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Structure hospitalière et positionnement du cadre de proximité

3- Réformes et financements de l’hôpital public

Essentiellement financés par la branche maladie de la Sécurité Sociale, au sein d’une enveloppe fermée votée chaque année par le Parlement, les établissements de santé constituent un enjeu économique, financier et budgétaire très important étant donné leur part dans les comptes nationaux de la santé.

A leur création, les hôpitaux n’ont subsisté qu’avec l’apport financier des dons et des legs. « Cette forme de financement permettait à l’Eglise de disposer d’une sorte de monopole d’aide vis-à-vis des malades, indigents, aliénés et vieillards » (Ibid., p.128). Par la suite et jusqu’à la Révolution Française, c’est le pouvoir royal qui eut la main mise sur le champ sanitaire et social pour le "bien public". Mais c’est à partir du XIXème

siècle que l’Etat assure l’essentiel du financement des hôpitaux. Le système du prix à la journée a représenté une source de financement durable jusqu’en 1945 avec la naissance de la Sécurité Sociale. La loi du 19 janvier 1983 remplace ensuite ce prix à la journée par le système de "budget global", c’est à dire d’une dotation globale de financement21

. (Mattei, 2007)

Le changement de rationalité à l’hôpital se situe à partir des années 1990 avec la loi portant réforme hospitalière en 1991.22 La composition du CTE varie numériquement selon le nombre de fonctionnaires entre les collèges A-B-C. Cette composition n’est plus fondée sur le paritarisme : l’administration n’est plus représentée que par le directeur de l’établissement, président de droit de cette instance, mais évoque par une représentation plus professionnelle ce qui prévaut dans les comités d’entreprise. (Stingre, 1999, p.97)

Cette réforme fixe un cadre réglementaire de gestion par objectifs sur la base de projets d’établissements. Le projet d’établissement, d’une durée maximale de cinq ans, sur la base du projet médical, définit la politique générale de l’établissement. Il prend en compte les objectifs de formation, de recherche et de gestion. Il comprend un projet de prise en charge des patients en cohérence avec le projet médical, le projet de soins infirmiers, de rééducation

21 Le système de l’enveloppe globale consistait à attribuer un budget global destiné à assurer l’ensemble du fonctionnement de l’hôpital pour l’année. Ainsi, avec une réduction de son activité d’une année sur l’autre, un hôpital se trouvait à l’aise avec une enveloppe surdimensionnée ; et inversement, les hôpitaux développant de nouvelles activités devaient les financer sur leur enveloppe globale par des économies réalisées sur leur fonctionnement antérieur. Pour les malades coûteux, certains pouvaient se trouver renvoyés au début de l’année suivante. Quant à la T2A, les établissements sont rémunérés en fonction de leur activité réelle. Tout le problème est de pouvoir comptabiliser cette activité.

22 Loi n°91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière parue au JO n 179 du 2 août 1991. Cette loi prévoit notamment la création des schémas régionaux d’organisation sanitaire, établit l’obligation du projet d’établissement, définit la notion de contrat d’objectif et de moyens et fixe pour les cliniques l’objectif quantifié national (OQN).

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et de médico-technique. Il prévoit également les moyens d’hospitalisation, de personnel et d’équipement de toute nature dont l’établissement doit disposer pour réaliser ces objectifs. La régulation des coûts de santé est devenue prioritaire et entraîne la rationalisation de la prise en charge des patients. Ceci a des effets sur le travail des personnels médicaux, paramédicaux et administratifs, ainsi que sur la professionnalisation des cadres de santé. Cette loi a également créé la catégorie juridique des établissements de santé qui s’est substitué à l’ancienne distinction entre hôpitaux publics et cliniques privées. Le terme d’établissement de santé recouvre dans un même concept les notions d’entité juridique qui renvoie à une structure institutionnelle possédant deux organes de décision que sont le conseil d’administration et la direction, et d’entité géographique renvoyant à un site de production des soins. Généralement, les deux entités se superposent sauf dans certaines grandes structures hospitalières publiques comme l’AP-HP et les centres hospitaliers intercommunaux où l’entité juridique regroupe plusieurs établissements. (Bonnici, op.cit., p.49) Si la loi du 31 juillet 1991 instaure la notion d’établissement de santé, elle ne la définit jamais. La disposition fondamentale de cette loi pour l’hôpital public est l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet d’établissement, qui se décline en différents projets interdépendants : projet médical, projet de soins infirmiers, projet de gestion etc. « Le projet de soins infirmiers dans les établissements d’une certaine importance est préparé par la commission du service de soins infirmiers présidée par l’infirmier général, directeur du service de soins infirmiers, membre de l’équipe de direction. C’est là une très grande nouveauté, qui est une réponse institutionnelle au mouvement des infirmières de 1988 protestant à la fois pour de meilleures conditions de travail et, surtout, pour une véritable reconnaissance professionnelle » (Molinié, 2005, p.121).

