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Chapitre I : La transcription de classe III

E. Régulation de la RNAP III et son implication dans le cancer

Le cycle cellulaire implique une coordination finement régulée de la transcription des ARN Polymérases. La RNAP III transcrit l’unique ARNr, non transcrit par la RNAP I, le 5S. Elle transcrit également l’ARN MRP, impliqué dans la maturation des ARNr. La RNAP III transcrit quant à elle, des ARN essentiels à la traduction des ARNm. D’autres ARN comme le 7SK et les SINEs sont impliqués dans la régulation de la RNAP II elle-même. Le couplage de la transcription par les trois ARN

polymérases des ARNs nécessaires à la machinerie de traduction suggère une co-régulation très fine de ce processus au cours du cycle cellulaire. De nombreux régulateurs sont impliqués dans le contrôle de la transcription de classe I et III, comme Ras, Erk, PTEN, Myc, p53, ARF et RB. Le changement d’un de ces régulateurs peut être suffisant pour déréguler la transcription des deux classes, dans les cellules transformées. De plus, certains de ces changements coopèrent, augmentant la dérégulation de la transcription.

L’augmentation de l’abondance des ARNs de classe III a été observée dans un grand nombre de cellules transformées, comme des cancers ovariens ou différents carcinomes de l’œsophage, du poumon, par exemple (White, 2004). Cette augmentation générale des transcrits de classe III est issue d’au moins trois grandes causes : i) la surexpression des facteurs de transcription de la RNAP III, ii) la diminution de la répression de ces facteurs de transcription, et enfin iii) de l’activation directe par des oncogènes dérégulés dans les cellules transformées (White, 2005).

Figure 5. Illustration schématisant certains changements de la machinerie de classe III accompagnant la transformation oncogénique (d’après White, 2008).

RB et p53 répriment la transcription de classe III, via des interactions avec TFIIIB, inhibant son interaction avec TFIIIC et la RNAP III. L’hyperphosphorylation de RB, et des mutations altérant l’expression de p53, entraînent la perte de cette régulation. La transformation est accompagnée de l’augmentation de l’activité de c-Myc, de Erk, tous deux stimulant le recrutement de TFIIIB. TFIIIB peut également être phosphorylé et activité via la voie PI3K.

Phosphorylation : P

et al., 2001; Sutcliffe et al., 2000), p53 (Cairns and White, 1998), PTEN (Woiwode et al., 2008) répriment la transcription de classe III. Cette inhibition s’exerce principalement via TFIIIB. Les suppresseurs de tumeur inhibent l’accès de TFIIIB au promoteur, via une interaction directe. La fonction de ces suppresseurs de tumeurs est souvent compromise dans un grand nombre de cancer, le contrôle s’exerçant sur TFIIIB est alors perdu, expliquant l’augmentation générale de la synthèse des transcrits de classe III.

L’activité de TFIIIB est stimulée par phosphorylation par la kinase Erk de la voie MAPK (Mitogen Activated protein Kinase). Brf1 est lié, phosphorylé et activé par Erk, augmentant l’occupation des gènes de classe III, par TFIIIB (Felton-Edkins et al., 2003). Or Erk est anormalement active dans environ 30% des cancers (Felton-Edkins et al., 2003). La forme oncogénique de Ras de la voie MAPK augmente l’expression de Erk, stimulant ainsi la transcription de classe III. En parallèle, Ras induit l’expression de TBP, sous-unité de TFIIIB. La déplétion de PTEN, un suppresseur de tumeur dont l’activité phosphatase inhibe la voie PI2K entraîne l’augmentation de la transcription de classe I et III (Woiwode et al., 2008).

Le proto-oncogène c-Myc est un activateur de la croissance et de la prolifération cellulaire. c-Myc régule la production des ARNs de classe III, comme les ARNt, le SINE B2 ou l’ARN 7SL (Gomez- Roman et al., 2003; Goodfellow et al., 2006). Les gènes de classe III n’ont pas de boîtes E, utilisées par c- Myc pour activer la transcription de classe I et II. c-Myc peut être recruté par une interaction directe entre son domaine de transactivation et TFIIIB (Gomez-Roman et al., 2003). c-Myc peut également être recruté par TFIIIC, comme il a été identifié comme partenaire de TFIIIC lors d’un criblage protéomique (Koch et al., 2007). Une fois lié au promoteur des gènes d’ARNt et d’ARN 5S, c-Myc recrute les complexes TRRAP et GCN5, une histone acétyl-transférase. L’histone H3 est alors acétylée ; cette modification de la structure de la chromatine conduirait à l’assemblage du complexe de transcription TFIIIB suivi du recrutement de la RNAP III (Kenneth et al., 2007). L’induction de la transformation des cellules par c- Myc pourrait être compromise lorsque la transcription de classe III est perturbée. Lorsque l’activité de Brf1 est inhibée, bloquant seulement l’induction de la transcription, tout en maintenant un taux normal de transcription, la transformation par c-Myc est atténuée (Johnson et al., 2008).

