=30µm(résultats présentés en figure II2 - 8).
30
Cette simulation a également été utilisée pour évaluer l’influence d’une perte d’adhérence au niveau des
ancrages. Les résultats sont exploités dans le paragraphe II.3.2.3.
PART.II II.2 Banc de microtraction
FIG. II2 - 6– Défaut de coaxialitéαentre les deux axes du capteur de force introduisant
une flexion indésirable dans l’éprouvette. Le montage proposé permet un réglage en
hauteur (u
z) du deuxième mors de manière à minimiser une telle flexion.FIG. II2 - 7– Topographie des mors effectuées à l’aide d’un profilomètre confocal (STIL)
et profil extrait (axe des capteurs). La topographie a été redressée pour avoir le mors
sensible plan. Le parallélisme entre les deux mors est suffisant (du moins pour la zone
de fixation des éprouvettes) avec une différence de hauteur d’environ30µm.
II.2 Banc de microtraction PART.II
FIG. II2 - 8 – Simulation par éléments finis (ANSYS) d’un essai de traction sur une
éprouvette de section200×1µm
2, de module E = 70 GPaconsidéré comme élastique
et isotrope. Deux cas de figure ont été simulés : avec ou sans écart de hauteur entre les
deux mors (δz=30µm). La figure représente l’état de contrainte dans le cas avec défaut
d’alignement.
Un déplacement de100µma été imposé sur une extrémité de l’éprouvette, et la contrainte
maximale résultante est utilisée pour évaluer le module d’élasticité. Les résultats sont
présentés dans la table II2 - a.
TAB. II2 - a– Résultats de la simulation par éléments finis : influence sur l’évaluation du
module d’élasticité d’une erreur d’alignement. Les valeurs sont enGPa.
E Eeq
uz=0µm 75,66 70,91
uz=30µm 75,75 71,00
Cette table comporte deux colonnes,EetEeq. En effet, la poutre simulée possède la même
géométrie que les éprouvettes réelles sollicitées dans le cadre de ce projet ; le module Eeq
correspond au module calculé en utilisant une longueur équivalente prenant en compte les
zones de transition à double raccord31. La valeur corrigée vaut70,91 GPa, soit un écart de1,3 %
par rapport à la valeur rentrée dans le modèle.
D’autre part, l’introduction d’une différence de hauteur de 30µm entre les deux mors
induit une composante supplémentaire dans le déplacement. L’allongement subi par
l’éprouvette est donc plus important que dans le cas sans défaut. Toutefois, la mesure de
déplacement, si elle est correctement calibrée, ne relève que la composante du déplacement
parallèle à l’axe de l’éprouvette tel que défini sur le schéma II2 - 3, à savoir dans notre cas
100µm. L’écart d’alignement des deux mors se traduit par une variation de0,12 %du module
de Young, et la valeur obtenue ne s’écarte pas de plus de1,4 %de l’entrée du modèle par
éléments finis.
PART.II II.2 Banc de microtraction
FIG. II2 - 9– Schématisation d’un essai de traction : l’éprouvette et les différents organes
de la platine sont représentés par des ressorts en série (S est la raideur de l’éprouvette,
K
f b,K
f aet F sont respectivement celles du bâti côté « non sensible », du bâti côté
« sensible »
28et celle du capteur de force). Les deux patins M
aet M
breprésentent le
serrage de l’éprouvette sur les mors : en cas de mauvais serrage, il peut y avoir glissement
à partir d’une certaine charge. Enfin, les deux capteurs de déplacement sont représentés :
d
inter f eroetd
embarquesont respectivement la mesure fournie par les interféromètres et la
mesure délivrée par le capteur à taux de réflectance.
Le système retenu pour l’alignement des mors fournit des résultats satisfaisants.
En effet, une analyse de la platine dans des conditions normales d’utilisation met
en évidence des variations d’approximativement 30µmentre l’altitude des deux
mors. Une telle variation de hauteur semble avoir un impact limité sur l’estimation
du module, puisque la variation enregistrée entre les configurations idéale et réelle
ne dépasse pas0,12 %.
Dans le document
Caractérisation micromécanique de matériaux en couche mince destinés aux micro- et nano- technologies
(Page 123-127)