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Chapitre I : La transcription de classe III

G. Chromatine

La chromatine consiste en sous-unités répétées nommées nucléosomes, composées de 147 pb d’ADN enroulés autour d’un octamère d’histones contenant deux de chaque histone H2A, H2B, H3, et H4. Entre chaque nucléosome, l’histone H1, dit linker, se fixe à l’ADN. Les nucléosomes sont ensuite compactés en fibres de 30 nm de diamètre, puis subissent encore d’autres niveaux de compaction. Les multiples interactions entre l’ADN et les histones font du nucléosome un des complexes ADN-protéine les plus stables. Cependant, la modulation de la structure de cette chromatine est essentielle pour des processus comme la réplication, et la transcription. Ce complexe est également un des plus dynamiques, de nombreuses modifications post-traductionnelles des histones entraînent des variations de la compaction de la chromatine, permettant une régulation fine de l’accessibilité à la chromatine, et de la transcription des gènes. La chromatine est remodelée avant et après l’initiation de la transcription, et durant l’élongation du transcrit (Studitsky et al., 2004).

La répression de la transcription associée à l’assemblage de l’ADN en chromatine résulte d’un défaut d’accessibilité des facteurs de transcription à leur site de liaison respectif, et d’autres effets comme le blocage de l’élongation (Li et al., 2007). Dans la plupart des cas, ce manque d’accessibilité est contourné par l’action d’activateurs spécifiques, capables de lier la chromatine, puis de recruter des facteurs de remodelage, ou de modifications des histones.

La susceptibilité à la répression chromatinienne des gènes de classe III est très variable (Paule and White, 2000). La transcription des gènes de l’ARN 5S est inhibée lorsque leur promoteur est occupé par un nucléosome, bloquant la liaison de TFIIIA. Cependant lorsque ces histones sont acétylées, TFIIIA est capable d’accéder à ses sites de liaison avec une affinité comparable à une matrice d’ADN nue. La forme du nucléosome change suffisamment provoquant un relâchement de l’enroulement de l’ADN. La perturbation de la structure de la chromatine entraîne une augmentation de la transcription de ces gènes, ceci découlant peut-être du déplacement des nucléosomes le long de l’ADN.

Les gènes d’ARNt sont assez résistants à la répression nucléosomale. Contrairement aux gènes 5S, la présence de l’histone H1 ne provoque pas de perte d’accessibilité des facteurs de transcription au promoteur. Cependant, il est important de noter que l’environnement chromatinien influence l’activité des gènes d’ARNt ; si un gène d’ARNt est inséré dans un domaine de chromatine inactive, comme à côté du locus silencieux HMR chez la levure, sa transcription sera réprimée.

La structure de la chromatine a également été examinée in vivo pour le gène U6, chez la levure. La transcription d’un gène U6 couvert par les nucléosomes régulièrement espacés, peut être restauré par l’addition de TFIIIC, mais non par TFIIIB ou TBP. Cette restauration dépend de la présence de la boîte B. Cette capacité de TFIIIC à se lier à la boîte B et à permettre la transcription du gène U6 est mis en exergue par une expérience où la transcription du gène U6, en l’absence de nucléosome ne requiert ni la séquence B ni TFIIIC (Schramm et al., 2000). Ces résultats suggèrent que TFIIIC, en plus de l’assemblage des complexes de transcription, serait capable d’inhiber la formation des nucléosomes au promoteur d’au moins certains gènes de classe III. TFIIIC peut également entrer en compétition avec les histones, in vitro, alors même que le gène est déjà incorporé dans la chromatine. La susceptibilité du gène 5S pourrait ainsi provenir de l’absence de boîte B au promoteur. Chez l’humain, TFIIIC recruterait p300 au promoteur des gènes d’ARNt. La fonction HAT de p300 est essentielle à l’activation de la transcription pour contrer la répression exercée par les nucléosomes. En plus de l’acétylation des histones, p300 stabiliserait TFIIIC au promoteur. p300 est également recruté au promoteur des gènes U6, in vivo (Mertens and Roeder, 2008). Pourtant, d’autres études montrent que contrairement à ce qui avait été rapporté précédemment (Kundu et al., 1999), TFIIIC seul, lié au promoteur ne serait pas capable de surmonter la répression de la chromatine.

