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Régulation par phosphorylation

CHAPITRE I : 4E-BP1 ET LE CONTROLE DE L’INITIATION DE LA TRADUCTION

C. La régulation de l’initiation de la traduction cap-dépendante

C.4 Assemblage de la sous-unité 80s

D.2.2 Régulations de 4E-BP1

D.2.2.3 Régulation par phosphorylation

L’état de phosphorylation de 4E-BP1 contrôle son interaction avec eIF4E. 4E-BP1, sous sa forme hypophosphorylée, interagit fortement avec eIF4E ce qui empêche l’initiation de la traduction. Lorsqu’elle est phosphorylée, son interaction avec eIF4E n’est plus possible et la traduction est initiée. La phosphorylation de 4E-BP1 est principalement contrôlée par la voie PI3k/Akt/mTOR. Elle est déclenchée par de nombreux stimuli favorables à la croissance cellulaire (facteurs de croissance, mitogènes, hormones telles que l’insuline, abondance en nutriments) et conduit à une augmentation de la synthèse protéique. En revanche, sa déphosphorylation est amorcée pour répondre à des conditions de stress et promouvoir la survie cellulaire en réduisant le taux de synthèse protéique. Les formes hypophosphorylées de 4E-BP1 s‘accumulent notamment lorsque les cellules sont en apoptose, soumises à un stress génotoxique ou privées de nutriment. (Voir figure 15)

Figure 15 : Régulation de l’initiation de la traduction par 4E-BP1

4E-BP1 déphosphorylé (actif) inhibe la traduction des ARNm en empêchant la liaison d’eIF4E avec la protéine d’échaffaudage eIF4G. En conditions favorables de croissance (facteurs de croissance, mitogènes, acides aminés, oxygène…), la kinase mTOR est activée et phosphoryle 4E-BP1. Une fois phosphorylée, 4E-BP1 perd son affinité pour eIF4E. eIF4E peut alors se lier à eIF4G, former le complexe eIF4F, permettre le recrutement du ribosome et ainsi activer la traduction des ARNm.

Les sites de phosphorylation

La séquence protéique de 4E-BP1 présente sept sites avérés de phosphorylation (T36, T47, S65, T70, S83, S101 et S112 pour la séquence humaine) (figure 12). Parmi eux, quatre sites (T36, T47, S65, T70) sont conservés chez les trois membres de la famille des 4E-BP et semblent jouer un rôle primordial dans la régulation de l’association/dissociation du complexe 4E-BP/eIF4E. La phosphorylation de la sérine 83, qui est, elle aussi, présente chez les trois membres de la famille, est très peu décrite et ne présente pas de sensibilité à l’insuline et à la rapamycine (Mothe-Satney et al., 2000).

Même si le rôle de chaque site de phosphorylation et leur régulation restent très discutés au sein de la communauté scientifique, la plupart des données de la littérature semblent s’accorder sur un modèle hiérarchique de phosphorylation réalisé en deux étapes. Dans un premier temps, 4E-BP1 serait phosphorylée sur les résidus T36 et T47 (Brunn et al., 1997; Burnett et al., 1998; Gingras et al., 2001). Ces phosphorylations ne seraient pas suffisantes pour amener à la dissociation du complexe 4E-BP1/eIF4E mais seraient cependant nécessaires à la phosphorylation du résidu S65 qui est permissive à la subséquente phosphorylation sur la Thréonine 70. Dans un second temps, les phosphorylations de 4E-BP1 sur la S65 et la T70 provoquent sa dissociation d’eIF4E qui peut alors s’associer à eIF4G pour former le complexe eIF4F et participer à l’initiation de la traduction (Gingras et al., 1999, 2001; Heesom and Denton, 1999; Mothe-Satney et al., 2000). Ce modèle est soutenu par les analyses de cristallographie qui étudient l’association 4E-BP1/eIF4E et qui positionnent les résidus S65 et T70 très proches du site d’interaction à eIF4E. Il a notamment été proposé que la phosphorylation de ces résidus, via l’apport de charges négatives, puisse déstabiliser l’interaction entre les deux protéines (Marcotrigiano et al., 1999). Plusieurs études semblent indiquer que la phosphorylation du site S65, à elle seule, n’est pas suffisante pour provoquer la dissociation du complexe 4E-BP1/eIF4E (Ferguson et al., 2003; Gingras et al., 2001; Niedzwiecka et al., 2002) mais empêcherait leur réassociation. Il semblerait donc que la phosphorylation de 4E-BP1 à ces différents sites ait un effet coopératif conduisant à la dissociation du complexe 4E-BP1/eIF4E.

Des chercheurs étudiant la phosphorylation de 4E-BP1 après ischémie et reperfusion proposent une séquence de phosphorylation différente : la phosphorylation sur la T70 aurait lieu en premier, suivie par celle des sites T37/T46 et enfin par le site S65. Seules les formes

non-phosphorylées ou phosphorylées sur la thréonine 70 sont retrouvées associées à eIF4E (Ayuso et al., 2010). Cependant, ces modèles ont récemment été remis en question par l’utilisation d’un mutant de 4E-BP1 chez l’oursin où les quatre acides aminés T36, T47, S65 et T70 (séquence humaine) ont été remplacés par des acides aminé glutamiques mimant ainsi leur phosphorylation. Ce quadruple mutant, contrairement à ce qui était anticipé, conserve sa capacité de liaison à eIF4E in vitro (Oulhen et al., 2009). Ces résultats suggèrent l’implication d‘autres mécanismes dans le contrôle de la dissociation 4E-BP1/eIF4E.

