• Aucun résultat trouvé

I) Conclusion générale

Les travaux du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) ont démontré un réchauffement du système climatique. Celui-ci est très probablement attribuable à la hausse des concentrations de gaz à effet de serre (GES) dues aux activités humaines. Pour limiter la hausse de la température moyenne à la surface du globe à 2 °C, il faut diviser par deux les émissions de GES en 2050 par rapport à 1990. C’est l’objectif de plusieurs engagements internationaux. Néanmoins, les pays en voie de développement n’ont pas d’autre choix que d’augmenter leurs émissions de GES pour se développer. Les pays industrialisés doivent donc diviser les leurs par quatre : c’est ce que l’on appelle le facteur 4.

En France, le bâtiment est le secteur d’activités qui consomme le plus d’énergie primaire et le second pour la production de gaz à effet de serre (après les transports). Or le taux de renouvellement des bâtiments est très faible. Il est donc indispensable de rénover énergétiquement les bâtiments existants. Une rénovation énergétique globale est une remise en état d’un bâtiment existant aux performances thermiques dégradées au niveau d’un bâtiment récent avec des performances thermiques élevées. C’est donc une solution efficace pour atteindre les objectifs internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour réduire la facture énergétique des habitants.

En 2009, l’État français s’est fixé comme objectif de réduire la consommation d’énergie du parc de bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020. La loi « Grenelle 1 » prévoyait la rénovation complète de 400 000 logements par an à compter de 2013. Or, en 2012, il y a eu 125 000 logements rénovés dans le logement privé et 25 000 logements rénovés dans le logement social. Pour rattraper ce retard, le Gouvernement français a présenté le 21 mars 2013 un « Plan d’investissement pour le logement ». L’objectif est d’atteindre 500 000 logements rénovés par an, dont 120 000 logements sociaux, d’ici à 2017. On peut se poser la question de la faisabilité d’un tel plan alors que l’on n’a pas atteint les objectifs précédents qui étaient moins ambitieux.

Comment rénover autant de logements en si peu de temps ? Comment réduire le délai des rénovations ? Comment améliorer la qualité des rénovations ? Comment réduire le coût des rénovations ? Comment réduire l’impact (sur les habitants, sur l’environnement…) des rénovations ?

Cette thèse explore l’intérêt de l’industrialisation de la rénovation des bâtiments, notamment des immeubles de logements collectifs. Les rénovations énergétiques artisanales sont actuellement longues, coûteuses et la performance thermique après travaux n’est pas toujours satisfaisante. L’industrialisation a justement pour objectifs de réduire le coût et le délai et d’améliorer la qualité grâce à des méthodes industrielles. C’est donc une solution intéressante pour répondre aux objectifs ambitieux de rénovation énergétique.

La rénovation énergétique industrialisée concerne le produit, le processus et les acteurs. Elle consiste à utiliser des produits de rénovation adaptés à un grand nombre de bâtiments, mais personnalisés, qui sont préfabriqués en usine de manière automatisée. Elle vise aussi à gérer un processus de rénovation avec une logistique intégrée, des technologies de l’information et de la communication et une coopération entre les acteurs.

La première contribution scientifique de la thèse est la modélisation du processus de rénovation industrialisée avec l’identification des verrous à lever. Les premières « briques » d’un outil intégré pour la rénovation énergétique sont présentées : élaboration de la maquette numérique, configuration des produits, estimation des coûts et du délai. Enfin, un outil de planification du chantier sous contraintes de ressources en lien avec la gestion de production des usines a été plus particulièrement développé.

Le système constructif proposé est basé sur une ossature métallique avec des panneaux de remplissage à ossature bois. Les panneaux, de grandes dimensions et multifonctionnels, sont livrés sur chantier prêts à être posés. Ils sont fixés directement sur les façades ou au moyen d’une ossature métallique. Il n’y a pas d’ajustement sur chantier de leurs dimensions au bâtiment existant, hormis le traitement des jonctions entre panneaux. Cela impose une prise des cotes du bâtiment existant très précise : de l’ordre du centimètre pour les façades et du millimètre pour les menuiseries.

Les techniques de relevé tridimensionnel permettent de constituer une maquette numérique du bâtiment existant avec une bonne précision. L’acquisition des données est assez rapide, mais le traitement des données reste à automatiser. De nombreux travaux de recherche portent sur ce sujet, dont certains avec une application à la rénovation industrialisée. Néanmoins, il reste une part importante d’expertise sur les systèmes constructifs du bâtiment pour caractériser la maquette numérique.

