• Aucun résultat trouvé

c) Rôle des protéines virales accessoires et des facteurs de restriction antirétrovirale

10. Régions LTR et intégrase des VIH-2

10.1. Intégrase du VIH-2

L’intégrase du VIH-2 est une protéine d’environ 300 acides aminés qui joue un rôle crucial dans la réplication virale. Comme l’intégrase du VIH-1, elle possède deux activités enzymatiques distinctes : 1) une activité exonucléasique (aussi appelée « 3’-processing ») au cours de laquelle deux nucléotides sont retirés aux deux extrémités 3’ du double brin d’ADN viral, exposant un groupement hydroxyl, et 2) une activité de transfert de brin durant laquelle le groupement hydroxyl permet une attaque nucléophile de l’ADN de la cellule hôte et une intégration de l’ADN viral (Delelis et al., 2008). Des enzymes cellulaires vont alors réparer le site d’intégration, finalisant cette intégration du génome rétroviral.

Une des particularités de l’intégrase du VIH-2 est sa variabilité dans sa longueur en acides aminés. En effet, les différents groupes du VIH-1 ont des longueurs différentes d’intégrase mais la longueur de l’intégrase ne diffère pas entre les sous-types. Ainsi, tous les VIH-1 de groupe M, peu importe leur sous-type, possèdent une intégrase de 288 acides aminés.

Au sein des VIH-2, il existe des variations dans la longueur des intégrases à la fois entre les groupes et au sein de ces groupes. Les VIH-2 appartenant au groupe A ont tous une intégrase de 293 acides aminés, tandis que ceux du groupe B varient entre 287, 301 ou 306 acides aminés, selon la présence ou non de codons stop précoces (Figure 17).

66

FIGURE 17 :ALIGNEMENT DES INTEGRASES DE DIFFERENTS RETROVIRUS

Les séquences d’acides aminés de différents rétrovirus (VIH-1, VIH-2 et VIS de différents primates : macaque, sooty mangabey, gorille et chimpanzé, appelés respectivement SIVmac, SIVsmm, SIVgor et SIVcpz) ont été alignées avec le logiciel Aliview v1.21.

Abréviations : * : codon stop ; VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine, et VIS : Virus de l’Immunodéficience Simienne.

L’intégrase des VIH-2, comme celle des VIH-1, peut être subdivisée en 3 domaines structuralement et fonctionnellement distincts (Figure 18):

- le domaine N-terminal (ou « N-terminal domain », CTD, nucléotides 1 à 50) : composé de trois hélices α et stabilisé par un atome de zinc au cœur du motif HHCC (Eijkelenboom et al., 1997). Le CTD permet notamment la multimérisation de l’intégrase, nécessaire à son activité, la forme tétramérique étant la forme active de l’intégrase.

- le domaine du cœur catalytique (ou « catalytic core domain », CCD, nucléotides 51 à 212) : il s’agit du domaine le plus conservé entre les différents rétrovirus. Le cœur catalytique de la protéine est constitué par 3 acides aminés invariables : D64, D116 et D152.

- le domaine C-terminal (ou « C-terminal domain », CTD, à partir du 213e nucléotide) : c’est le domaine dont le rôle est le moins bien caractérisé. Il serait impliqué dans la liaison,

67 spécifique ou non, à l’ADN, notamment via le motif RKK : R231, K258 et K266. Il prend la forme d’un domaine SH3, un tonneau constitué de 2 feuillets bêta anti-parallèles (Figure 19)

FIGURE 18:DESCRIPTION DE LINTEGRASE DU VIH-2 ET DES PRINCIPALES MUTATIONS DE

RESISTANCE AUX INHIBITEURS DINTEGRASE

Représentation des trois domaines structuraux de l’intégrase (NTD, CCD et CTD) avec les motifs critiques pour son activité enzymatique, ainsi que les différentes mutations associées à la résistance aux inhibiteurs d’intégrase.

Abréviations : CCD : « Core Catalytic Domain », CTD : « C-terminal Domain » ; INSTI : « Integrase Strand Transfer Inhibitor » ou inhibiteur d’intégrase ; et NTD : « N-terminal Domain ».

La protéine cellulaire LEDGF (« lens-epithelium derived growth factor », aussi dénommée p75) se lie aux domaines CCD et NTD de l’intégrase des VIH. La fixation au domaine CCD est nécessaire à son activité, tandis que celle au niveau du NTD permet une liaison de plus haute affinité (Cherepanov et al., 2005; Hare et al., 2009). Cette liaison de LEDGF à l’intégrase est très importante puisque la protéine LEDGF est associée à la chromatine et permettrait de rapprocher l’intégrase virale de zones transcriptionnellement actives.

