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Partie 2 : Physiopathologie et immunologie de la leishmaniose viscérale

II. Réponse immune au cours de la leishmaniose viscérale

1. Immunité innée

Les cellules endothéliales constituent l'une des premières lignes de défense contre les infections dans les tissus. Dans le foie, la clairance des antigènes provenant de la circulation sanguine se produit en premier lieu au niveau des cellules endothéliales sinusoïdales. Elles sont en effet

capables de phagocytose et d’endocytose, elles expriment constitutivement à leur membrane les

molécules nécessaires à la présentation antigénique et l'induction de la lympho-prolifération (CD54, CD80, CD86, CD40 et CMH de classe I et II) et peuvent fonctionner comme des cellules

présentatrices d'antigènes pour les lymphocytes T CD4+ et CD8+ (Knolle et Gerken, 2000; Limmer

et al., 2000). Au cours de la leishmaniose viscérale, les cellules endothéliales sinusoïdales sont permissives à L. donovani. En réponse au céramide produit par les cellules de Kupffer, elles modifient la balance entre la NO synthase endothéliale et la NAD(P)H oxydase, aboutissant à la répression du taux de dérivés réactifs de l'azote circulants, contribuant ainsi à la progression de la leishmaniose viscérale au niveau systémique (Chowdhury et al., 2011). Des propriétés

immuno-modulatrices, telles que la répression de l'IFN- au niveau des cellules T CD4+, sont observées chez

la souris (Carambia et al., 2013), et mériteraient d'être explorées au cours de la leishmaniose viscérale humaine. Enfin, l'expression de VCAM-1 accrue au niveau des cellules endothéliales au cours de la leishmaniose cutanée favorise l'infiltrat de monocytes et lymphocytes (Henseleit et al., 1995). Une fonction similaire au cours de la leishmaniose viscérale n'est pas exclue.

Les polynucléaires neutrophiles jouent un rôle décisif au cours de la réponse contre les leishmanies viscérotropes. Le niveau plasmatique de la myéloperoxydase (MPO), enzyme majoritairement exprimée par les neutrophiles, est significativement accru chez les patients atteints de leishmaniose viscérale comparés à des sujets sains, et corrèle avec le niveau d'IL-8 (Elshafie et

37 al., 2011). La moitié des neutrophiles circulant expriment la molécule CD28 qui intervient dans

l’induction de la sécrétion d’IFN- par les macrophages et l’activation des lymphocytes T

(Venuprasad et al., 2002; Venuprasad et al., 2003). Au cours de la leishmaniose expérimentale, les neutrophiles jouent un rôle protecteur important lors des stades précoces suivant l'infection par L. infantum ou L. donovani (Rousseau et al., 2001; McFarlane et al., 2008). Après infection de souris BALB/c par L. infantum, les neutrophiles phagocytent et détruisent rapidement les leishmanies. La suppression des neutrophiles induit une augmentation de la charge parasitaire splénique, mais n'influence pas la charge parasitaire hépatique. Au cours de l'infection tardive, la suppression des neutrophiles n'influence pas les charges parasitaires hépatiques et spléniques, suggérant un rôle précoce de ces cellules n'influençant pas la mise en place d'une réponse chronique dans ce modèle (Rousseau et al., 2001). Cependant, chez des souris BALB/c infectées par L. donovani, la suppression des neutrophiles induit des charges parasitaires accrues dans la rate, la moelle osseuse, et dans une moindre mesure dans le foie. Cette susceptibilité accrue est associée à une splénomégalie accrue, un délai de maturation des granulomes hépatiques et une répression de l'expression de la NO synthase inductible (iNOS). La suppression des neutrophiles induit également des niveaux accrus d'IL-4 et d'IL-10 dans le sérum et dans la rate, ainsi qu'une répression de la

sécrétion d'IFN- par les cellules spléniques T CD4+ et CD8+. Outre leur fonction leishmanicide

effectrice, les neutrophiles semblent être des acteurs influençant les défenses de l'hôte en faveur d'une immunité protectrice de type Th1 (McFarlane et al., 2008). Par ailleurs, l'élastase des neutrophiles est capable d'induire l'activation des macrophages et leur activité leishmanicide

dépendante du TNF- au cours de la leishmaniose cutanée à L. major (Ribeiro-Gomes et al., 2007),