Les SINEs potentiellement actifs dans la cellule sont très nombreux, ce qui pourrait entraîner de graves effets délétères si tous s’exprimaient. Les SINEs B2 et Alu sont très susceptibles à la répression nucléosomales. Le contexte chromatinien d’un SINE peut être un facteur important de sa régulation tissu- ou développement-spécifique (Kramerov and Vassetzky, 2005).

In vitro, la méthylation de l’ADN peut réprimer l’expression des gènes de classe III. Or les SINEs sont particulièrement riches en îlots CpG. Il a été ainsi observé que des éléments Alu fortement méthylés sont réprimés dans des cellules différenciées. Cependant, cette méthylation peut également n’être que la conséquence de la répression de l’expression de ces SINEs, ajoutant un verrou supplémentaire, et non la cause de cette répression.

Chez la levure, en phase exponentielle de croissance, l’ensemble des gènes d’ARNt est occupé par la RNAP III (Harismendy et al., 2003; Moqtaderi and Struhl, 2004 ; Roberts et al., 2003). Chez les mammifères, la régulation de l’expression des ARNt est variable selon le type cellulaire (Moqtaderi et al., 2010; Oler et al., 2010). Un environnement chromatinien permissif des gènes semble être déterminant pour la transcription de classe III, comme il l’est pour les gènes de classe II. Les analyses réalisées par ChIP-seq ont mis en évidence que les gènes actifs d’ARNt présentent des marques d’euchromatine comme l’acétylation de H3, ou la triméthylation de la lysine 4 de H3 (H3K4me3), contrairement aux gènes inactifs, qui présenteraient plutôt des marques spécifiques de l’hétérochromatine comme H3K27me3, et H3K9me3 (Barski et al., 2010; Moqtaderi et al., 2010; Oler et al., 2010).

L’acétylation de l’histone H3 corrèlerait avec le modèle de l’induction de la transcription par c- Myc, via le recrutement de l’acétyltransférase GCN5 (Kenneth et al., 2007). L’ensemble des modifications des histones étudiées corrèle avec l’activité de la RNAP III, comme cela a été démontré pour l’activité de la RNAP II. Certaines différences notables ont pourtant été observées. Les nucléosomes sont en amont du gène, tandis que la partie codante en est totalement dépourvue. Bien que la RNAP III puisse transcrire à travers les nucléosomes in vitro (Studitsky et al., 1997), le fort taux de transcription des gènes de classe III, et la continuelle présence des facteurs de transcription au corps du gène entraîne une déplétion des nucléosome en aval du TSS. Les nucléosomes seraient plutôt déplacés en amont de l’unité de transcription.

Figure 6. Schéma représentant l’environnement chromatinien et le recrutement des facteurs aux gènes d’ARN de transfert (A) actifs, (B) non transcrits, dans des cellules humaines (d’après White, 2011).

(A) les gènes d’ARNt actifs sont occupés par les facteurs de transcription TFIIIC, TFIIIB, l’ARN polymérase III, et souvent par MYC, qui recrute via le cofacteur TRRAP l’histone acétyl-transférase GCN5. L’environnement chromatinien présente des modifications associées à l’euchromatine, comme H3K4me3, H2AK5Ac, H2BK12Ac, H3K9Ac, H3K18Ac and H4K12Ac. L’ARN polymérase II peut souvent être détectée environ 200pb en amont chez l’humain, ainsi que certains de ses facteurs de transcription.

(B) les gènes d’ARNt inactifs ne sont pas occupés par la machinerie de transcription de classe III, ni par la machinerie de classe II en amont. Les histones à proximité de ces gènes sont peu acétylées et présentent des modifications caractéristiques de l’hétérochromatine, H3K9me3, H3K27me3.