Tout comme pour le VIH-1, la structure de l’intégrase entière du VIH-2 n’a pas été cristallisée à ce jour. Les structures prédites de l’intégrase du VIH-2 sont donc basées sur les régions cristallisées du VIH-2 (NTD et CCD), et sur l’intégrase du PFV (« prototype foamy virus »), un rétrovirus dont l’intasome a été cristallisé et qui sert de référence pour les études sur l’intégrase des VIH-1 et VIH-2 (Hare et al., 2010) (Figure 19).

68

FIGURE 19 :STRUCTURES DES INTEGRASES DU PFV ET DU VIH-2.

A) Structure de l’intégrase du prototype foamy virus (PFV). Cette structure a été déterminée par cristallographie (identifiant PDB : 3L2R ; Hare et al., 2010). La structure représentée est celle de l’intasome en complexe avec du magnésium. L’intégrase du PFV possède une partie en amont du NTD, le NED ou « NTD Extension Domain », et des séquences espaçant les domaines de son intégrase, appelées « linkers », colorées en gris dans cette figure. La partie notée CCD’ correspond au domaine CCD d’une autre molécule d’intégrase. En effet, la structure fonctionnelle de l’intégrase du PFV est l’intasome qui se compose de deux dimères d’intégrase, comme pour les VIH. B) structure de l’intégrase de la souche ROD du VIH-2. Cette structure a été prédite par homologie, à l’aide de la suite I-TASSER, aucune structure complète de l’intégrase du VIH-2 n’ayant été cristallisée à ce jour.

Abréviations : CCD : « Catalytic Core Domain » ; CTD : « C-terminal Domain » ; NED : « NTD Extension Domain » et NTD : « N-terminal Domain ».

10.2. Inhibiteurs de l’intégrase

L’intégration étant une étape critique pour la réplication virale, de nombreuses recherches pour identifier des composés inhibant les activités enzymatiques de l’intégrase virale ont été menées. Actuellement, une seule classe d’inhibiteurs de l’intégrase est commercialisée, celle des inhibiteurs de transfert de brin de l’intégrase (aussi appelés INSTI pour « Integrase Strand transfer Inhibitors »). Ces molécules vont se fixer de façon très spécifique sur les complexes intégrase-ADN viral, au niveau du motif DDE, le site catalytique de l’intégrase (Espeseth et al., 2000). La fixation de l’INSTI va inhiber la fixation de l’ADN de la cellule hôte et donc

69 inhiber sélectivement la réaction de transfert de brin (Delelis et al., 2008). De plus, les INSTI chélatent les cations divalents nécessaires à l’activité de l’enzyme, Mg2+ ou Mn2+ (Delelis et al., 2008).

Les molécules de la classe des INSTI ont été classées en 2 générations, selon leur puissance antirétrovirale et leur barrière génétique qui va en augmentant au fil des générations (1ère génération : raltegravir et elvitegravir, 2e génération : dolutegravir, cabotegravir et bictegravir) (Figure 20). Ces molécules sont récentes puisque la première molécule de cette classe, le raltegravir, n’a été commercialisée qu’en 2007 (Tableau 2). Malgré les différences entre les intégrases du VIH-1 et du VIH-2, le VIH-2 est naturellement sensible aux différents INSTI développés (Roquebert et al., 2008; Smith et al., 2015).

FIGURE 20 :STRUCTURES DES DIFFERENTS INSTI

Une autre classe d’inhibiteur d’intégrase est en cours de développement, celle des inhibiteurs du site non catalytique de l’intégrase (ou « Non-Catalytic site Integrase Inhibitors » ou NCINI). Ces molécules sont des inhibiteurs allostériques se fixant sur le dimère d’intégrases virales, au niveau de la poche fixant la protéine cellulaire associée à la chromatine LEDGF (Feng et al., 2015). Cette poche est située dans le domaine CCD mais est distante du site catalytique, et elle est conservée parmi les VIH-1. Les mutations de résistance induites par ces NCINI diffèrent de celles des INSTI, et l’un des intérêts de ces molécules réside dans leur efficacité sur des virus porteurs de mutations de résistance au RAL (Fenwick et al., 2014; Mitchell et al., 2017).

70 Les molécules de cette classe sont encore en développement pré-clinique, et leur activité serait limitée aux VIH-1, du fait d’une mutation de polymorphisme du VIH-2 au codon 128 de l’intégrase (Christ et al., 2010).

10.3. Résistances du VIH-2 aux inhibiteurs de