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Le temps de recouvrement τ correspond à la durée nécessaire aux porteurs pour revenir à leur état initial après une excitation lumineuse. Cette durée correspond au temps de re-couvrement du matériau, et va donc gouverner le temps de réponse du composant. Pour un matériau semiconducteur, le temps de recouvrement τ en régime dynamique dépend de la densité de porteurs Ncet s’écrit

1

τ = Ar+ 2 BrNc + 3 CrN

2

c, (2.15)

avec Arla contribution des recombinaisons non-radiatives, Brla contribution des radiations radiatives et Cr la contribution des recombinaisons Auger. Dans le cas des matériaux semi-conducteurs parfaits (sans dopage, ni défauts cristallins), le temps de recouvrement est très long (entre 10 ns et 500 ns) car les recombinaisons dominantes sont radiatives. Pour l’appli-cation que l’on vise il est nécessaire à la fois de réduire par au moins un facteur 10 000 ce temps de réponse, ainsi que de supprimer les recombinaisons radiatives, car sinon celles-ci seraient une source de bruits optique, ce que l’on cherche justement à supprimer ou tout du moins à réduire. La solution à ce problème est donc d’augmenter la contribution des recom-binaisons non-radiatives pour la rendre dominante.

Comme notre but est de réaliser un composant passif, la réduction de ce temps de recou-vrement doit devenir intrinsèque au matériau et de ce fait ne doit pas nécessiter l’aide d’une énergie extérieure comme par exemple une tension électrique. Le seul moyen pour arriver à notre fin est alors de créer des centres de recombinaison non-radiatifs dans la structure cris-talline du matériau. Plusieurs méthodes ont été développées à ce jour et elles interviennent soit durant la croissance cristalline (méthodes in-situ), soit après (méthodes ex-situ).

1 – Méthodes in-situ

Les méthodes in-situ jouent sur les paramètres de croissance tels que la température ou les éléments chimiques. Cinq techniques utilisant ce principe ont été recensées dans la lit-térature : la croissance basse-température, le dopage, la croissance assistée par plasma, la croissance métamorphique et l’utilisation de plans azotés.

– La plupart des composants optoélectroniques à base de semiconducteur nécessite des couches cristallines de grande qualité d’où la nécessité de réaliser ces croissances à des tem-pératures de 500 ˚C à 600 ˚C [23]. Lorsque l’on diminue la température de croissance, de nombreux défauts cristallins apparaissent (excès d’As sous forme d’As antisite) et forment des niveaux donneurs profond qui capturent les porteurs [24]. L’expérience montre que le temps de recouvrement diminue avec la température de croissance. Ainsi des temps de re-laxation subpicosecondes ont été atteints avec des puits quantiques sur GaAs [11] et sur InP (mais associé à du dopage) [25] et des températures de croissance de 310 ˚C et 200 ˚C respectivement.

– Le dopage est une autre technique permettant de créer des centres de recombinaison non-radiatifs lors de la croissance cristalline. A ce jour, deux éléments ont été principale-ment utilisés pour réduire le temps de recouvreprincipale-ment : le Béryllium (Be) et le fer (Fe). Le dopage au Be est toujours associé à une croissance basse-température [25, 26]. En plus des défauts liés à la croissance basse température, les atomes de Be forment des complexes avec

l’As qui agissent comme des centres de capture et de recombinaison des porteurs. Le do-page Fe se fait à une température de croissance plus élevée (∼ 450 ˚C). Les atomes de Fe remplacent les atomes d’In dans le réseau cristallin et forment ainsi des niveaux accepteurs qui vont piéger les porteurs [27]. Dans les deux cas, le temps de recouvrement diminue avec la concentration de dopants. La technique du dopage au Be a ainsi permis d’atteindre un temps de réponse aussi court que 250 fs sur des puits quantiques GaAs/AlAs (concentration de 2.1019cm−3 et température de croissance de 280 ˚C) [26] et de 1 ps pour des puits In-GaAs/InAlAs (concentration de 7,8.1017cm−3 et température de croissance de 200 ˚C) [25]. La technique du dopage au Fe a quant à elle permise d’obtenir un temps de réponse ultra-court de 290 fs avec des puits quantiques InGaAs/InP (concentration de 2.1019cm−3) [28].

