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Fonctions cytokiniques au cours de la leishmaniose viscérale

Partie 2 : Physiopathologie et immunologie de la leishmaniose viscérale

II. Réponse immune au cours de la leishmaniose viscérale

4. Fonctions cytokiniques au cours de la leishmaniose viscérale

4. Fonctions cytokiniques au cours de la leishmaniose viscérale

L'IFN- principalement produit par les lymphocytes T CD4+ possède de nombreuses propriétés

immuno-modulatrices. Il joue notamment un rôle essentiel dans l'activation macrophagique et la leishmanicidie par les voies dépendantes du peroxyde d'hydrogène et de l'oxyde nitrique (NO)

induites par le TNF- (Murray et al., 1984; Hoover et al., 1985; Reiner et al., 1990). Outre cette

induction de l'activation macrophagique, l'IFN- dispose d'autres propriétés immuno-modulatrices,

telles que l'augmentation de l'expression du CMH de classe II à la surface des macrophages et l'augmentation de la présentation antigénique aux lymphocytes T, une action sur la différenciation des lymphocytes Th0 en Th1 et la prolifération des Th1, ainsi que la stimulation des cellules

cytotoxiques NK et T CD8+ (Murray, 1990). Le défaut d'IFN- observé chez les patients est donc

considéré comme l'un des éléments fondamentaux du développement des infections leishmaniennes (Zwingenberger et al., 1990; Caldas et al., 2005). Cependant, aux stades très précoces de la

maladie, une grande quantité d’IFN- est sécrétée, comme observé chez des individus présentant

une séro-conversion ou une infection sub-clinique en zone d’endémie (Bacellar et al., 1991). Bien

que les causes de cette sécrétion initiale d’IFN- et de son déclin de production lors la phase active

de la maladie ne soient pas clairs, l'IFN- alors principalement sécrété par les cellules NK pourrait

jouer un rôle primordial dans les mécanismes d’activation macrophagique de l’immunité innée

(Nylen et al., 2003). Divers essais d'administrations d’IFN- , de façon expérimentale chez la souris

ou à des fins thérapeutiques chez les patients atteints de leishmaniose viscérale, démontrent le rôle majeur de cette cytokine dans l'établissement d'un environnement immun propice à la clairance parasitaire et l'optimisation de l'efficacité des chimiothérapies (Badaro et al., 1990; Murray, 1990; Harms et al., 1993; Squires et al., 1993; van Lunzen et al., 1993; Sundar et al., 1994; Sundar et Murray, 1995; Sundar et al., 1997b; Wadhone et al., 2009).

L’IL-12 joue un rôle pivot au cours de la réponse immune anti-leishmanienne. C'est un facteur de

stimulation des cellules NK, un facteur de maturation des lymphocytes cytotoxiques et un

immuno-régulateur majeur de l’initiation et du maintien de la réponse Th1. L’IL-12 joue également un rôle

important dans l’induction de la production d’IFN- par les lymphocytes T et les cellules NK (Chan

et al., 1992; Trinchieri et al., 1992; Scott, 1993). Dans l’infection murine à L. major, l’IL-12 est un

puissant inducteur de la réponse Th1 et de l’immunité protectrice (Heinzel et al., 1993). Suite à la

stimulation par des lysats de leishmanies, l’IL-12 est produite par les cellules mononucléées circulantes de patients guéris de leur leishmaniose viscérale, mais pas par celles de patients en phase active de la maladie. Ce défaut d'IL-12 semble être l'une des caractéristiques de la progression de la leishmaniose viscérale, indiquant le rôle majeur de l'IL-12 au cours de la maladie (Bacellar et al.,

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10. L’addition d’IL-12 recombinante ou d’un anticorps neutralisant l'IL-10 restaure la production

d’IFN- , ainsi que la réponse lympho-proliférative des cellules mononucléées du sang périphérique provenant de patients en phase active de leishmaniose viscérale et stimulées par un lysat de leishmanies viscérotropes (Ghalib et al., 1995; Bacellar et al., 1996; Bacellar et al., 2000). Inversement, un anticorps neutralisant l'IL-12 ou une IL-10 recombinante inhibe la production de

l'IFN- essentielle au contrôle efficace de l'infection (Ghalib et al., 1995).

