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b) État de l’art

Chapitre 3 : De la rénovation artisanale à la rénovation industrialisée

II) Rénovation artisanale

1) Le secteur de la construction est resté très artisanal

Le secteur du bâtiment est, historiquement et techniquement, très dépendant de méthodes artisanales qui sont d’ailleurs très souvent perçues comme un gage de qualité. Excepté pour ce qui touche à la planification et la gestion d’affaires, les méthodes et outils du génie industriel y sont peu répandus. L’organisation des chantiers de construction ou de rénovation est un aspect qui ne revêt pas autant d’importance que les fonctions techniques associées aux différents corps de métier.

La littérature est assez pauvre en applications dans le secteur du bâtiment utilisant des outils du lean manufacturing (Holweg, 2007 ; Melton, 2005 ; Shah, Ward, 2003) : VSM (Value Stream Mapping), 5S, SMED (Single Minute Exchange of Die)…, ou plus généralement encore, des méthodes de logistique et d’assurance qualité.

Pourtant, la simple observation d’un chantier de construction, que ce soit pour une maison individuelle ou un bâtiment d’habitation ou commercial, met en évidence quelques points d’amélioration potentielle :

- désordre dans le stockage des matériaux et des outils ;

- nombreuses opérations de découpe et d’ajustement des composants directement sur le chantier, avec des outils pas toujours adaptés ;

- approvisionnement des composants dans des quantités trop importantes ou au contraire trop faibles ;

- nombreux déchets ;

- cloisonnement des métiers et faible polyvalence des ouvriers et techniciens ; - nombreux retards ;

- nombreuses réclamations des maîtres d’ouvrages ; - etc.

La figure 11 montre un ouvrier en train de découper une plaque d’isolant (polystyrène expansé) à la scie égoïne alors qu’il existe des appareils à fil chaud qui permettent une découpe plus précise sans production de déchets volatils (billes de polystyrène). On remarque aussi les nombreux déchets et le stockage des matériaux et des outils qui n’est pas bien organisé.

Figure 11 : chantier d’isolation par l’extérieur d’une maison individuelle en banlieue de Toulouse en 2010

À partir de quatre études de cas en Finlande, (Naaranoja, Uden, 2007) ont identifié les problèmes courants dans les projets de construction et proposé des améliorations basées sur le « building trust », le management de la connaissance et le lean construction.

Contrairement aux entreprises du secteur industriel qui disposent souvent de services d’industrialisation et méthodes afin de préparer et organiser le travail, les entreprises du bâtiment travaillent souvent « à vue » et prennent rarement en compte les effets de masse de leur production. En effet, chaque bâtiment est unique, mais c’est aussi le cas de nombreux produits industriels pourtant fabriqués en série.

La maquette numérique du bâtiment ou Building Information Modelling (BIM) permet de regrouper les vues de plusieurs experts sur un même modèle (van Nederveen, Tolman, 1992 ; Howard, Björk, 2008).

(Sacks et al., 2010) présente les besoins pour développer une maquette numérique basée sur des systèmes de management de la production lean. Des interfaces prototypes ont été évaluées par des entreprises de construction, mais des recherches futures sont nécessaires avant de disséminer le concept.

2) Problèmes de non-satisfaction du client dans le secteur du

bâtiment

Il semble admis par tous que le bâtiment est un secteur d’activités où l’on rencontre fréquemment des problèmes de non-satisfaction du client liés :

- au non-respect du cahier des charges ; - à un dépassement de délai ;

- à un dépassement de budget ;

- à une qualité insuffisante, voire à des malfaçons ; - etc.

Les principaux facteurs qui permettent d’expliquer ce constat sont :

- le manque de formation des ouvriers : non-respect des règles de pose et de sécurité, de la réglementation, peu de préparation des chantiers, mauvaise lecture des plans… ; - la mauvaise gestion des entreprises (la plupart de très petite taille) : mauvaise

- la mauvaise coordination entre les différents corps d’état : responsabilités mal définies, méconnaissance des contraintes des autres intervenants… ;

- etc.

Bien souvent, les problèmes rencontrés n’ont pas une cause unique, mais un ensemble de causes mal identifiées.