Deux autres sites de phosphorylations (S101 et S112) décrits comme insensibles à la rapamycine ont été identifiés. Ces sites, bien qu’absents des séquences de 4E-BP2 et 4E-BP3, sont conservés chez plusieurs mammifères. La phosphorylation de ces résidus est impliquée dans la régulation de l’interaction 4E-BP1/eIF4E. En effet, la phosphorylation de 4E-BP1 sur la Ser101 semble être nécessaire à la phosphorylation de la Ser65 et l’état de phosphorylation de la Ser112 affecte directement sa liaison avec eIF4E (Wang X, Mol Cell Biol, 2003 ; Heesom KJ, Biochem J, 1998).

Les kinases et les phosphatases

mTOR (mammalian Target Of Rapamycin) est considérée comme la kinase majeure de 4E-BP1. mTOR, aussi connue sous le nom de FRAP (FKBP and Rapamycin-Associated Protein), est une sérine/thréonine kinase activée en aval de la voie PI3K/Akt. Cette voie est particulièrement sensible aux signaux extracellulaires, à la disponibilité en acide-aminés et au statut énergétique de la cellule. mTOR peut être retrouvée au sein de deux complexes : mTORC1 et mTORC2. mTORC2 est composé entre autres de mTOR, Rictor et mLST8 (GL) et est insensible à la rapamycine. mTORC1 est composé entre autres de mTOR, Raptor et mLST8 (GL) et présente une sensibilité à la rapamycine et est responsable de la phosphorylation de 4E-BP1. En effet, la majorité des sites de phosphorylation de 4E-BP1 sont sensibles à la rapamycine et la kinase possède un site de liaison sur sa partie C-terminale (domaine TOS) (voir chapitre I, section D.1.3.2).

Le complexe mTORC1 est capable de phosphoryler 4E-BP1 sur les thréonines 36 et 47 (Brunn et al., 1997; Burnett et al., 1998; Gingras et al., 2001). Les phosphorylations sur la sérine 69 et la thréonine 70 sont également dépendantes de mTOR puisqu’elles présentent une sensibilité à la rapamycine encore supérieure à celle des deux résidus précédents (T37

et T46) et que l’expression d’un mutant de mTOR résistant à la ramamycine confère également à 4E-BP1 une résistance à la phosphorylation sur ces résidus (Brunn et al., 1997; Gingras et al., 1998; Hara et al., 1997). Une étude récente montre que la glycogen synthase kinase GSK3- est capable de phosphoryler 4E-BP1 sur les résidus T37 et T46 in vitro et in vivo. En phosphorylant 4E-BP1, elle inhibe son activité et favorise ainsi la prolifération (Shin et al., 2013). En ce qui concerne les sites S83, S101 et S112, les données de la littérature restent vagues. La kinase ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated) a été proposée comme potentiellement impliquée dans la phosphorylation du résidu S112 (Yang and Kastan, 2000) cependant les kinases responsables de la phosphorylation des sites S83 et S101 demeurent encore inconnues.

Si la régulation de la phosphorylation de 4E-BP1 est principalement dépendante de la voie PI3K/AKT/mTOR, d’autre voies de signalisation/kinases peuvent également stimuler la phosphorylation de 4E-BP1. Certaines études ont impliqué des kinases de la voie MAPK dans la phosphorylation de 4E-BP1 notamment la p38/MSK1 qui est activée lors d’un stress provoqué par une exposition aux UVB (Liu et al., 2002). Les kinases ERK1/2 ont aussi été décrites comme pouvant stimuler la phosphorylation de 4E-BP1 (Herbert et al., 2002; Naegele and Morley, 2004). De même la phosphorylation de 4E-BP1 semble être régulée différemment au cours du cycle cellulaire : dépendante de la voie PI3K/AKT/mTOR en G1 (Pyronnet et al., 2001) et régulée par la CDK1 (Cyclin-Dependent Kinase 1) en mitose (Heesom et al., 2001). Enfin, de récentes études ont suggéré l’implication des kinases de la famille Pim dans les phénomènes de la résistance à la rapamycine (Chen et al., 2005) et la kinase Pim2 semble réguler la phosphorylation de 4E-BP1 (Tamburini et al., 2009). Cependant, le mécanisme reliant la résistance à la rapamycine, la kinase Pim2 et la phosphorylation de 4E-BP1 reste à élucider.

La phosphorylation de 4E-BP1 est antagonisée par l’action de phosphatases. Randall Peterson et ses collaborateurs ont suggéré l’implication de la phosphatase PP2A (Protein Phosphatase 2A) dans la déphosphorylation 4E-BP1 (Peterson et al., 1999). Leur hypothèse se basait sur le fait que la phosphorylation de 4E-BP1 était sensible à la Calyculine A, l’inhibiteur de phosphatase. Cependant, ces résultats ont été remis en cause par une étude récente qui ne reproduit pas l’absence de déphosphorylation de 4E-BP1 sous traitement à la

calyculine A. En revanche, ces travaux montrent que dans les cellules KO pour PPGM1, une phosphatase capable d’interagir avec 4E-BP1 et de la déphosphoryler, la phosphorylation de 4E-BP1 est fortement augmentée (Liu et al., 2013). (Voir Figure 16)

Figure 16 : Kinases et phosphatases régulant la phosphorylation de 4E-BP1 La phosphorylation de 4E-BP1 est généralement sous la dépendance de la voie PI3K/Akt/mTOR. Dans des conditions particulières, les kinases p38, CDK1, GSK3- et peut être Pim2 peuvent également phosphoryler 4E-BP1. Les protéines PP2A et PPGM1 semblent toutes deux impliquées dans la déphosphorylation de 4E-BP1.

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