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1.6 Le système des peptides natriurétiques

1.6.2 La régulation de l’expression et de l’activité des NPR

L’expression et l’activité des récepteurs des NP sont contrôlées par plusieurs facteurs incluant les facteurs de croissance, l’ANG II, les endothélines, les glucocorticoïdes et les NP eux-mêmes. La régulation de l’activité transcriptionnelle du npr1/gca est la plus étudiée des trois NPR. Le promoteur des gènes de npr1/gca de l’humain, du rat et de la souris est composé d’une boite inversée CCAAT remplaçant la typique boite TATA, et constitue l’élément de base nécessaire au recrutement des facteurs de transcription. Le promoteur du gène de npr1/gca contient plusieurs éléments régulateurs de l’expression de son ARN messager. Parmi ceux-ci, il y a trois sites de liaison Sp1 contrôlant l’activité transcriptionnelle. La mutation d’un seul de ces sites entraîne une baisse de l’activité promotrice du gène npr1/gca de 50%, et de plus de 90% lors de la délétion de tous les sites Sp1. La surexpression du facteur de transcription Ets-1 dans les cellules mésangiales de souris résulte en une augmentation du transcrit NPR1/GCA de 12 fois en comparaison au contrôle, alors

que la mutation de l’élément c-Ets-1 abolit complètement cette hausse d’expression (115). La position du site de départ de la transcription est une différence majeure entre les gènes npr1/gca de l’humain, du rat et de la souris. Ainsi, le site initiateur de la transcription de l’humain se situe à 88 paires de bases (bp) en amont du site d’initiation de la traduction du NPR1/GCA, alors que cette même région 5’ non- traduite est de 362 bp chez la souris et de 370 bp chez le rat (116). Ceci suggère l’existence de mécanismes de transcription distincts entre les espèces. Un de ces mécanismes a déjà été élucidé chez le rat. Le promoteur du gène de npr1/gca de rat contient une répétition de nucléotides T et A dont le nombre est inversement proportionnel à l'expression du transcrit NPR1/GCA. Malgré la réponse exagérée à l'ANP chez le rat spontanément hypertendu (SHR), un modèle animal d’hypertension, cette longue répétition de dinucléotides T et A est associée à un taux réduit d'ARNm de NPR1/GCA comparativement à la souche normotendue Brown Norway (BN) (117;118). Un nombre intermédiaire de nucléotides T et A, compris entre les 10 répétitions de la souche BN et les 40 de la souche SHR, produit un taux intermédiaire de l’expression du transcrit NPR1/GCA (118).

Les ligands naturels des NPR contrôlent directement les quantités de récepteurs exprimés. Un pré-traitement in vitro d’ANP entraîne une diminution de la densité de NPR1/GCA et une inhibition de la synthèse de cGMP dans les cellules endothéliales et les VSMC (119-124). Une pré-stimulation à l’ANP de cellules musculaires lisses de l’aorte du rat entraîne une diminution de la liaison subséquente de l’ANP; cet effet est dépendant de la dose utilisée et du temps (125). Les taux de NPR1/GCA sont contrôlés par une boucle de rétro-inhibition impliquant une molécule clé, le cGMP.

La stimulation par l'ANP du promoteur du gène npr1/gca inhibe sa propre expression par un mécanisme cGMP-dépendant (125). Cette inhibition transcriptionnelle peut être enclenchée par les trois NP et le bromo-8-cGMP (un analogue non hydrolysable du cGMP) et amplifiée par l’inhibition des PDE. Cependant, aucune inhibition n’est observée suite à la stimulation spécifique de NPRC avec du C-ANF, un homologue de l’ANP incapable d’activer les GC membranaires (126). L’élévation du cGMP intracellulaire par la stimulation des NPR1/GCA et NPR2/GCB entraîne donc l’inhibition transcriptionnelle du gène npr1/gca. D’autres enzymes influençant les concentrations de cGMP (par exemple la sGC) pourraient également être impliqués dans ce phénomène. Près de 10 ans après cette découverte, une partie de ce mécanisme a été élucidée. L’inhibition transcriptionnelle est sous le contrôle d'un élément de régulation-cis, présent dans le promoteur du gène npr1/gca, appelé élément de réponse au cGMP (cGMP-RE) (127). Il s’agit d’un court segment du promoteur de npr1/gca en position -1546 à -1523 bp chez l’humain ayant la séquence 5’-AGGAAATGTACTTCAACATTCTGC-3’. Ce cGMP-RE a aussi été caractérisé chez la souris (5’-AGAAAATAGATTTCAACAGTTTGC-3’) et le rat (5’- AGAAAATAGACTTCAACAGTTTGC-3’). Cet élément module l’expression du promoteur de npr1/gca suite à la stimulation des cellules par l’ANP. La délétion du cGMP-RE rend le promoteur de npr1/gca insensible au cGMP, alors que sa seule présence permet d’inhiber un gène rapporteur couplé à la luciférase (127). Les facteurs-trans impliqués dans la sensibilité au cGMP ne sont pas encore identifiés.

Pareillement au npr1/gca, le promoteur de npr2/gcb ne contient pas de boite TATA, mais est contrôlé par une boite CCAAT inversée et possède plusieurs sites de liaison

Sp1. Par contre, le cGMP-RE présent dans le promoteur de npr1/gca est absent dans celui de NPR2/GCB, suggérant que la boucle de rétro-inhibtion n’implique pas le même élément cis ou que ce type de rétroaction est absent dans la voie de signalisation CNP-NPR2/GCB-cGMP.