La surexpression de la transcription de classe III est observée dans un certain nombre de cancer, mais son implication directe en tant que facteur déclenchant n’a jamais été démontrée clairement. Aucune mutation récurrente d’un de ses facteurs de transcription n’a été associée directement à un type de tumeur. Récemment, il a été montré que la sous-unité Brf1 peut avoir une activité oncogénique. Lorsque Brf1 est surexprimé, son induction est suffisante pour immortaliser des fibroblastes embryonnaires de souris (MEF) (Marshall et al., 2008). En outre, l’induction d’un gène dont la transcription est dépendante de Brf1, l’ARNt méthionine initiateur (ARNtMETi), est à elle seule capable de transformer les MEFs.

souris. En plus de l’augmentation globale de la synthèse des protéines, la surexpression de Brf1 ou de l’ARNtMETi augmente l’expression des régulateurs du cycle cellulaire c-Myc, de la cycline D1, de FGF2 (Fibroblast Growth Factor 2), et du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) et des facteurs suppresseurs de l’apoptose Survivin, et Bax-inhibitor 1. Cependant, de quelle manière c-Myc est impliqué dans la transformation des cellules par Brf1 ou cet ARNt reste à déterminer. Cette étude suggère une boucle de régulation positive, où la stimulation de la transcription de classe III par c-Myc de l’ARNt initiateur induirait en retour la traduction de c-Myc.

La répression rapide de la transcription par la RNAP III assure la survie de la cellule suite à un stress. Maf1, protéine conservée de la levure à l’humain, réprime la RNAP III en réponse à des dommages à l’ADN, des stress oxydatifs, un traitement à la rapamycine (inhibiteur de la voie TOR, Target of Rapamycin), ou encore le blocage de la voie de sécrétion. En condition normale de croissance, Maf1 est phosphorylée et présente dans le cytoplasme. Suite à un stress, Maf1 est déphosphorylé, et importé dans le noyau. Maf1 se lie alors avec le sous-complexe Rpc82/ Rpc34/ Rpc31, provoquant un réarrangement de la RNAP III, prévenant la liaison de TFIIIB à la polymérase. Maf1 peut également se lier à la RNAP III en élongation, empêchant la réinitiation de la transcription (Vannini et al., 2010).

Les études de ChIP-seq (Barski et al., 2010; Moqtaderi et al., 2010; Oler et al., 2010; Raha et al., 2010) ont également mis en évidence la présence d’autres facteurs tels que FOS, JUN et ETS1. Bien que la co-localisation ne prouve pas l’interaction fonctionnelle entre ces protéines et la machinerie de classe III, ces facteurs pourraient influencer la transcription. Ils pourraient de même participer à l’augmentation de la transcription de classe III, observée dans de nombreux cancers. L’implication de ces différents facteurs dans le contrôle de la transcription de classe II et de classe III permettrait de réguler finement la croissance et la division cellulaire.

Enfin, récemment, deux isoformes de la RNAP III ont été identifiées chez les mammifères (Haurie et al., 2010). Elles diffèrent par la sous-unité RPC32. RPC32 est la seule sous-unité spécifique de la RNAP III, ne présentant aucune homologie de séquence ou de structure avec une sous-unité ou un facteur de transcription des autres ARN Polymérases. La RNAP IIIß contient la sous-unité RPC32ß, et est ubiquitaire, tandis que la RNAP IIIα contenant la sous-unité RPC32α n’est détectée que dans des lignées cellulaires de leucémie ou dans plusieurs types de lymphomes. La suppression par ARN interférence de l’expression de RPC32α réduit la formation de colonie des cellules HeLa, dans des essais soft-agar. RPC32α est régulée négativement durant la différentiation et est activée lors de la transformation en cellules tumorales.