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Chapitre II : Rôle insulateur de la machinerie de classe III

C. Mécanisme d’insulation

Le mécanisme précis par lequel les gènes d’ARNt ou les boîtes B exercent leur fonction barrière n’est pas clairement élucidé. Pourtant plusieurs modèles ont été proposés, sans exclusion mutuelle entre eux.

Le recrutement de la machinerie de classe III au promoteur crée l’assemblage d’un très large complexe, protégeant environ 150 pb d’ADN de la digestion par la DNase I (Chedin et al., 1998). Des mutations du promoteur du gène d’ARNt au locus HMR ou dans la machinerie de transcription entraîne la perte de la fonction barrière de ce gène, suggérant que l’intégrité de la machinerie de classe III est nécessaire à l’activité de cette barrière. Ce gène est activement transcrit, la machinerie recrutée est pleinement fonctionnelle. Une autre caractéristique des gènes d’ARNt est la réinitiation de type hyper- processive (Dieci and Sentenac, 1996). L’occupation persistante par le complexe de la RNAP III peut contribuer à la fonction insulatrice des gènes d’ARNt (Simms et al., 2004).

L’assemblage de la machinerie de transcription aux gènes de classe III entraîne une redistribution des nucléosomes, les gènes d’ARNt activement transcrits sont alors dépourvus de nucléosomes. Ceci provoque une rupture dans la structure de la chromatine (Mavrich et al., 2008). Cet intervalle crée par le gène transcrit, éliminerait le substrat nécessaire à la propagation de l’hétérochromatine, le nucléosome. Le mécanisme proposé est que l’assemblage de ce complexe de transcription agirait comme un bloc physique empêchant la propagation de l’hétérochromatine (Donze and Kamakaka, 2001). Cependant, des mutations restaurant la présence de nucléosomes au gène d’ARNt du locus HMR, entraînent seulement une perte mineure de la fonction barrière. Ceci suggère que l’absence de nucléosome ne serait pas nécessaire à l’établissement de cette fonction (Oki and Kamakaka, 2005).

Il existe deux autres modèles pouvant tout aussi bien s’appliquer aux sites barrières des gènes d’ARNt qu’aux sites liés par TFIIIC. L’organisation de la chromatine en des structures complexes, également dénommées architecture chromosomique pourrait avoir un rôle dans l’établissement des fonctions insulatrices. L’inhibition de la transcription de la RNAP II est associée à une relocalisation « sous-nucléaire » particulière, du locus MAT, aux télomères et centromères. Cependant aucun lien causal n’a été mis en évidence entre cette localisation et la répression de la transcription (Haeusler and Engelke, 2004). Les gènes d’ARNt sont localisés dans le nucléole, et cette association est largement dépendante de leur activité transcriptionnelle. Cet arrangement permet de concentrer la transcription de la RNAP III, et de la maturation des ARNt. De plus, il y aurait la possibilité de coordonner la bioynthèse des ARN impliqués dans la traduction, les ARNt, et l’ARN5S, et les ARNr (Bertrand et al., 1998). Etant donné le grand nombre de gènes d’ARNt dispersés sur l’ensemble des chromosomes, le regroupement des gènes au nucléole affectera la position de l’ensemble de l’ADN. La perturbation de la localisation au sein du nucléole des gènes d’ARNt entraîne la perte de la répression des gènes voisins de classe II (Haeusler et al., 2008; Kendall et al., 2000). La position des ARNt n’est cependant pas rigide, et est soumise aux contraintes exercées sur la chromatine environnante.

La fonction insulatrice peut être liée aux protéines recrutées par un des facteurs de transcription de classe III. La modification du profil des histones entraîne un changement dans la structure de la chromatine. Bien que les séquences ADN des barrières soient assez hétérogènes, l’activité intrinsèque (TFIIIC chez l’humain) ou le recrutement d’une activité histone-acétylase corrèle avec cette fonction dans de nombreux organismes (Donze and Kamakaka, 2002; Hsieh et al., 1999; Kundu et al., 1999 ; Lunyak et al., 2007 ; Mertens and Roeder, 2008). La fonction barrière du gène d’ARNt au locus HMR de S. cerevisiae est une combinaison de l’interruption de la chaine des nucléosomes, observée classiquement aux gènes d’ARNt, mais est également due au rôle HAT des protéines telles que Ada 2, Eaf3 et Sas2 (Oki and Kamakaka, 2005).

Chez S. cerevisiae, la fonction insulatrice de TFIIIC aux sites ETC utilise des histones acétylases et les remodeleurs de chromatine tels que le complexe RSC ; la fonction barrière passerait par le remodelage des histones (Valenzuela et al., 2009).

La structuration de la chromatine établissant la fonction insulatrice de ces gènes requiert des protéines comme la cohésine. Les silencers HMR-E et HMR-I interagissent ensemble formant une boucle, la nucléation de l’hétérochromatine initiée au locus HMR-E peut alors se propager via l’interaction avec HMR-I permettant l’établissement de l’hétérochromatine, au locus MAT. Cette interaction requiert les protéines Sir, et la cohésine qui permet l’appariement des deux domaines silencers (Valenzuela et al.,

2008). Le gène d’ARNt au locus HMR est requis pour l’établissement de la cohésion (Dubey and Gartenberg, 2007), et lorsque les deux sous-unités Smc1 et Smc3 de la cohésine sont mutées, la fonction barrière du locus HMR est compromise (Donze et al., 1999). Enfin, l’activité insulatrice du gène d’ARNt au locus ADNr requiert également la cohésine (Biswas et al., 2009). La condensine se lie aux gènes d’ARNt chez S. cerevisiae et S. pombe, avec une préférence pour les boîtes B liées par TFIIIC. De plus TFIIIC aurait un rôle dans l’étape de chargement de la condensine aux chromosomes. La condensine permettrait le regroupement des gènes d’ARNt (D'Ambrosio et al., 2008; Haeusler et al., 2008).

Enfin, l’ancrage des sites barrières à des structures comme les pores nucléaires formerait un obstacle à la propagation de l’hétérochromatine (Misteli, 2007). Les sites HMR sont localisés à la périphérie nucléaire, à proximité des télomères. Cet ancrage à la périphérie, peut-être dû aux séquences HMR, serait un des évènements responsable de la répression de ce locus (Valenzuela et al., 2008). Les sites COC chez S. pombe sont localisés à la périphérie du noyau. Cette localisation dépend de la liaison de TFIIIC aux boîtes B. Elle entraînerait la formation d’une structure particulière de la chromatine, à l’origine de la fonction insulatrice de TFIIIC. Ces sites seraient des centres organisateurs de la chromatine (d’où le nom, Chromosome-Organizing Clamps).