La capacité suppressive de l’IL-10 sur l’activité microbicide des macrophages induite par l’IFN

est bien établie dans différentes maladies (de Waal Malefyt et al., 1991; Oswald et al., 1992).

Dans des macrophages humains dérivés de monocytes d’individus sains, l’IL-10 recombinante inhibe la voie leishmanicide dépendante du monoxyde d'azote dirigée contre L. infantum, L. major et L. braziliensis (Vouldoukis et al., 1997). Des études brésiliennes montrent que des cultures de cellules mononucléées sanguines provenant de patients atteints de leishmaniose viscérale aiguë et

stimulées par des antigènes de L. infantum/chagasi produisent significativement plus d’IL-10 que

des cellules provenant de patients guéris, alors qu’il n’y a aucune libération d’IL-10 chez les personnes asymptomatiques (Holaday et al., 1993). In vivo, des patients développant une leishmaniose viscérale à L. infantum/chagasi présentent un nombre réduit de monocytes exprimant

le TNF- et une absence d’augmentation des taux de nitrites et de nitrates. Cette inhibition de la

réponse macrophagique semble corrélée à la présence d’IL-10 dans leur plasma (Peruhype-Magalhaes et al., 2006). Chez des patients en phase active de leishmaniose viscérale au Soudan et

en Inde, le niveau d'expression des ARNm d’IL-10 est élevé dans des échantillons de moelle osseuse, de ganglions lymphatiques et de rate, ainsi que dans les cellules mononucléées du sang périphérique, et diminue après une thérapie efficace (Ghalib et al., 1993; Karp et al., 1993). Une

combinaison d’anticorps bloquants l'IL-4 et l'IL-10 restaure simultanément la réponse

lympho-proliférative et la production d’IFN- dans les cultures de cellules mononucléées du sang périphérique de patients atteints de leishmaniose viscérale stimulées par des antigènes leishmaniens (Carvalho et al., 1994). L'IL-10 notamment sécrétée par les macrophages (de Waal Malefyt et al.,

1991) inhibe donc la production d’IFN- , notamment par la répression de la synthèse de l'IL-12 par

les macrophages, les lymphocytes B ou les cellules dendritiques (D'Andrea et al., 1993), aboutissant ainsi à un défaut d'activation macrophagique et de leishmanicidie. L'inhibition de l'activation et de

la prolifération des lymphocytes T CD4+ CD25- producteurs d’IL-10 par l'IL-6 semble intervenir

dans la protection contre les infections à L. donovani chez la souris (Stager et al., 2006). Ces observations indiquent clairement que la suppression de la réponse Th1 induite par l'IL-10 massivement produite est la principale cause de la susceptibilité à la maladie (Carvalho et al., 1994; Murphy et al., 2001). Dans une récente étude de patients atteints de leishmaniose viscérale et PKDL

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traitement. Les auteurs proposent donc l’IL-10 comme un marqueur permettant d’évaluer

simplement l’efficacité des traitements (Verma et al., 2010). En outre, le blocage de l'IL-10 et de son récepteur pourraient donc constituer d'intéressantes perspectives thérapeutiques (Murray et al., 2002).

L’IL-4 est considérée comme la signature cytokinique de la réponse immunitaire Th2. Elle est

souvent rapportée sécrétée dans le sérum et le surnageant de culture de cellules mononucléées du sang périphérique (Zwingenberger et al., 1990; Sundar et al., 1997a) et l'expression de son ARNm est couramment observée au cours de la leishmaniose viscérale humaine (Ghalib et al., 1993; Carvalho et al., 1994). L'IL-4 a été décrite comme capable de réprimer l'activation macrophagique

induite par l'IFN- en réponse à L. donovani in vitro (Lehn et al., 1989) ; elle pourrait donc