La configuration de la rénovation permet de déterminer le calepinage des panneaux, la nomenclature et la gamme de montage des produits de rénovation de façades et d’estimer le coût de la rénovation. Elle repose sur un modèle générique des entités manipulées : les composants entrants dans la nomenclature et les tâches définissant la gamme de montage. Ces modèles génériques sont formalisés sous forme de problèmes de satisfaction de contraintes et contiennent un ensemble de variables et de contraintes. Plusieurs types de contraintes doivent être intégrés afin de représenter la diversité offerte par la solution de rénovation industrialisée et garantir la faisabilité de l'enveloppe thermique.

Alors que la rénovation artisanale fonctionne par projets, la rénovation industrialisée est vue comme un processus continu qui dépasse les projets de rénovation. Pour chaque projet, est exécuté le même processus de rénovation (au moins au niveau agrégé). Le retour d’expérience des projets précédents permet de faire évoluer le processus de rénovation pour les projets suivants. Des outils de gestion de production et de planification sont nécessaires.

Le processus de rénovation industrialisée accorde plus d’importance aux études, car il faut anticiper au maximum les problèmes qui se présentent sur le chantier. La maquette numérique qui regroupe toute la documentation sur les bâtiments existants est alors d’une grande aide. Cela implique également une très bonne coordination entre la phase de conception et la phase de réalisation. L’idéal étant sans doute que ce soit les mêmes acteurs qui interviennent dans les deux phases.

Il faut veiller à ce que les solutions industrialisées proposées s’intègrent au cadre réglementaire actuel, sans quoi elles ne seraient pas utilisées par les acteurs en place. Les limites au recours à ces solutions industrialisées sont le choix d’une technique traditionnelle qui exclut de fait les solutions industrialisées, les appels d’offres en lots séparés et les procédures d’attribution des marchés en deux phases (conception et réalisation) qui ne permettent pas une bonne coordination entre ces deux phases.

La rénovation industrialisée nécessite un certain nombre d’études qui sont réalisées avant (études préliminaires) ou après (études détaillées) l’attribution du marché. Plus les études préliminaires sont complètes, plus l’estimation des coûts et des délais est fiable. Mais c’est un investissement risqué pour le fournisseur de systèmes qui n’est pas sûr d’obtenir le marché. C’est pourquoi il faut réduire le coût de ces études, grâce à l’élaboration de la maquette numérique.

D’autre part, il faut évaluer les devis et planning initiaux d’après les études préliminaires. Un outil d’estimation est proposé. Il est basé sur des inducteurs de coût et de délai qui décrivent la complexité du bâtiment existant et des produits de rénovation.

La planification du chantier dépend des ressources disponibles. Certaines sont « renouvelables » telles que les ressources humaines, les engins de levage… tandis que d’autres sont « consommables » telles que les livraisons de panneaux. Elle dépend également de la gestion de production des usines, car l’on travaille en flux synchrone. C’est un problème d’ordonnancement sous contraintes de ressources (RCPSP) avec des contraintes spécifiques. Pour le résoudre, un modèle linéaire à variables mixtes a été développé et testé sur un exemple d’application. Il constitue une première « brique » d’un « ERP dédié à la rénovation » (Enterprise Resource Planning, en français : Progiciel de Gestion Intégré (PGI)).

II) Perspectives

Les perspectives de cette thèse concernent les produits, le processus de rénovation, les « briques logicielles » et leur intégration dans des plateformes logicielles.

Concernant les produits de rénovation, la recherche s’orientera vers l’automatisation de la fabrication des panneaux. Il faudra étudier l’intérêt d’autres systèmes constructifs, tels que les panneaux sandwichs (actuels ou à base de bois) et d’autres façons de les fabriquer telle que la personnalisation à la commande. La simulation de flux pourra être utilisée pour améliorer la gestion de production. Une piste intéressante est également la robotisation de la pose des panneaux sur chantier. Enfin, une évaluation environnementale des produits de rénovation devra être menée, puis une Analyse de Cycle de Vie (ACV) de la rénovation complète qui tienne compte de la fabrication, du transport, de la pose…

Le processus de rénovation pourra être amélioré en réfléchissant au rôle de chaque acteur et aux procédures de contractualisation. Il s’appuiera sur des outils et méthodes pour favoriser la coopération et éviter les ressaisies.

