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Chapitre 4 : Les déterminants de la précarité hydrique

4.5. Le régime hydrologique

La pluie est constituée d’événements intenses d’origine convective d’une durée de quelques heures. Le ruissellement produit sur les versants de type Hortonien63 s’accumule alors

rapidement dans une multitude de mares temporaires, exutoires naturels de bassins versants

63 Le ruissellement dit "Hortonien" c’est un refus d’infiltration par une incapacité du sol à transférer toute l’eau présente en surface (Matthieu Nicolas, 2010).

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de quelques km2. La vidange rapide de ces mares par infiltration représente l’essentiel de la

recharge de la nappe (Favreau Guillaume, 2002). Dans cet environnement, toutes les données hydrodynamiques montrent une recharge de type indirect par infiltration rapide de l’eau accumulée dans les mares. Le Niger (fleuve) moyen dans la zone sahélienne reçoit trois affluents qui drainent le Liptako Gourma : le Gorouol, le Dargol et la Sirba qui ont des écoulements en accord avec le climat sahélien et leurs apports au fleuve sont très faibles (figure 55).

Figure 55 : le réseau hydrographique du Liptako nigérien

On observe paradoxalement dans la région (sahélienne) pour certains cours d’eau sahéliens une augmentation des écoulements, sensible dès les années 1980 et présentant des maximums durant la décennie 1990, alors que les pluies y sont très déficitaires depuis 1970, comme le montre le tableau 4 (L’Hôte Yann et al., 2002, 2003; Daï Aiguo et al., 2004). Mais cette augmentation de l’amplitude de l’écoulement semble être liée à la dégradation des états de surface, probablement amplifiée par les activités humaines (Mahe Gil, Olivry Jean Claude & Servat Eric, 2005). Le déboisement a ainsi augmenté le ruissellement, l’accumulation des volumes d’eau de surface et la recharge indirecte de la nappe. Entre 1957 et 2001 le Dargol a

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vu son écoulement augmenter avec 160 millions de m3 à la station hydrométrique de Kakassi,

en aval du barrage de Téra pour la période 1957-1978. L’écoulement moyen était passé à 173 millions de m3 pour la période de 1978-2001, d’où une augmentation appréciable des volumes

écoulés après la construction du barrage (Seyni Hassane et al., 2014). Le département de Téra est intéressé par le Gorouol (255 km de long et 44 850 km2 de bassin), le Dargol et une petite

portion du fleuve, les réseaux hydrographique et hydrologique sont plus ou moins denses. Le département est ainsi arrosé par le fleuve au niveau de Méhana, le Gorouol et le Dargol qui sont les deux principaux collecteurs d’eaux venant d’une multitude de koris64. Le Gorouol

reçoit les eaux de la mare de Youmban à partir du village de Yatakala et d’autres koris comme Wanégori, Kolmangori, Tchangori non moins importants avant de se jeter dans le fleuve aux environs de Gourmé et Yalma. En 2016, le Gorouol qui a un écoulement saisonnier, semi permanent (220 000 000 m3 par an), a coulé toute l’année entre Yatakala et le fleuve. Cette

pérennité annuelle exceptionnelle de l’écoulement des eaux du Gorouol est lié, d’une part, à l’existence d’un ouvrage de mobilisation des eaux du Youmban, la construction d’une retenue artificielle d’eau dans le lit du Gorouol à Yatakala pour une exploitation pastorale et, d’autre part à une meilleure gestion des eaux du Youmban qui a consisté à un relâchement planifié des eaux étalé tout au long de l’année. Le kori de Soulgou alimente la mare de N’Baram (se trouvant entre les villages de Korougoussou et Tessi), continue par Bankilaré et se jette dans la mare de Ingui qui à son tour se jette dans le fleuve à partir du village de Abuja. Le complexe Namga-Kokorou déverse son trop plein dans la mare de Tingua à Méhana où elles continuent dans le fleuve. Au niveau de la commune urbaine de Téra, le Dargol constitue le principal cours d’eau, son hydrologie au niveau de Téra est marquée par la médiocrité et l’irrégularité des écoulements. Le réseau est ainsi fonctionnel du début de l’hivernage (généralement en juillet) à la fin mois d’octobre, son régime est très irrégulier avec des crues pouvant atteindre 160 m3/s. Le rapport quantité d’eau coulée/précipitation est de 7 %, en

