• Aucun résultat trouvé

Les deux régimes associatifs : 1901 et 1905 37

2   Se faire une place pour les adeptes de l’islam 34

2.1   Les grands outils et cadres de régulation 34

2.1.2   Les deux régimes associatifs : 1901 et 1905 37

Les responsables des associations musulmanes ont intégré le langage de la laïcité, certains d'une manière positive, ils reconnaissent que la construction de l’islam est rendue possible grâce à la loi de 1905 quand d’autres s'y plient parce qu'ils la savent indiscutable et que cette adhésion est la seule attitude positive pour entrer dans un processus de négociation. Lorsque les échanges ont permis de dépasser les premières formules de convenance sur la laïcité, nous avons constaté l'impossibilité de se déclarer à la fois laïc et musulman, tant les deux termes sont de plus en plus utilisés pour distinguer athéisme et religion. Rappelons que notre enquête nous a conduits vers des responsables, des militants de la question de l’islam et autour de combats qui les mobilisent de manière très forte, et non vers les fidèles qui se vivent autant comme républicains que musulmans et qui appartiennent à une majorité discrète moins engagée dans le registre religieux51. Jeanne Favret Saada, anthropologue52, insiste d’ailleurs sur la nécessité de différencier ceux qui adhèrent au principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, qu’ils soient athées, croyants refusant d’être réduits à leur appartenance religieuse ou encore individus indifférents à leur groupe religieux

51 On retrouve là une analyse faite dans le numéro 37 du Monde des Religions (septembre-octobre 2009) : « Etre musulman en France » et en particulier les deux articles de Majida Dabbagh : « Les « identitaires », l’islam d’abord » et « Les « républicains », la majorité discrète.

52 Cf « Les islamistes et nous » In Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins, Jeanne Favret- Saada, éd. Les Prairies ordinaires 2007, Paris.

de naissance et ceux que l’on nomme « islamistes ». Parmi les musulmans, certains individus ou groupes se désignent eux-mêmes comme « islamistes » (ceux des musulmans pour qui l’islam constitue une doctrine indissolublement religieuse et politique, une doctrine dont les impératifs absolus priment ceux de l’Etat et les droits des citoyens) ou « salafistes » (adeptes du retour aux premiers temps de l’islam). Certains musulmans peuvent être fondamentalistes sans être islamistes, considérant que le retour aux fondamentaux de l’islam peut se faire dans le cadre des lois françaises, campant alors des positions réactionnaires (vis-à-vis du droit d’expression, de l’égalité des sexes et des sexualités). Certains de ces musulmans sont dépolitisés mais s’ils s’engagent en politique, ils s’inscrivent dans le cadre de la démocratie parlementaire. D’autres islamistes ont enfin opté pour la terreur systématique contre tout impie pour réaliser leurs objectifs politiques, ce sont les « jihadistes ».

Le socle du régime associatif en France repose sur le texte de la loi 1901, quand les associations cultuelles ont des droits et des obligations liées à la loi de 1905. Toutes les associations qui gèrent un lieu de culte ne relèvent pas dès l’origine du statut 1905 puisqu’on l’a vu l’imbrication des fonctions culturelles et cultuelles ont pu se développer simultanément dans des locaux associatifs (ou non) banalisés. Certains lieux de culte peuvent même exister sur la base d’un regroupement sans statut mais « d’association de fait ». Rien n’empêche non plus une association culturelle de gérer un local dédié en partie au culte, mais la capacité juridique restreinte d’une association loi 1901, ne permet de recevoir ni dons ni legs. Le souci de rendre visible la fonction cultuelle et d’obtenir des droits plus large, pousse certains responsables à clarifier le statut associatif quand d’autres pensent qu’il suffit d’utiliser le terme « cultuel » dans le nom de l’association. Une association n’est reconnue comme cultuelle que si elle a fait l’objet d’une autorisation émanant de la préfecture du département où elle a son siège. Ce statut confère des droits particuliers, proches de ceux accordés aux fondations et aux associations reconnues d’utilité publique. Il permet aussi de recevoir le produit des quêtes pour les frais de culte, la rémunération des imams est ainsi posée. Par contre, la création d’une association loi 1905, impose l’exercice exclusif du culte et d’apprentissages dans le prolongement direct du culte, elle correspond donc souvent à un dédoublement associatif au moment de la construction d’une mosquée, associée à un centre culturel qui lui, relève de la loi de 1901 qui bien souvent correspond à l’association d’origine et qui peut aller bien au-delà dans le choix des activités proposées (loisir, sport…). La clarification des deux registres associatifs, s’il a toujours bien convenu au culte catholique possédant toujours un lieu de culte très distinct et qui préexistait aux activités culturelles qui se sont développées au 20eme siècle (patronages, sport…), l’organisation spatiale dans le cas de l’islam, on l’a vu, est bien différente et le mouvement s’en trouve inversé. La plupart des associations musulmanes relèvent encore de la loi de 1901.

Dans le cas du dédoublement associatif, le souci est de justifier de l’utilisation des fonds pour chacune des structures et de clarifier la nature des activités. Les membres des deux associations peuvent être les mêmes, mais on l’a vu, le processus de dédoublement peut aussi donner l’occasion à de nouveaux membres de prendre position dans le champ associatif et entraîner une période de conflits et de flou au niveau des personnes de références pour les municipalités. Au cours de ces mutations, la dimension ethnico-nationale peut réémerger alors même qu’un discours unifié monte autour de l’islam de France, ce qui vient troubler les doctrines et les stratégies des Villes, qui poussent pour avoir un nombre réduit et stable d’interlocuteurs afin de contrôler le nombre des lieux de prière et des mosquées.

2.1.3 L’établissement d’une doctrine municipale et l’émergence de bonnes pratiques