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Réponse cutanée initiale et dissémination viscérale

Partie 2 : Physiopathologie et immunologie de la leishmaniose viscérale

I. Réponse cutanée initiale et dissémination viscérale

La première défense de l’organisme contre les agents infectieux est la barrière constituée par

l'épiderme et les muqueuses, ainsi que les vaisseaux sanguins dont la régulation permet l’infiltrat de

cellules immunocompétentes. Au niveau de la peau, les leishmanies interagissent en premier lieu

avec les cellules résidentes, c’est-à-dire les kératinocytes, les macrophages dermiques et les cellules dendritiques, ainsi qu'avec de nombreux facteurs solubles.

Outre leur fonction de barrière mécanique entre l’hôte et l’environnement, les kératinocytes sont capables de sécréter des molécules participant à la régulation de la réponse immunitaire. En réponse à L. major, ils ont notamment été associés à la production de médiateurs immuno-modulateurs

comme l’IL-12, l’IL-1 , l’ostéopontine, l’IL-4 et l’IL-6, participant ainsi à l’initiation d’une

immunité protectrice contre les leishmanies (Ehrchen et al., 2010).

Les protéines du complément constituent également l’une des premières lignes de défense de

l’organisme contre les micro-organismes qui parviennent à passer outre la protection des barrières

épithéliales et muqueuses. L’activation de ces protéines par la voie classique entraîne la fixation de

C3 sur la membrane plasmique des parasites et son clivage en C3b, capable de se fixer au LPG ou à la protéine gp63 et de déclencher la formation du complexe lytique C5b-9 aboutissant à la lyse

parasitaire (Pearson et Steigbigel, 1980). Les promastigotes qui échappent à l’action délétère du

complément infectent leurs cellules cibles capables de phagocytose.

Les cellules de Langerhans et les cellules dendritiques dermiques jouent le rôle de sentinelles

contre les micro-organismes au niveau de l’épiderme et du derme, respectivement. Dans des

conditions homéostatiques, les cellules de Langerhans sont immobiles et caractérisées par des mouvements de leurs dendrites, tandis que les cellules dendritiques dermiques sont hautement

motiles et évoluent continuellement dans l’espace interstitiel (Ng et al., 2008). Après infection par

L. major, elles s’immobilisent en réponse aux PAMP et phagocytent rapidement un grand nombre

de leishmanies. Des travaux récents ont démontré que ce sont ces cellules dendritiques dermiques

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immunité protectrice contre L. major (Ritter et al., 2004; Brewig et al., 2009). L’implication des

cellules de Langerhans et des cellules dendritiques dermiques dans l’initiation d’une réponse

immune spécifique contre les leishmanies viscérotropes n’est pas documentée.

Les macrophages dermiques phagocytent également les promastigotes par un mécanisme dépendant du CR3 (Locksley et al., 1988). Néanmoins, les cibles principales des leishmanies ne sont pas les macrophages résidents, mais les macrophages migrants en provenance de la circulation

sanguine. Les promastigotes de L. major sont notamment capables d’induire la production de

CXCL1 agissant comme un chimio-attractant pour les monocytes et neutrophiles (Racoosin et Beverley, 1997)

Les polynucléaires neutrophiles, l’un des premiers types cellulaires à migrer vers le site de l’infection sont capables de phagocyter les leishmanies (Chang, 1981; Pearson et Steigbigel, 1981). Une fois ingérées, les leishmanies peuvent être détruites par des enzymes protéolytiques ainsi que

par la production d’espèces réactives de l’oxygène. Les neutrophiles ayant phagocyté des

leishmanies sécrètent de l’IL-8, dans le but d’attirer d’autres neutrophiles au site de l’infection

(Laufs et al., 2002). Les neutrophiles sont des cellules à demi-vie courte, du fait d’un mécanisme

apoptotique déclenché après 6 à 10 heures (Squier et al., 1995). Cependant, les leishmanies peuvent

prolonger la vie des neutrophiles de 2 à 3 jours (Aga et al., 2002). L’intérêt pour les leishmanies est

de laisser le temps aux neutrophiles notamment, de recruter des monocytes/macrophages par la sécrétion de chimiokines (Scapini et al., 2000). Une fois les macrophages au contact des neutrophiles infectés, ceux-ci entrent en apoptose et sont alors phagocytés (Fadok et al., 1992).

L’ingestion de cellules apoptotiques n’active pas la machinerie microbicide des macrophages

(Meagher et al., 1992) et serait donc pour les leishmanies une manière idéale d’entrer

silencieusement dans leurs cellules hôtes préférentielles (Laskay et al., 2003; Gueirard et al., 2008). Les neutrophiles infectés phagocytés par les cellules dendritiques seraient également capables de réprimer les propriétés fonctionnelles de ces dernières (Ribeiro-Gomes et al., 2012) (Figure 10). En outre, les promastigotes de L. donovani sont capables d'induire la sécrétion par les neutrophiles d'un piège extracellulaire, constitué de structures filamenteuses, capables de les piéger et les tuer (Guimaraes-Costa et al., 2009). Ce mécanisme permettrait de contenir l'infection au niveau du site de l'inoculation, mais pourrait également être un moyen d'immobiliser les promastigotes afin de faciliter leur phagocytose par les phagocytes mononucléés recrutés au niveau du site infectieux (Gabriel et al., 2010).

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Figure 10 : Rôle des neutrophiles au niveau du site de transmission des Leishmania.D’après Ribeiro-Gomes

et al., 2012.

Lors de son repas sanguin, la femelle phlébotome inocule avec les promastigotes certains

éléments salivaires capables d’influencer les défenses innées de l’hôte au niveau de la peau. Des

extraits de glande salivaire de Lutzomyia longipalpis ont été notamment démontrés comme inducteurs de la sécrétion de CCL2, attirant ainsi les monocytes au niveau du site de la piqûre (Teixeira et al., 2005). Le maxadilan produit par Lutzomyia longipalpis présente quant à lui un effet

vasodilatateur (Lerner et Shoemaker, 1992), et pourrait donc favoriser l’infiltrat des neutrophiles et

monocytes, cellules cibles des leishmanies assurant leur colonisation des viscères.

Ainsi, ces différents acteurs moléculaires et cellulaires permettent l’organisation d’une réponse

locale, avec le recrutement en premier lieu des polynucléaires neutrophiles entre 1 et 24 heures

après infection. L’infiltrat devient ensuite principalement mononucléaire avec l'afflux majoritaire après 48 heures de monocytes, qui s’organisent en nodules afin de circonscrire les parasites. Des granulomes bien organisés sont observés et corrèlent avec la disparition des leishmanies, comme observé après 45 jours chez le hamster syrien infecté par L. donovani (Laurenti et al., 1990).

36 la dissémination des leishmanies viscérotropes avant la clairance parasitaire cutanée. L. donovani est notamment détecté au niveau du foie et des organes lymphoïdes, à partir de 45 jours après

infection chez le hamster syrien (Laurenti et al., 1990). Chez l’immunodéprimé, les leishmanies

sont aussi disséminées via la circulation sanguine dans des tissus moins typiques (Rosenthal et al.,

2000), tels que la peau (Perrin et al., 1995; Colebunders et al., 1999), l’estomac et les intestins

(Laguna et al., 1994; Balkhair et Ben Abid, 2008), les poumons (Heudier et al., 1993) ou les cavités pleurale (Munoz-Rodriguez et al., 1997) ou péritonéale (Munoz-Rodriguez et al., 1997; Oregioni et al., 2003).