contribuer à la progression de la maladie. Cependant, certaines études montrent que l’IL-4 n’est pas

toujours produite chez les patients présentant une leishmaniose viscérale (Cillari et al., 1988; Carvalho et al., 1994; Kemp et al., 1994a). Certaines études suggèrent que son rôle serait mineur et

que la répression de l'IFN- et de la réponse Th1 au cours de la maladie serait plus volontiers due à

l'action de l'IL-10 qu'à la présence d'IL-4 (Carvalho et al., 1994; Bacellar et al., 2000; Lehmann et al., 2000). En outre, d'autres études démontrent un rôle protecteur de l'IL-4 dans le développement d'une réponse hépatique efficace (Stager et al., 2003), ainsi que dans l'efficacité des chimiothérapies (Alexander et al., 2000), suggérant un rôle ambivalent de cette cytokine dépendant notamment du micro-environnement tissulaire.

L'IL-13 est une autre cytokine classiquement associée à la réponse Th2 (Oliphant et al., 2011). Elle est impliquée dans la progression de la leishmaniose cutanée et est décrite comme un facteur de

susceptibilité à l’infection (Mohrs et al., 1999; Matthews et al., 2000; Sosa et al., 2001; Alexander et al., 2002; Castilho et al., 2010). Elle est également produite au cours de la leishmaniose viscérale (Babaloo et al., 2001), bien que son rôle semble dans ce cas plutôt protecteur. En effet, des souris

BALB/c déficientes en IL-4R , récepteur commun à l’IL-4 et l’IL-13, présentent une moindre

capacité à contrôler les charges parasitaires hépatiques et spléniques que les souris sauvages, et dans

une moindre mesure les souris IL-4-/-. Ceci peut s’expliquer par des niveaux sériques d’IFN- plus

faibles et par un défaut de maturation des granulomes hépatiques (Stager et al., 2003). Chez des

souris BALB/c IL-13-/-, la sécrétion initiale d'IFN- et l’assemblage des granulomes hépatiques sont

altérés, bien que cela n’affecte ni le contrôle de la réplication parasitaire précoce, ni la résolution de l'infection hépatique, ni la réponse aux chimiothérapies dans ce modèle (Murray et al., 2006b). Ce

résultat suggère un rôle transitoire mineur de l’IL-13 dans la mise en place d’une réponse efficace.

Enfin, dans une autre étude, des souris BALB/c IL-13-/- présentent des charges parasitaires

significativement accrues dans le foie, la rate et la moelle osseuse. Elles présentent également un

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de maturation des granulomes hépatiques (McFarlane et al., 2011). Ainsi, l’IL-13 pourrait jouer un

rôle protecteur dans le foie, en favorisant l’assemblage des granulomes hépatiques au cours de la

leishmaniose viscérale.

Le TGF- est une cytokine participant à la susceptibilité vis-à-vis de la leishmaniose cutanée

(Barral-Netto et Barral, 1994). Il est également produit au cours de la leishmaniose viscérale humaine (Gantt et al., 2003) et expérimentale chez la souris et le hamster (Rodrigues et al., 1998; Wilson et al., 1998; Melby et al., 2001), bien que son rôle biologique soit encore mal défini.

L'activation du TGF- par des facteurs parasitaires permet la création d’un micro-environnement

immédiat favorisant localement la survie de L. infantum/chagasi (Gantt et al., 2003). Le blocage du TGF- à l'aide d'un antagoniste de son récepteur induit chez la souris BALB/c une inhibition de la réplication de L. donovani, mais des effets limités sur l'activité leishmanicide des granulomes.

L'injection de TGF- exacerbe l'infection hépatique précoce, mais n'empêche pas la résolution de

l'infection (Murray et al., 2005). Le rôle du TGF- dans la réponse hépatique contre Leishmania

semble donc transitoire. Toutefois, le TGF- produit au niveau du foie semble influencer la

physiopathologie de l'infection, notamment par l'induction d'une fibrose hépatique (Duarte et al., 2009).