Le développement des briques logicielles est à poursuivre.

Celle du relevé 3D et de la maquette numérique est indispensable et prioritaire. Le travail de recherche s’orientera vers l’automatisation du traitement des données, avec la reconnaissance des zones et l’aide à la caractérisation des éléments constructifs.

La configuration prendra tout son intérêt lorsque l’on pourra faire de l’optimisation, par exemple trouver le meilleur calepinage pour un coût ou un temps de pose minimum. Plusieurs scénarios de calepinage seront envisagés : panneaux les plus grands possibles, panneaux aux dimensions similaires… Ils dépendent également du système constructif.

L’outil de planification du chantier sous contraintes de ressources devra être étendu à des applications avec plus de 50 tâches. Pour cela, il faudra trouver des heuristiques adaptées. De manière plus générale, les chaînes logistiques vertes constituent un thème de recherche à approfondir pour la rénovation industrialisée.

Enfin, il y a un travail important à réaliser sur l’intégration et l’interopérabilité de ces « briques logicielles ».

Pour la conception de la rénovation, les « briques logicielles » sur la maquette numérique et la configuration pourraient être intégrées à une plateforme de gestion du cycle de vie de produit, en anglais Product Lifecycle Management (PLM). Celle-ci permet de gérer la création, la modification et l’échange des informations sur le produit tout au long de son cycle de vie. L’objectif est de rendre accessible toute l’information produite pendant tout le cycle de vie du produit à tous les membres d’une organisation, y compris les fournisseurs clés et les clients.

Pour le pilotage de la fabrication, les « briques logicielles » sur l’estimation des coûts et sur la planification du chantier pourraient être intégrées à un ERP. Celui-ci intègre dans un seul système d’information de nombreuses fonctions (appelées modules) telles que la gestion de production, la gestion commerciale, la logistique, les ressources humaines… L’objectif pour la rénovation industrialisée est de gérer à la fois la gestion de production des usines et la planification du chantier, en flux synchrone. Cela pourra améliorer la gestion de la chaîne logistique.

Une piste de recherche se situe à un niveau plus stratégique dans l’optique de développer la rénovation industrialisée à grande échelle. Elle vise à optimiser la localisation des futures unités de production et le type de chaînes logistiques en fonction de la localisation des bâtiments à rénover et des fournisseurs. Les objectifs de l’optimisation peuvent être le coût global, le délai ou le bilan environnemental.

III) Retombées immédiates de la thèse

Le projet de recherche SIRENE (Systèmes Industriels pour la Rénovation Énergétique, voir l’avant-propos) et cette thèse ont permis de définir un concept de rénovation énergétique industrialisée, de vérifier sa faisabilité et de proposer des solutions techniques et organisationnelles.

Le travail engagé dans cette thèse va se prolonger de deux manières :

- par la poursuite de la recherche académique, notamment dans le cadre du projet de recherche CRIBA (Construction et Rénovation Industrialisées Bois Acier) grâce à deux nouvelles thèses à l’École des Mines d’Albi-Carmaux ;

- grâce au retour d’expérience des premiers chantiers de rénovation qui seront réalisés par la société Syrthea (filiale de TBC et Groupe Millet International).

1) Lancement du projet de recherche CRIBA

Le projet CRIBA (Construction et Rénovation Industrialisées Bois Acier) est un projet d’industrialisation de la rénovation des logements collectifs à très haute performance énergétique (25 kWhEP/m²/an) (ADEME, 2013).

Ce projet de recherche est accompagné par l’ADEME dans le cadre de l’appel à manifestations d’intérêt « Bâtiments et îlots à énergie positive et bilan carbone minimum » du programme Énergies Renouvelables et Décarbonées des Investissements d’Avenir.

Il a débuté en janvier 2013 et se poursuivra jusqu’en décembre 2015. Il est coordonné par la société Syrthea.

Il comprend une partie recherche et une partie démonstration.

La recherche porte sur la conception d’un système constructif bois/acier, préfabriqué en usine, pour l’isolation thermique des façades. Elle comprend également le développement de méthodes et d’outils logiciels pour réaliser la maquette numérique des bâtiments, configurer les produits de rénovation et planifier le chantier.

La démonstration a pour objectif d’expérimenter le concept à l’échelle d’un îlot de bâtiments à rénover.