et pourrait jouer un rôle protecteur similaire au cours de la leishmaniose viscérale (Figure 11). Comme les neutrophiles, les macrophages peuvent capturer des micro-organismes par phagocytose. Dans le cas des leishmanies, la phagocytose des promastigotes est induite par

l’engagement des récepteurs du complément CR1 et CR3 avec les protéines C3b et C3bi

respectivement, fixées à la surface des promastigotes (Rosenthal et al., 1996). Une fois phagocytés, les promastigotes se différencient en amastigotes au sein de vacuoles parasitophores. Comme les vésicules des compartiments pré-lysosomaux ou lysosomaux, les vacuoles parasitophores se caractérisent par un pH acide inférieur à 5. Elles contiennent des quantités importantes de protéines lysosomales et leur membrane est associée à plusieurs protéines impliquées dans les processus de dégradation et d'apprêtement des antigènes. Les leishmanies amastigotes sont des organismes acidophiles dont le métabolisme est optimal à pH 4 à 5,5, de sorte qu'elles résistent relativement

bien à l’environnement inhospitalier des vacuoles parasitophores (Zilberstein et Shapira, 1994). Elles sont résistantes aux hydrolases et aux protéases lysosomales, vraisemblablement parce que les

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(McConville et al., 2007). L’infection des macrophages par des pathogènes intracellulaires induit

généralement la production rapide de facteurs chimiotactiques tels que CCL2 et CCL20 et de

cytokines telles que le TNF- , l'IL-1, l'IL-6 et l'IL-12, qui provoquent et amplifient la réaction

inflammatoire en attirant et activant d’autres cellules immunitaires (Basu et Ray, 2005). La

résolution de l'infection repose sur l'activation des macrophages et la production de dérivés réactifs de l'azote (Bogdan et al., 2000b).

Figure 11 : Représentation schématique des rôles des polynucléaires neutrophiles dans l’activation

macrophagique, l’activation lymphocytaire et la leishmanicidie. Sécrétion par les macrophages infectés des

chimiokines assurant le recrutement des polynucléaires neutrophiles (1). Interaction CD28/B7 des macrophages

avec les neutrophiles recrutés et l’élastase neutrophilique (2). Recrutement des lymphocytes T et activation

lymphocytaire Th1 via l’interaction CD28/B7 avec les polynucléaires neutrophiles, et activation macrophagique

dépendante de l’interaction avec les polynucléaires neutrophiles et du TNF- et l’IFN- produits (3). Induction

par l’élastase des neutrophiles de la leishmanicidie dépendante du TNF- via le NO produit par la NO synthase

inductible (iNOS) (4). Schéma proposé à partir des données de Venuprasad et al., 2002 et 2003,Ribeiro-Gomes

et al., 2007 et McFarlane et al., 2008.

Les cellules dendritiques sont recrutées notamment par le CCL20 exprimé par les macrophages infectés. Elles sont capables de phagocyter les leishmanies notamment via les CR1 et CR3, la

lectine de type C DC-SIGN et les récepteurs aux IgG Fc RI et Fc RIII (Woelbing et al., 2006). Des

39 expérimentales cutanées (Blank et al., 1993; Moll et al., 1995a; Moll et al., 1995b; Woelbing et al., 2006) et viscérales (Gorak et al., 1998). Plus que des cellules hôtes, en raison de leur forte densité

en molécules du CMH de classe I et II, elles constituent des cellules présentatrices d’antigènes

particulièrement performantes, capables d'induire efficacement l'activation des cellules T (Marovich et al., 2000; Guermonprez et al., 2002). De plus, les cellules dendritiques sont la source de

différentes cytokines telles que l’IL-12 (Cella et al., 1996), l’IL-10 (Qi et al., 2003) et l’IFN

-(Stober et al., 2001). Au début de l’infection par Leishmania, les cellules dendritiques sont

notamment une source majeure d’IL-12, cytokine favorisant la différenciation des cellules T naïves en lymphocytes Th1 protecteurs (Reis e Sousa et al., 1997).

Les lymphocytes NK sont l'un des premiers types cellulaires recrutés au niveau du site infectieux. Plusieurs études ont montré que des promastigotes vivants de Leishmania sont capables

de stimuler les cellules NK humaines qui sécrètent précocement des niveaux importants d’IFN

-influençant positivement les défenses de l'hôte (Akuffo et al., 1993; Nylen et al., 2003).