En 2012, la tarification à l’activité aura totalement remplacé la dotation globale. La tarification à l’activité comprenant des tarifs par séjours, des tarifs par prestations, et des paiements supplémentaires pour des dispositifs médicaux ou des médicaments onéreux. La T2A représente le grand bouleversement de ces dernières années dans l’institution hospitalière. Ce nouveau système peut avoir des travers. Il est avantageux pour les praticiens hospitaliers qui génèrent une forte activité rémunératrice en actes (la cardiologie par exemple). La tarification à l’activité permet alors de créer ou de renforcer les moyens humains, médicaux, techniques et logistiques par une progression de l’activité. La T2A conduit donc à l’amélioration de la dotation des hôpitaux qui se développent, harmonise les sources de financement et encourage la recherche et l’innovation thérapeutique. A l’inverse, pour les

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praticiens qui gèrent une moindre activité, le risque est grand que leur établissement subisse une restructuration ou un financement non pérenne de leur structure. En cela, le budget global était très protecteur et figeait les "rentes de situation". « Il s’agit d’un véritable pari sur l’avenir qui place le corps médical hospitalier public face à de réelles responsabilité de gestion, au même titre que les gestionnaires administratifs. » (Bonnici, op.cit., p.137) Pour ses détracteurs, la T2A introduit aussi un mode de coordination économique conduisant à gérer l’hôpital comme une entreprise au détriment de l’équité de l’accès aux soins.

« On est passé d’une logique où l’argent tombait sans qu’on réfléchisse, à là, il faut produire pour avoir de l’argent. C’est pas bête en soi, mais dans ce cas là, tous les laissés pour compte faut quand même les soigner, donc bon. Et du coup, on a des contraintes financières qui sont de plus en plus pesantes quoi. » (Céline, cadre de santé)

Autre élément de la réforme du financement des hôpitaux, l’objectif de mise en place d’un tarif commun entre hôpitaux publics et hôpitaux privés. Les lois de financement de la sécurité sociale pour 2004 et 2005 ont ainsi prévu d’ici 2012 une harmonisation progressive des tarifs. Cette convergence des tarifs comporte en fait trois aspects : une uniformisation des tarifs au niveau de l’ensemble des hôpitaux publics d’une part, au niveau des établissements privés d’autre part. Enfin, l’objectif visé sera d’avoir un tarif commun aux hôpitaux publics et privés. Or, il s’avère dangereux de faire une comparaison entre le secteur public et le secteur privé alors que les organisations, les contraintes, les activités et les bénéficiaires des deux secteurs sont différents. Les hôpitaux publics accueillent les patients aux pathologies les plus lourdes et subissent plus fortement la charge des activités non programmées, notamment la gestion des services d’urgences. A cela s’ajoute encore pour le secteur public les différences de normes applicables aux établissements et liées aux conditions d’emploi des personnels. Le Plan Hôpital 2012 garantit donc, sans rupture, la poursuite de cette dynamique, avec un financement à hauteur de 10 milliards d'euros. Mais sur le contenu, ce nouveau plan est plus contraignant pour les établissements, car les investissements doivent accompagner la restructuration des hôpitaux, programmée dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), qui prévoient des regroupements de plateaux techniques et davantage de coopération entre public et privé.

Plus l’hôpital public est performant, plus il coûte cher à la collectivité. Il est aujourd’hui écartelé entre deux finalités : l’efficacité économique et la charité. L’hôpital privé, en revanche, à but lucratif, s’efforce de traiter les affections courantes.

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Les établissements publics sont caractérisés par la complexité de leur organisation administrative et médicale. Cette complexité est due au fait que « l’hôpital s’est construit, au fil de l’histoire, par strates successives qui se sont empilées au gré des réformes et de l’évolution des rapports politiques, économiques et sociaux » (Bonnici, op.cit., p.71). Et c’est cette organisation qui constitue les différences majeures entre les établissements publics et les établissements privés.

Nous voyons bien que ces dernières réformes tendent à rapprocher le service public hospitalier des fonctionnements économiques privés. Nous pouvons nous interroger sur la possibilité d’une gestion entrepreneuriale de l’hôpital.

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