La désensibilisation est un mécanisme supplémentaire qui peut également contrôler l'action des NP en affectant l'activité du récepteur plutôt que ses taux d'expression. Le mécanisme de désensibilisation homologue se produit rapidement après la liaison des NP au récepteur, et ce, indépendamment de l'accumulation de cGMP (128). Suite à la liaison et l’activation du récepteur par un NP, l’état de phosphorylation du domaine KHD de la région intracellulaire des NPR1/GCA et NPR2/GCB est rapidement réduit sous l’action d’une protéine phosphatase causant la dissociation des monomères et la diminution de l’activité cyclase du domaine GC. Ce mécanisme de désensibilisation homologue a été observé au niveau des récepteurs NPR1/GCA et NPR2/GCB. Une étude a identifié une protéine de 55 kDa interagissant avec le domaine KDH de NPR1/GCA et contenant un domaine catalytique de type sérine phosphatase (129). Ce groupe a aussi identifié la protéine phosphatase 5 (PP5) comme étant la phosphatase responsable de la désensibilisation de NPR1/GCA (130). Son mode d’action est cependant ambigu et son implication dans le mécanisme de déphosphorylation du récepteur est controversée. Il se pourrait que l’interaction PP5- NPR1/GCA soit directe ou favorisée par la chaperonne hsp90 (heat shock protein 90) (130). La figure 1.4 résume ces mécanismes de modulation de l’activité et l’expression de NPR1/GCA dépendante de l’ANP. Certains agents dont l’ANG II, l’acide lysophosphatidique, le sphingosine-1-phosphate, le facteur de croissance

dérivé des plaquettes (PDGF), le facteur de croissance fibroblastique (bFGF) et les endothélines peuvent induire la désensibilisation hétérologue des récepteurs NPR1/GCA et NPR2/GCB. L’activation de la PKC par ces agents provoque la déphosphorylation de résidus du KHD qui sont différents de ceux déphosphorylés lors de la désensibilisation induite par les NP (131). En plus de la voie PKC, une élévation du calcium intracellulaire sous l’action de l’IP3 peut causer la

désensibilisation du récepteur NPRB (132).

Le mouvement des NPR dans la cellule joue aussi un rôle important dans la modulation des signaux provenant des NP. Ainsi, l’activité des NPR est contrôlée par l’internalisation et la dégradation des récepteurs (133). Après la stimulation, le ligand et le récepteur sont internalisés et dirigés par les endosomes vers les lysosomes. La majorité de l’ANP et environ 60% des récepteurs NPR1/GCA internalisés sont dégradés. Les récepteurs restant sont redirigés vers la membrane plasmique. Ce processus ne prend que quelques minutes, permettant aux NPR d’être rapidement stimulés de nouveau. Cependant, la vitesse et le taux de récupération des NPRC sont plus lents que ceux des NPR1/GCA et NPR2/GCB (133;134). Les mécanismes d’internalisation sont encore mal compris, mais une séquence présente dans le domaine C-terminal joue un rôle important. Le motif GDAY (glycine-acide aspartique-alanine-tyrosine) est un déterminant du mouvement intracellulaire des récepteurs (135). L’utilisation de NPRA mutants a montré que la glycine et la tyrosine sont essentielles à l’internalisation du récepteur tandis que l’acide aspartique est indispensable au transport du récepteur à la surface de la cellule (135).

Figure 1.4 À l’état basal, les deux sous-unités catalytiques du récepteur sont inactives et séparées l’une de l’autre. Après la liaison de l’hormone, un réarrangement du récepteur permet au domaine cyclase de s’assembler et de convertir le GTP en cGMP. La modulation des récepteurs actifs peut s’effectuer par deux voies bien distinctes. Le mécanisme de désensibilisation (desensitization) implique une déphosphorylation rapide du domaine kinase qui empêche la conversion de GTP en cGMP sans affecter le nombre de récepteurs. La stimulation chronique par l’ANP entraîne l’inhibition transcriptionnelle (downregulation) du gène par des mécanismes dépendant du cGMP et du cGMP- RE présent dans le promoteur de npr1/gca. Figure tirée de Martel G., Hamet P., Tremblay J. (2010) Mol. Cell Biochem. 334, 53-65.

L’expression du troisième récepteur, NPRC, est également modulée par plusieurs agents. La stimulation de cellules musculaires lisses d’artérioles pulmonaires par les facteurs de croissance fibroblastiques (FGF-1 et -2) ou le facteur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF) provoque une réduction des taux d’ARNm de NPRC (136). Le traitement de VSMC avec la noradrénaline, la forskoline, le fluorure de sodium ou le bromo-8-cAMP est associé à une baisse des taux de protéines et d’ARNm de NPRC sans affecter les taux de NPR1/GCA et NPR2/GCB (137). La consommation de sel a aussi été associée à une diminution des transcrits d’ARNm de NPRC dans les reins, indépendamment de la stimulation de l’ANP, et ce, sans effet sur les taux de NPR1/GCA et NPR2/GCB (138). Plusieurs études confirment l’existence d’un mécanisme d’inhibition transcriptionnelle de NPRC, mais ce dernier n’est pas totalement élucidé.

Une étude récente (139) rapporte qu’une forme de NPR1/GCA ayant subit un épissage alternatif, précédemment rapportée par notre groupe (140), résulte en une délétion de 16 acides aminés situés dans le domaine extracellulaire (Lys314 à Gln330). La protéine est exprimée de façon ubiquitaire, mais à de bas taux (<1%). Cette autre forme de NPR1/GCA est incapable de lier les NP. Ce variant peut former des dimères avec la forme normale du récepteur (wild-type) et interfère avec son activité. Il s’agit d’un mécanisme supplémentaire pouvant moduler la réactivité des récepteurs à l’ANP (139).