1984, cette valeur est très faible et met bien en évidence le rôle considérable de l’évaporation (Jerome Marie, 1984). Le cour supérieur du Dargol prend ses sources au Burkina Faso et se constitue par la réunion de deux branches nord et sud. Au nord, le Gorol Diabé draine les chaînons de Tin Aouati et la région de Katchinga. La branche sud draine les collines de Seytanga, ses eaux traversent difficilement la grande mare de N’solo. Les deux branches se réunissent en territoire nigérien pour former le Gorol Olol, la « rivière jaune » en langue Peul, qui coule d’ouest en est alimentant la mare de N’solo et draine un bassin versant de 1 300 km2

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environ (ibid.). Entre N’solo et Téra, la rivière prend le nom de Folco et reçoit le Sekomé et sur sa rive gauche le renfort de Begorou. Le Folco reçoit sur sa rive droite le Homboli enrichi du Golgou. À partir de Téra, la rivière prend le nom de Dargol et rejoint le fleuve après un parcours de 212 km. Il coule d’Ouest en Est conformément à la pente générale de la plaine (0,04 %) entre sa source dans les Tchiral à la cote de 263 m et la station de Kakassi à proximité de sa confluence avec le Niger à la cote 198 m (ibid.). Tout au long de son parcours, la rivière reçoit les eaux de N’solo, du Begorou, de Harboudjé, du Diagourou etc. et draine un bassin de 5 490 km2. En analysant la figure 56, on voit que la construction du

barrage à Téra en 1980 n’a pas réduit l’importance de l’écoulement du Dargol. Toutefois le débit de l’écoulement est plus important à la station de Kakassi qu’au niveau de Téra. Cette situation peut s’expliquer par l’importance des apports que l’affluent reçoit en aval de Téra avant de se jeter dans le fleuve Niger. L’importance de l’écoulement reste cependant fortement dépendante de la pluviométrie annuelle (figure 57).

Tableau 4 : coefficients d’écoulement de rivières sahéliennes, avant et après 1972 et ratio de pluie sur les bassins avant et après 1972

Rivière Station Zone

CE avant 1972 en % CE après 1972 en % Ratio avant/après 1972 en % Pluie avant/après 1972 en %

Gorouol Koriziena Sahélien 4,5 8,8 95 -18

Gorouol Dolbel Sahélien 6,6 8,6 32 -20

Gorouol Alcongui Sahélien 1,6 2,2 40 -18

Dargol Téra Sahélien 6,2 8,4 37 -20

Dargol Kakassi Sahélien 3,9 6,2 57 -18

CE : coefficient d’écoulement

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Figure 56 : le débit moyen du Dargol aux stations de Téra et Kakassi de 1961 à 2002

Photo 15 : le Dargol à Kakassi après une forte pluie avec des apports très chargés Source : Moussa Yayé, 2016

La mare de N’solo se trouvant à 25 km de Téra à l’ouest et à peine 20 km à la frontière du Burkina Faso est un plan d’eau atteignant 400 ha en saison des pluies et qui offre un milieu pédobotanique très riche, avec des ressources plus variées que l’austère milieu sahélien. Elle est un pôle d’attraction pour les paysans, les éleveurs et les pêcheurs.

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179 Photo 16 : Youmban à la confluence du Gorouol Source : Google Earth, image 2016

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Conclusion du chapitre

Ce chapitre a permis de déterminer, d’analyser et d’évaluer les principaux facteurs déterminant la précarité hydrique dans la commune urbaine de Téra. En effet, à la lumière de l’analyse de ces facteurs, on comprend que la précarité hydrique à Téra est le résultat de la conjugaison de facteurs hydrogéologiques, climatiques, démographiques, techniques, économiques et politiques. Mais, les contraintes climatiques et hydrogéologiques, la croissance démographique rapide et le manque de volonté politique sont les principaux facteurs importants dans la définition de la précarité hydrique. Les contraintes climatiques et hydrogéologiques rendent les ressources en eau insuffisantes et difficilement accessibles dans le temps et dans l’espace. Le faible niveau de maîtrise des ressources en eau s’explique par le manque de volonté politique. Et certains choix politiques ne sont de nature à répondre aux besoins en eau de façon durable.