Prenons l’exemple de la pose des menuiseries (fenêtres) sur une maison individuelle en construction neuve. Un problème d’étanchéité d’une fenêtre peut résulter du non-respect des règles de pose, de la mauvaise préparation du support (le maçon n’a pas préparé l’encadrement de la baie pour recevoir la fenêtre), d’une erreur dimensionnelle dans la fabrication de la fenêtre, etc. De plus, les poseurs de menuiseries sont bien souvent des journaliers faiblement rémunérés par rapport au prix d’achat des fenêtres. Pour une maison individuelle, ils interviennent en général sur un chantier à la journée : ils arrivent le matin avec les fenêtres à poser et repartent une fois que les fenêtres sont posées. Que devraient-ils faire si le support n’est pas prêt ? Ils devraient refuser de poser les menuiseries et faire une réclamation auprès du maître d’œuvre pour que le maçon vienne « dresser » le support (préparer un encadrement de baie adapté aux dimensions de la fenêtre). Mais dans la plupart des cas, ils ne le font pas, car ils préfèrent « boucler » le chantier au plus vite pour ne pas revenir sur le chantier une autre fois. Ils peuvent aussi craindre de ne pas être choisis pour les chantiers suivants. Si l’encadrement de baie est trop grand par rapport à la fenêtre à poser, le poseur va combler l’écart avec les « moyens du bord », c’est-à-dire du plâtre voire de la mousse polyuréthane expansive, dont la durabilité n’est pas prévue pour cette application.

Pour corriger les problèmes de satisfaction du client évoqués précédemment, il faudrait avoir une vision d’ensemble des activités des différents corps d’état, de leurs contraintes respectives et de leurs relations. Il faudrait décrire les différentes étapes d’une rénovation du début à la fin, c’est-à-dire de la prise de contact avec le client à la réception finale du chantier voire à la maintenance. Il faudrait étudier les produits mis en œuvre, mais aussi les intervenants, leurs outils (équipements, logiciels…), leurs contraintes (réglementaires, budget, délai…)…

Pour cela, nous proposons d’adopter une approche processus et de modéliser le processus de rénovation, c’est-à-dire de créer un modèle pour représenter l’état actuel et futur et proposer des améliorations.

3) Étude du processus de rénovation artisanale auprès des

bailleurs sociaux

Pour mieux connaître le processus de rénovation artisanale, nous avons interrogé en 2010- 2011 six bailleurs sociaux (propriétaires de logements sociaux) :

- Nantes Habitat à Nantes (44) ;

- Immobilière des Chemins de Fer (ICF) à Dunkerque (59) ; - Habitat 08 à Charleville-Mézières (08) ;

- Immobilière 3F à Paris (75) ; - Pluralis à Voiron (38) ;

- Vilogia à Villeneuve-d'Ascq (59).

Le processus de rénovation commence par l’évaluation des besoins d'amélioration du (ou des) bâtiment(s) existant(s) (voir tableau 12).

Les bailleurs sociaux ont l’obligation de rédiger un Plan Stratégique de Patrimoine (PSP) qui décrit l’état de leur parc de bâtiments et les évolutions prévues pour les 10 prochaines années. Il est remis à jour régulièrement. Il permet d’identifier les bâtiments à rénover en priorité, en fonction de leur performance énergétique, de mises en sécurité ou aux normes nécessaires (électricité, accessibilité…), mais aussi de critères sociaux. Par exemple, le taux de vacance (pourcentage du temps où le logement n’est pas occupé) est une indication sur la demande de logements sociaux à un endroit donné. Le PSP définit la stratégie du bailleur social pour

chaque bâtiment de son parc : faut-il le rénover, le démolir et reconstruire ou le vendre ? Pour ce qui est de la performance énergétique, le PSP est en général basé sur un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) qui est assez sommaire.

Pour chaque bâtiment à rénover, les bailleurs sociaux réalisent, par une équipe interne ou externe, un pré-diagnostic et une pré-étude plus ou moins poussés. Ceux-ci servent à vérifier la faisabilité technique et financière de la rénovation.

Certains bailleurs sociaux réalisent à ce moment-là une enquête sociale pour vérifier que les locataires pourront assumer la hausse de loyer nécessaire pour financer les travaux de rénovation. Ils étudient aussi l’intérêt de regrouper des logements (pour passer de T2-T3 à des T4-T5).

Chaque projet est alors soumis à une validation interne pour décider ou non de la rénovation du bâtiment et déterminer le programme de travaux en fonction du budget alloué.

Évaluer les besoins d'amélioration du (ou des) bâtiment(s) existant(s)

Identification des bâtiments à rénover Pré-étude Décision

Nantes Habitat

Plan Stratégique de Patrimoine