– La croissance assistée par un plasma d’hélium (He) est une autre technique in-situ qui permet, associée à un dopage au Be, de réduire le temps de relaxation des porteurs. Durant la croissance un plasma continu d’He provoque des défauts de surface aidant à la réduction du temps de relaxation. Un temps de réponse de 0,8 ps a pu être obtenu grâce à cette technique, mais uniquement sur un matériau massif d’InGaAsP (associé à un dopage au Be à 1.1018cm−3) [29].

– La croissance métamorphique est une technique mise au point très récemment. Elle consiste à utiliser les désaccords de maille entre matériaux pour créer des dislocations dans la zone active et permettre ainsi de réduire le temps de recombinaison. Le temps de relaxa-tion est contrôlé grâce à l’épaisseur d’une couche d’InP séparant la zone active de la zone de création des dislocations. Plus l’épaisseur de cette couche est faible, plus le nombre de dislocations est grand et plus court est le temps de recombinaison. A partir de cette méthode, des puits quantiques à base d’InP ont été épitaxiés sur un substrat de GaAs et ont montré un temps de réponse de 40 ps [30]. Cette technique est très intéressante car elle permet de faire des structures fonctionnant à 1550 nm sur des substrats de GaAs, substrats beaucoup moins chers que ceux en InP, mais les temps de relaxation actuellement obtenus sont trop long pour un fonctionnement à très haut débit.

– L’utilisation de très fins plans cristallins (en GaNAs) contenant une forte quantité d’azote (N) dans le but de réduire le temps de relaxation des porteurs est une technique originale développée au sein du LPN [31]. Ces plans cristallins sont placés très près des puits quantiques (quelques nanomètres) afin de permettre aux porteurs d’y être évacués par effet tunnel et de s’y recombiner. Le temps de relaxation est ajusté grâce à l’épaisseur de matériau séparant le puits quantique du plan azoté. Cette technique a été utilisée pour réali-ser des microcavités avec des puits quantiques contenant de l’azote dilué (InGaNAsSb) sur des substrats de GaAs. Une de ces structures fonctionnant à 1,55 µm a permis d’obtenir un temps de recouvrement de 12 ps [32].

2 – Méthode ex-situ

Il n’existe à l’heure actuelle qu’une seule méthode de création de défauts intervenant après la croissance des couches cristallines. Il s’agit de l’irradiation ionique. Cette technique consiste à bombarder la structure cristalline avec des ions de très fortes énergies. Les ions vont ainsi traverser la couche active de part en part et créer tout au long de leur passage des défauts cristallins. De nombreux ions ont été étudiés dans le cadre de cette technique. L’utilisation d’ions légers comme les proton (H+) va créer des défauts ponctuels [33] alors que l’utilisation d’ions lourds comme le nickel (Ni+) [34], l’or (Au+) [35] ou encore

l’oxy-gène (O+) [36] va créer de nombreux défauts sous forme d’agrégats. Bien que les deux types d’ions permettent d’obtenir des temps de relaxation de quelques picosecondes, les ions lourds donnent les temps de recouvrement les plus courts et de plus les défauts ainsi créés sont moins sensibles à la température [37]. Enfin, on peut noter que l’absorption excitonique, bien que légèrement dégradée, est toujours visible pour des doses d’irradiation allant jusqu’à 1.1012cm−2[36]. La figure 30 montre la variation du temps de réponse avec la dose d’irradia-tion de multi-puits quantiques irradiés aux ions H+et Ni+. On voit que le temps de réponse est inversement proportionnel à la dose d’irradiation. Cette méthode a permis d’obtenir des temps de réponse de l’ordre de la picoseconde sur des puits quantiques InGaAs/InAlAs irra-diés par des ions Ni+avec une dose de 1.1012cm−2 et une énergie de 11 MeV [34].

Fig. 30 – Variations (en échelle logarithmique) en fonction de la dose d’irradiation et du type d’ion (H+

et Ni+) du temps de réponse de multi-puits quantiques InGaAs/InAlAs [34, 38].

La plupart des techniques in-situ et ex-situ que l’on vient de citer permettent d’obtenir des temps de recouvrement suffisamment courts pour pouvoir traiter des débits d’au moins 40 Gbits/s. Malheureusement, ces techniques en dégradant la qualité des puits quantiques vont aussi dégrader l’absorption excitonique et donc diminuer la non-linéarité d’absorption. Une autre conséquence non-négligeable de la réduction du temps de recouvrement est de fortement augmenter l’intensité nécessaire à la saturation de l’absorption car celle-ci est inversement proportionnelle à τ (cf. Eq. (2.10) page 46).